Comment relancer un secteur porteur après des années de guerre alors que le cadre normatif, les infrastructures et les moyens font cruellement défaut ? Après le secteur des mines, l’assureur du commerce en Afrique se tourne vers la filière touristique.
Le 27 septembre de chaque année, la communauté internationale célèbre la journée mondiale du tourisme. Pour la plupart des gouvernements, c’est l’occasion de faire le bilan des actions de promotion du tourisme. En République démocratique du Congo, ce secteur est considéré par les dirigeants actuels comme l’un des leviers de l’émergence économique en 2030. Dans sa situation de pays post-conflit, la RDC peine à attirer massivement des investisseurs, étant donné que les risques politiques sont jugés importants du fait de l’image négative véhiculée par certains acteurs de la vie nationale. C’est le pays est constamment convié par ses partenaires à engager les réformes nécessaires pour atteindre cet objectif d’émergence. Car, riche en biodiversité, il est susceptible d’attirer les touristes. C’est en 2009 que le processus de relance du tourisme a commencé. Première étape : préparer la loi-cadre et organiser les états généraux du tourisme. C’est dans cette optique que l’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique (ACA) s’est engagée à couvrir les risques politiques sur des projets évalués à 300 millions de dollars. Actuellement, c’est le seul assureur multilatéral couvrant le risque politique, le conflit armé, le risque de guerre, la violence politique, le terrorisme et le sabotage afin de protéger les investissements et les échanges commerciaux en Afrique.
Destination à haut risque
La plupart des investisseurs, nationaux et étrangers, considèrent encore la RDC comme une destination à haut risque et cela a inexorablement empêché certains investisseurs d’y faire des affaires. Les risques politiques sont de nature à bloquer ou à ralentir l’expansion du commerce intra régional, soutient l’ACA. Conscients de ce blocage des investissements, les ministres africains des Finances et du Commerce des différentes régions s’étaient réunis à Kinshasa, en 2010, avec les responsables de plusieurs organismes financiers pour discuter de l’impact des risques politiques sur les échanges commerciaux et les investissements étrangers directs en Afrique.
C’est notamment grâce à la couverture de l’ACA que des investisseurs ont pu bâtir des logements, améliorer le réseau téléphonique et apporter une assistance aux mines en RDC. Après le secteur des mines, l’ACA tourne son regard vers le tourisme.
Le plan gouvernemental
Dans son programme d’action 2012-2016, le gouvernement Matata a prévu de faire du tourisme un secteur générateur de revenus. Il s’agit de doter le pays d’une loi- cadre du tourisme et d’en faire un véritable secteur de croissance. Il s’agit aussi de promouvoir les investissements privés ou public-privés pour redynamiser les activités touristiques, réhabiliter les sites estampillés biens du patrimoine mondial en péril, construire de nouvelles infrastructures touristiques, relancer les activités du Fonds national de promotion touristique, mettre en œuvre la réforme du cadre institutionnel de l’Office national du tourisme (ONT). Le programme gouvernemental prévoit, enfin, de renforcer les capacités institutionnelles, humaines, techniques, logistiques et financières, élaborer et mettre en œuvre le plan directeur national et intégré pour le développement du tourisme, promouvoir l’écotourisme et le tourisme des sites historiques.
L’écosystème de la RDC est fait de savane, de forêts profondes, de montagnes, de mangrove, d’un fleuve et de rivières. On y trouve plusieurs spécimens emblématiques parmi lesquels l’okapi, le bonobo, le gorille de montagne, le gorille de plaine, le paon congolais et le rhinocéros blanc. Ce formidable réservoir de faune et de flore est notamment présent au sein des huit parcs nationaux et des soixante-trois réserves et domaines naturels que comptent le pays, dont plusieurs sont inscrits sur la liste des sites mondiaux en danger de l’UNESCO. D’où l’énorme intérêt qu’il suscite, y compris sur le plan touristique.
