Total doit s’adapter tous les six mois à la faiblesse persistante des prix du pétrole, qui oscillent entre 45 et 50 dollars (entre 40 et 44 euros) le baril après un éphémère redressement au printemps. Pour affronter cette chute des cours qui dure depuis juin 2014, lorsque le baril de brent valait encore 115 dollars, mais aussi pour préserver le niveau du dividende qu’ils versent à leurs actionnaires, les dirigeants du groupe pétrolier ont annoncé, mercredi 23 septembre, une nette amplification de leur programme de réduction de coûts et une baisse plus importante que prévu de leurs investissements.
Patrick Pouyanné, directeur général de Total, qui s’exprimait à Londres devant la communauté financière, a pour « objectif principal de sauvegarder le dividende ». « Nous allons certainement au moins le maintenir » au titre de 2015, a précisé son directeur financier, après l’avoir augmenté de 2,5 % (à 2,44 euros) pour l’exercice 2014.
Patrick de La Chevardière, le directeur financier du groupe, a maintenu l’option d’un paiement en actions décidé en mai, ce qui permettrait à la compagnie de moins décaisser. « Patrick Pouyanné et moi ne voulons pas être les premiers à baisser le dividende », a-t-il averti.
Pas de grand bond des prix attendu d’ici à fin 2016
L’horizon ne se dégagera pas avant début 2017, prévient M. Pouyanné, en raison d’une surproduction d’environ deux millions de barils par jour et de fortes incertitudes sur la demande de brut liées au ralentissement de l’économie chinoise.
« Nous ne pouvons pas contrôler le prix du pétrole et du gaz, mais nous pouvons contrôler nos coûts, l’allocation de nos capitaux et la fiabilité de nos opérations », a-t-il souligné devant les analystes financiers.
Car « d’ici à fin 2016, je serais surpris de voir un grand bond des prix », a-t-il ajouté, estimant que le groupe visait même l’équilibre de ses flux de trésorerie avec un baril à quelque 45 dollars en 2019.
Le patron de Total envisage de couvrir le versement du dividende grâce au flux de trésorerie, même si le prix du baril ne dépasse pas 60 dollars en 2017.
Pour accroître ses liquidités, le groupe avait déjà réduit son enveloppe d’investissements entre 23 et 24 milliards de dollars (20,6 et 21,5 milliards d’euros) en 2015. L’an prochain, il ne prévoit plus qu’un montant compris entre 20 et 21 milliards de dollars, et l’enveloppe sera comprise entre 17 et 19 milliards à partir de 2017.
Cette baisse affectera alors la production, a reconnu M. de La Chevardière. La première entreprise française joue aussi sur la baisse de ses dépenses opérationnelles. M. Pouyanné affirme que Total a été « la première major à lancer un programme global de réduction des coûts ».
Il l’a renforcé en février 2015, quand le baril était au plus bas. De 1,2 milliard en 2015, l’effort passera à 3 milliards en 2017, soit 50 % de plus que prévu.
Le groupe se veut raisonnablement optimiste sur la production d’hydrocarbures en raison de la mise en service progressive, dans les prochaines années, de vingt « projets majeurs » dans le pétrole et le gaz, dont huit cette année.
Mais il se refuse, selon M. Pouyanné, à « augmenter les volumes à tout prix » au prix d’investissements excessifs dans l’exploration-production, comme Total et ses concurrents l’ont fait au début de la décennie. En 2013, Total avait investi 28 milliards, un record historique pour la multinationale.
A la baisse des investissements depuis près de deux ans se sont ajoutés des retards dans la mise en production de champs pétrolifères et gaziers en Australie, en Norvège et en Italie. Ils affecteront la production d’ici à 2017.
Le groupe, qui pompe aujourd’hui un peu plus de 2,3 millions de barils équivalent pétrole par jour, escompte une production de 2,6 millions en 2017 – inférieure à l’objectif précédent de 2,8 millions. Si 2015 a été faste (+ 8 %), le rythme de progression devrait baisser à 6 % -7 % en moyenne par an sur 2014-2017 et à 5 % pour 2014-2019.