À l’heure du Covid-19 Dé-confinement : « Ce n’est pas le moment de relâcher les efforts »

La semaine dernière, le 1ER Ministre a convoqué et présidé deux réunions d’envergure, le mardi 9 et le mercredi 10 juin, autour de la pandémie de nouveau coronavirus. Il s’est agi de perspectives de sortie du confinement.

MERCREDI 10 juin, siège du gouvernement (Immeuble Intelligent), Place ex-Le Royal à Gombe. Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre et chef du gouvernement, a eu une réunion de travail avec des membres du gouvernement (ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, ministre près le président de la République, ministre près le 1ER Ministre, ministre de la Santé). Étaient également conviés à cette réunion le gouverneur de Kinshasa, le coordonnateur du secrétariat technique du comité multisectoriel de riposte à la pandémie de Covid-19, l’administrateur général de l’Agence nationale de renseignement (ANR), l’administrateur délégué de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), le directeur général de la Direction générale de migration (DGM), le commissaire provincial de la police de Kinshasa, et des représentants des confessions religieuses. 

Rien qu’à en juger par le format de cette rencontre, il apparaît évident que cette séance de travail, après celle de la veille, avait pour objet de poursuivre le débat d’évaluation de la situation épidémiologique et des conséquences des mesures de lutte contre la pandémie. Gentiny Ngobila Mbaka, le gouverneur de Kinshasa, a expliqué à l’issue de la réunion que les échanges ont porté sur les « propositions concrètes » en vue du dé-confinement pour permettre entre autres à l’activité économique de reprendre. 

Il a indiqué qu’en ce qui concerne le dé-confinement de Gombe décrété par l’exécutif urbain depuis le 8 avril, un communiqué officiel de la Ville sera rendu public quant à ce au plus tard cette semaine. Et quant aux autres mesures liées à l’état d’urgence, il a fait savoir que cela relève de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, qui en avait pris l’initiative. Un message du chef de l’État dans ce sens est attendu. Il lui appartient donc de prendre les décisions finales. 

Mardi 9 juin, le 1ER Ministre avait réuni les membres du comité multisectoriel de riposte au Covid-19 dont il est le président, au siège du gouvernement. Autour de lui, le vice-1ER Ministre, ministre de l’Intérieur ; le vice-1ER Ministre, ministre du Budget ; le ministre des Finances ; le ministre de la Santé ; le ministre des Actions humanitaires et de la Solidarité ; le ministre des Affaires sociales. Mais aussi des représentants du chef de l’État, du secrétaire général du gouvernement, et du secrétariat technique du comité de riposte à la pandémie de Covid-19. 

Sylvestre Ilunga avait ratissé large : les discussions ont été élargies à d’autres ministères (Emploi, Travail et Prévoyance sociale ; Enseignement primaire, secondaire et technique ; Défense nationale et Anciens combattants ; Enseignement supérieur et universitaire), au gouverneur de Kinshasa, à la DGM, la police de Kinshasa, à l’ANR, ainsi qu’au corps de santé militaire.

Selon le compte-rendu de la réunion qui a été fait par Gentiny Ngobila, la situation épidémiologique dans le pays a été passée en revue. Il a été particulièrement question du dé-confinement de tout le pays. Et depuis, les Kinois brulent d’impatience, à l’idée de voir les terrasses, les restaurants et les commerces rouvrir sans attendre dès cette semaine.

Les zones d’ombre

Vendredi 12 juin, lors du Conseil des ministres en mode visioconférence, Eteni Longondo, le ministre de la Santé, s’est félicité du nombre croissant des malades guéris et du taux de létalité régressif qui est passé de 11 % au début de la maladie à 2,17 %. Pr Jean Jacques Muyembe Tamfum, le coordonnateur du secrétariat technique du comité multisectoriel de riposte au Covid-19, a, par la même occasion, annoncé l’essaimage en provinces des laboratoires spécialisés pour le dépistage, et l’existence, actuellement, de huit candidats vaccins dans huit pays différents, dont la République démocratique du Congo pourrait bénéficier par le biais de la solidarité internationale. 