Mais la plupart de ces espaces protégés sont confrontés au braconnage, à la déforestation, au pillage des ressources naturelles qui ont été amplifiés par les troubles que le pays a connus depuis 1996. De l’avis de beaucoup d’observateurs, le plan gouvernemental de promotion du tourisme reste encore un vœu pieux. À une année de la fin du quinquennat, les actions prévues à ce programme ne sont pas réalisées ou presque. « Si toutes ces actions étaient développées, on assisterait à l’éclosion d’un écotourisme durable et responsable », fait remarquer un fonctionnaire du ministère du Tourisme.
Mettre le cap sur l’écotourisme
La même source souligne que l’écotourisme est relativement facile et rapide à mettre en place via l’agrotourisme, le tourisme industriel, fluvial, historique, culturel. Par ailleurs, l’écotourisme ne requiert pas de gros investissements. Les parcs nationaux constituent le créneau idéal pour le développement d’un tourisme de vision (safaris), très porteur économiquement, et/ou d’un tourisme d’aventure (trekking, alpinisme, activités nautiques, etc.). Les experts recommandent au gouvernement de dégager les moyens nécessaires pour déployer des projets d’envergure et optimiser les immenses ressources en latence. Pour ces experts, il y a lieu aujourd’hui de se demander comment relancer cet important secteur quand on sait que la faiblesse du cadre normatif (administration défaillante, réglementation dépassée ou pas appliquée), le mode d’encadrement (absence d’infrastructures ou mal réhabilitées, réseau routier en chantier, déficit de sécurité, absence de formation aux métiers du tourisme) et les moyens d’accompagnement (déficit des supports de communication et de promotion) constituent des obstacles majeurs.
Toutefois, on constate depuis 2009 un certain nombre d’initiatives d’investisseurs privés, congolais ou étrangers. Principalement à Kinshasa, dans les provinces du Bas-Congo et du Katanga, et dans l’Est du pays. Des opérateurs de tourisme se mettent en place et se spécialisent pour établir des circuits. De nouveaux logements (hôtels, lodges, chalets…) sont construits, d’anciennes infrastructures sont réhabilitées et des sites touristiques sont réaménagés. Mais le tourisme reste une matière fragile qui évolue dans un contexte international extrêmement concurrentiel. Ce qui ne permet pas à la RDC d’envisager un tourisme de masse. L’écotourisme est une déclinaison du tourisme qui se base sur le respect de l’environnement. Il est de plus en plus attractif en Europe et dans le monde. Certains pays comme le Costa Rica ont particulièrement bien réussi sur ce plan et récoltent aujourd’hui les fruits de cette volonté d’attirer des visiteurs tout en préservant leur environnement.
Des solutions adaptées aux problèmes
L’écotourisme est particulièrement adapté aux pays dotés de grands espaces naturels. De plus, il ne nécessite pas d’infrastructures hypermodernes et très consommatrice d’énergie. Bien pratiqué, l’écotourisme sera complémentaire et non substitutif aux activités traditionnelles (élevage, pêche, agriculture). Il peut se développer au sein du monde paysan de manière communautaire avec une juste répartition des tâches et des bénéfices.
C’est un tourisme qui combine rentabilité économique, épanouissement social et durabilité environnementale. Il va donc falloir innover, imaginer, être audacieux afin d’apporter des solutions réellement adaptées aux problèmes.
Par exemple, la Belgique participe à la protection de la faune et de la flore dans le parc des Virunga. La Belgique plaide pour un tourisme de vision florissant autour des espèces animales et là où les exploitants forestiers et miniers, l’agriculteur et l’homme ou la femme d’affaires appuient financièrement les réserves naturelles et le développement respectueux de l’environnement. Des investisseurs italiens, eux, s’intéressent à la promotion du tourisme à Kinshasa. Dans le guide touristique de la ville, l’Office national du tourisme subdivise la capitale en sites touristiques : le site de Nsele, dont le Fonds Italia, une institution bancaire italienne, devrait financer les travaux de réhabilitation.
Au Katanga, le tourisme est considéré comme l’un des secteurs alternatifs aux mines pour garantir l’avenir socio-économique. L’objectif est d’en faire l’une des principales activités génératrices de recettes en devises en partenariat avec des investisseurs privés.