La Coalition Publiez Ce Que Vous Payez vient de publier un rapport sur l’impact de cette structure dix ans après l’adhésion de la République démocratique du Congo. L’accent est mis sur le regard des parties prenantes sur le véritable rôle joué par cet organisme.
C’est Jean-Claude Katende, coordonnateur national de la Coalition Publiez Ce Que Vous Payez(PCQVP), qui a présenté les conclusions d’une enquête initiée par la société civile, sur l’impact de l’Initiative pour la transparence dans l’industrie extractive (ITIE) en République démocratique du Congo. L’étude, menée en 2014 avec la collaboration de la Coopération allemande, poursuivait deux objectifs.
D’une part, mesurer l’efficacité du processus et, d’autre part, évaluer les changements intervenus dans la gestion des ressources naturelles, les effets positifs ou négatifs sur les parties, les réformes mises en œuvre grâce à l’ITIE dans la lutte contre les détournements des recettes publiques. L’étude a bénéficié de la contribution du gouvernement, des entreprises, de la société civile, des régies financières, du secrétariat technique de l’ITIE, ainsi que celle des partenaires internationaux. Pour la société civile, il s’agissait de donner de nouvelles perspectives à l’ITIE/RDC.
Résultats de l’enquête
L’enquête s’est déroulée entre novembre et décembre 2014. Elle a commencé à Kinshasa du 28 novembre au 5 décembre 2014 ; s’est poursuivie au Bas-Congo du 2 au 6 décembre, avant de s’achever au Katanga du 12 au 19 décembre. En tout 51 enquêteurs ont été retenus pour les trois provinces. Dans la province du Bas-Congo, le manque d’informations a constitué un obstacle majeur à une mise en œuvre efficace de l’ITIE. Pourtant, le Bas-Congo possède des richesses énergétiques avec le gaz et le pétrole exploités dans la région de Muanda, ainsi que l’énergie hydroélectrique sur les sites d’Inga et de Zongo. Au large de Muanda, onze entreprises pétrolières sont à l’œuvre, dont Perenco, l’un des plus importants contributeurs au budget de l’État. Quelque 230 personnes ont été interrogées dans le Bas-Congo. Le rapport souligne que le processus ITIE n’est pas bien connu par la population du Bas-Congo, à part quelques membres de la société civile. Sur le plan économique et de la gouvernance du secteur extractif, 100% des personnes interrogées pensent qu’il y a un changement de comportement des gouvernants grâce à l’ITIE ; 57% estiment que l’ITIE a une valeur ajoutée dans les recettes de l’État en voyant l’accroissement progressif du budget de l’État à chaque exercice et 100% sont d’avis que la conformité de la RDC est méritée, mais que le pays doit encore mieux faire pour que la population sente les effets de l’ITIE sur le plan social.
La coalition PCQVP suggère alors un renforcement de la vulgarisation du processus ITIE à travers les 10 territoires de l’actuelle province du Kongo Central. Cette vulgarisation doit concerner toutes les parties prenantes, notamment les régies financières qui sont censées avoir toutes les informations sur l’ITIE pour améliorer leurs systèmes de gestion. Au Katanga, province minière, la société civile est l’avant-garde de la mise en œuvre de l’initiative. Le rapport indique que cette province contribue à hauteur de 60% aux revenus qui sont publiés dans les rapports ITIE. Les réserves de cuivre au Katanga avoisineraient 55 millions de tonnes et celles de cobalt 3,6 millions de tonnes, soit le quart des réserves mondiales. Pour cette province, 334 personnes ont été interrogées. La société civile indique que les rapports ITIE n’ont pas d’impact parce qu’ils n’ont pas de caractère contraignant. Les écarts indiqués dans tous les rapports ITIE n’ont jamais fait l’objet d’investigations de la part des institutions publiques. Par contre, la même composante soutient que le processus ITIE n’a aucun impact sur les autres secteurs de la vie nationale. En termes de recommandation, la coalition PCQVP demande à l’État de profiter des règles de l’ITIE pour renforcer la bonne gouvernance dans tous les secteurs. Les régies financières, de leur côté, disent qu’il faut œuvrer pour la signature d’accords administratifs avec les pays d’origine des entreprises qui sont dans l’exploitation et où les minerais sont exportés. Ceci permettra de tirer plus profit de ces minerais et des sous- produits. Par ailleurs, la ville de Kinshasa, siège des institutions, est demeurée un cadre approprié pour mener un plaidoyer auprès des décideurs tant politiques qu’économiques. C’est à Kinshasa que le Comité exécutif de l’ITIE tient ses réunions. Les résultats de l’enquête ont montré que la politisation de l’ITIE risque de miner les débats démocratiques au sein du Comité exécutif. Il ressort également de ce rapport que les questions de gouvernance des ressources naturelles sont sur la table de discussions entre le gouvernement, la société civile et les entreprises. Les organisations de la société civile diffusent les rapports ITIE mais la couverture n’est pas encore totale sur l’ensemble du pays. C’est pourquoi la coalition PCQVP recommande que cette activité soit renforcée pour que les informations sur l’ITIE atteignent les populations au niveau de la base et qu’elles puissent en débattre.
ITIE , une initiative appréciée
Aujourd’hui, les membres des organisations de la société civile constatent que le gouvernement publie les chiffres sur les revenus qu’ils reçoit des entreprises, même si ce n’est pas complet. Ces revenus sont mis sur la place publique et les discussions sont menées de façon libre.
Tout compte fait, l’ITIE est une bonne initiative, selon les enquêteurs, qui rend le gouvernement et les entreprises redevables vis-à-vis des populations. En conclusion, la coalition PCQVP en appelle à la conscience du Parlement et de la justice congolais pour qu’ils utilisent les rapports ITIE existants, pour mettre en évidence les questions de transparence et de bonne gouvernance. Les interpellations et investigations diverses peuvent éclairer la population sur l’affectation des revenus encaissés par l’État. De ce côté, les efforts fournis sont encore insuffisants pour arrêter l’évasion fiscale et la fraude dans le secteur des ressources naturelles.
La République démocratique du Congo a présenté, depuis son adhésion au processus ITIE en 2007, six relatifs au secteur des industries extractives, notamment sur les secteurs minier et pétrolier. L’ITIE/RDC vient d’intégrer le secteur du bois dans son étude de cadrage, étant donné que ces filières contribuent au budget de l’État.