On retiendra utilement des discussions en Conseil des ministres la nécessité de redéfinir les raisons d’être du confinement, les perspectives d’un dé-confinement progressif, l’obligation de l’évaluation des mesures de riposte, la transparence dans la gestion financière de la pandémie, la mise en place des mesures contre l’importation et l’implémentation de la couverture sanitaire universelle. Le ministre de la Santé a promis de lever les zones d’ombre qui demeurent encore dans « un bref délai ».

Célestin Tunda Ya Kasende, le vice-1ER Ministre, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, a, quant à lui, présenté le projet de la loi relative à l’autorisation de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire proclamé par l’ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020. Il estime que le maintien du cadre juridique actuel s’impose, même si les résultats dans le cadre de la riposte sont encourageants. « En effet, la prudence devrait rester de rigueur dans le contexte d’une éradication virale que nul ne peut croire irréversible ». L’urgence de cette prorogation s’impose. C’est tout dit. 

« Les préoccupations dans le sens du dé-confinement, même pour diverses raisons socio-économiques, ne devraient pas signifier que la bataille contre le coronavirus est gagnée. Au contraire, nous devons toujours rester vigilants », avertit Éric Maloba, médecin épidémiologiste et chercheur à Paris. Qui souhaite le renforcement des mesures-barrières. « C’est malheureux de constater, surtout à Kinshasa, qu’il y a moins de masques sur les visages, des bandes d’amis rassemblés surtout en cas de deuil, des clients en cachette dans l’arrière-cour des bars et terrasses… On observe en tout cas que les Congolais prennent vraiment goût à la liberté comme si de rien n’était, et quand on va dé-confiner le pays, que va-t-il arriver ? », interroge-t-il. 

Et Éric Maloba d’ajouter : « L’épidémie est certes sous contrôle, mais gare au mimétisme et aux solutions prêtes à utiliser. Ce qui est valable en France ne l’est pas forcément au Congo. On pense que le virus circule assez peu aujourd’hui en Afrique, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Voyez ce que l’OMS a dit le jeudi 11 juin : en moins de 20 jours le nombre des cas de contaminations a doublé. » 

Se relâcher : un risque

Dé-confiner maintenant, même avec raison, pense ce scientifique congolais serait un gros risque, surtout en cette période de saison sèche. « Si on revient sur un mode de vie totalement normal, le virus repartira dans les zones déjà touchées, c’est sûr. Et les autres provinces risquent aussi d’être infectées du moment où les Kinois se sont déjà dé-confinés eux-mêmes, et que les gestes barrières ne sont pas strictement respectés », fait-il remarquer.

L’épidémiologiste insiste donc sur la responsabilité individuelle. « Il faut continuer à faire attention. Des jeunes de 25 ans entre copains, il n’y a aucun risque. Une personne de +55 ans qui va souvent au Nganda ou monte en transport en commun sans masque, là il y a un risque. Le respect des règles sanitaires reste donc de rigueur : lavage régulier des mains avec de l’eau et du savon ou du gel hydroalcoolique, distanciation physique, port du masque dans les transports ou les magasins sont des attitudes à conserver pour éviter à tout prix les postillons des autres », récapitule-t-il. 

Pour cette raison, l’épidémiologiste Maloba estime que « l’État doit tenir bon et maintenir fermés les lieux clos où les gens sont proches, transpirent ou postillonnent comme les Nganda, les discothèques. Est-ce que la saison sèche va-t-elle accélérer la vitesse de propagation du virus ? « Même si tous les épidémiologistes sont à peu près d’accord que l’humidité de l’air et de fortes températures réduisent un peu le risque de contagiosité du virus, personne n’a établi que les basses températures, donc le froid favorise sa contagiosité. 

Ce n’est qu’une hypothèse de travail. Impossible à prédire pour l’instant. Sachez seulement qu’on virus, ça ne meurt pas tant qu’il réussit à se diffuser », tranche dans le vif Éric Maloba.