Les besoins en ciment de la RDC, engagée dans un vaste projet de reconstruction de ses infrastructures, sont évalués à 10 millions de tonnes par an, selon une étude d’Euro Consultants.
C’est à la demande du Comité de pilotage des réformes des entreprises publiques (COPIREP) que cette étude a été réalisée en 2010. Cependant, ce chiffre ne prend pas en compte les besoins qui pourraient résulter du démarrage de la construction du méga barrage Inga III prévu en 2017. À court et moyen termes, la demande dans la partie ouest du pays (Kinshasa, Bas-Congo, Bandundu, Équateur) aussi bien des particuliers que de l’État, sera d’environ trois millions de tonnes par an. Or l’offre actuelle n’atteint que péniblement 600 mille tonnes par an. Le déficit de 2,4 millions de tonnes n’est pas sans conséquences sur l’économie nationale. Elles sont multiples, notamment la hausse du prix de ciment qui est déjà élevé (de 15 dollars à 50 dollars selon les villes du pays) ; le ralentissement de la réalisation des projets, la difficulté de promouvoir l’industrialisation locale des produits dérivés (buses, fer à béton…) et l’importation à prix élevés de ciment de moindre qualité.
Pour anticiper sur toutes ces conséquences, le gouvernement a opté pour une stratégie basée sur l’appui au secteur privé, le recours à l’importation, la coopération bilatérale et la relance des cimenteries publiques. La politique gouvernementale en matière de ciment est donc faite à la fois des mesures conjoncturelles et structurelles. De manière structurelle, le gouvernement s’appuie sur l’initiative privée en s’ouvrant à un investissement direct étranger (IDE) de 550 millions de dollars. C’est ainsi que trois grands cimentiers mondiaux sont entrés en jeu. Il s’agit du suisse Heidelberg (premier producteur mondial de ciment), du pakistanais Lucky Cement Ltd, leader du marché pakistanais, et du sud-africain PPC (premier producteur africain de ciment). À ces trois, il faut ajouter le marocain Cimaf. D’aucuns pensent que l’entrée en jeu de ces quatre multinationales va radicalement changer la donne en permettant ainsi à la RDC de résorber son déficit de ciment devenu chronique.
Du simple au quintuple
D’ici à 2017, le gouvernement espère quintupler la production nationale de ciment en la faisant passer de 600 mille tonnes à 4 millions de tonnes par an. Ainsi, deux cimenteries flambant neuves, PPC Barnet et CIMKO (Cimenterie Kongo), filiale de Nyumba ya Akiba (une joint-venture entre le groupe Rawji et Lucky Ciment), toutes deux implantées dans le territoire de Songololo dans la province du Kongo Central, vont entrer en production fin 2016. Les deux cimenteries produiront à terme 2,2 millions de tonnes de ciment par an. PPC Barnet aura une capacité d’un million de tonnes par an, alors que CIMKO produira 1,2 million de tonnes par an. Quant au géant suisse Heidelberg, il a pris le contrôle de la Cimenterie de Lukala au détriment du belge Forrest Group.
Avec la modernisation de ses installations, la CILU, premier producteur national de ciment, verra sa production passer de 400 000 tonnes à 700 000 tonnes par an. Pour sa part, le marocain Cimaf qui est installé à Kasangulu, dans le Kongo-Central, et qui a quelques ennuis fonciers pour le moment, il envisage de produire un million de tonnes par an.
Le FPI mis à contribution
Autre solution structurelle que le gouvernement veut apporter pour juguler la pénurie de ciment, c’est à travers le Fonds de promotion de l’industrie (FPI). Mais le FPI n’intervient que dans des proportions modestes. Cette agence financière du gouvernement a déjà appuyé la construction d’une nouvelle cimenterie dénommée Maison Victoire. Installée à Goma, dans la province du Nord-Kivu, cette cimenterie a une capacité installée de 165 000 tonnes par an. Toujours sur le volet de la politique structurelle, le gouvernement s’est engagé à relancer les entreprises publiques dans ce secteur clé, notamment la Cimenterie nationale, à l’arrêt depuis 2008. Les appels d’offre ont été lancées pour qu’un acteur de référence vienne avec des capitaux frais moyennant la cession de quelques parts de l’État (actionnaire ultra majoritaire).
Par ailleurs, le gouvernement se tourne aussi vers la coopération internationale pour accroître l’offre nationale. C’est ainsi que le projet de la Cimenterie de la Province-Orientale (CIPOR) a vu le jour en 2006. Financé par la coopération indienne, ce projet bat de l’aile parce qu’il avait été mal ficelé : absence d’études de faisabilité ; manque d’énergie et de voies d’accès ; disparition d’une partie du matériel de l’usine et faiblesse dans le montage financier…
Il a été finalement recadré à la suite d’une mission d’évaluation diligentée par le Premier ministre, Agustin Matata Ponyo. Le projet a été rebaptisé CIMAIKO (Cimenterie de Maïko). Les appels d’offre ont été lancés par l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) pour la construction d’un hangar moderne qui servira d’entrepôt pour les machines de l’usine.
Don du Japon
Toujours au chapitre de la coopération, le gouvernement bénéficie aussi d’un don du gouvernement japonais de130 000 tonnes de ciment. Ce don est considéré comme l’une des réponses conjoncturelles.
Parmi les mesures conjoncturelles, il y a la libération de l’importation de ciment pour faire face à la demande de plus en plus croissante. Prise en 2007, cette mesure qui a fini par mettre en péril l’industrie locale ne souffrait d’aucune restriction. Au contraire, les importateurs étaient même exonérés. C’est pourquoi, en août, le ministre de l’Économie nationale, Modeste Bahati Lukwebo, a signé un arrêté qui conditionne désormais l’importation à la signature d’un contrat-programme entre l’opérateur économique et le gouvernement. La lutte contre la fraude en est la motivation principale, explique-t-on au ministère pour justifier ce contingentement. L’importation a permis de mettre temporairement fin à la pénurie et de stabiliser le prix qui demeure constant autour de 15 dollars le sac de 50 kg depuis plus de cinq ans à Kinshasa. Avec l’entrée en activité des deux nouvelles cimenteries l’année prochaine, la production nationale pourra aider sensiblement à faire baisser les prix. Mais les efforts du gouvernement dans ce domaine doivent être poursuivis car le ratio population (70 millions) et production nationale de ciment (4 millions) donne une consommation de 17,5 kg par an par Congolais. C’est loin de la moyenne africaine qui est de 100 kg par habitant par an, tandis qu’en Europe la moyenne est de 600 kg par habitant.