GOMA (RDCongo), 21 jan 2013 (AFP) – Le Mouvement du 23 mars (M23), rébellion active dans l’Est de la République démocratique du Congo, est accusée par des ONG locales d’étendre son emprise dans sa zone, malgré l’arrêt des combats avec l’armée et la tenue de pourparlers de sortie de crise actuellement à Kampala. Le mouvement contrôle une partie du territoire de Rutshuru, un territoire de la province riche et instable du Nord-Kivu adossé au Rwanda et à l’Ouganda voisins – deux pays accusés par l’ONU de soutenir le M23, ce qu’il démentent. Désormais, les rebelles y perçoivent des taxes et, selon de récentes accusations de la société civile, ils nomment des chefs pro-M23 à la place des chefs traditionnels légaux – qui ont pour certains fui avec l’arrivée des rebelles. Ces ex-mutins de l’armée régulière, qui campent aux portes de Goma, s’étaient soulevés au printemps 2012. Après une occupation d’une dizaine de jours, ils ont quitté la capitale provinciale, début décembre sous pression internationale et en échange de contacts directs avec le gouvernement de Kinshasa. Étienne Kambale, de la fédération d’ONG Société civile du Nord-Kivu, accuse les rebelles d’avoir remplacé le chef coutumier reconnu par la loi M. Makombe, “dans le groupement de Buhumba, en chefferie de Bakumu”, par “un évadé de la prison Munzenze de Goma”. “Croyez-vous que des personnes qui placent à la tête d’un groupement un criminel condamné sont (…) sérieuses?”, demande M. Kambale. Sous couvert d’anonymat, un proche du chef déchu nuance ces allégations. “Makombe, pour de raisons de sécurité, n’a pas préféré rester dans la zone sous contrôle rebelle. Il y a des assoiffés du pouvoir qui sont à notre recherche”, explique-t-il, mettant nommément en cause le M23. Chef de division de l’Intérieur du Nord-Kivu, Aloys Majune, se refuse à tout commentaire: “C’est une rébellion. Nous ne pouvons rien dire”. “Ces chefs coutumiers font leur travail et nous faisons le nôtre”, rétorque Jean-Marie Runiga, chef politique du M23. “On ne peut pas laisser une population sans être dirigée. Dire que le M23 bouge le pouvoir coutumier, c’est de l’intoxication (…) Ce sont des choses que nous ne ferons jamais”, dit-il. Les rebelles avaient déjà nommé Benjamin Bonimpa administrateur du Rutshuru après leur capture de Rutshuru et Kiwandja le 25 juillet. Mais l’administrateur légal, Justin Mukanya, gère pour sa part la partie “libre” du Rutshuru, frontalière du territoire de Lubero. Des taxes sur les marchandises et les transports ulcèrent aussi les commerçants. Si des pourparlers de sortie de crise se sont ouverts début décembre à Kampala et les combats ont cessé, le M23 continue à percevoir des impôts. Plus encore, les rebelles utilisent les formulaires de la Direction générale des impôts (DGI) auxquels ils ont ajouté leur sigle M23, selon un entrepreneur local. Certes “sur le plan sécuritaire, le M23 s’efforce (d’améliorer la situation) mais ce que nous détestons, c’est le paiement d’une taxe de dédouanement de nos marchandises. Comment voulez-vous que dédouaner nos marchandises qui viennent de Goma, qui est en RDC? C’est une blague”, regrette Janvier, un commerçant. “Nous payons 40% de nos recettes au M23 chaque jour (…) Le véhicule paie pour le péage 5 dollars et, pour le libre passage, il paie 5 dollars à la police de la brigade routière du M23”, tempête un responsable de l’Association des chauffeurs du Congo. “Il ne manque pas d’autres tracasseries, dit-il. Au total, le chauffeur paye 15 dollars pour les bus. Pour les camions, c’est grave: il faut 320 dollars pour chacun, dont 20 de péage et 300 pour la taxe sur la marchandise.” “Ces taxes ne nous favorisent pas. Les transporteurs ougandais qui venaient acheter notre soja ne viennent plus et un sac de soja revient maintenant à 18 dollars. Qu’allons-nous gagner en tant qu’agriculteurs?”, s’inquiète le responsable d’un marché de vivres du Rutshuru. Le chef du M23 n’est pas d’accord: “Nous percevons des taxes et impôts ordinaires, c’est comme à l’époque du gouvernement, déclaré Jean-Marie Runiga. Les mêmes taxes et impôts sont toujours perçus par nous pour trois raisons: la sécurité, le fonctionnement de l’administration et la réparation de la route.”
Be the first to comment