Accès à l’énergie pour tous en RDC, une éclaircie en vue

Pour développer un pays, il n’y a pas meilleur moyen que la disponibilité d’une énergie à la fois abondante, de qualité et bon marché. L’énergie est l’un des catalyseurs les plus déterminants, à côté des infrastructures de transport, pour transformation d’une nation.

Dans les milieux ruraux, la lampe tempête est encore un luxe.
Dans les milieux ruraux, la lampe tempête est encore un luxe.

En dépit d’un potentiel hydroélectrique immense, l’un des plus importants au monde avec 100 000 mégawatts, la République démocratique du Congo a l’un des taux de desserte en énergie électrique le plus bas au monde : 9% seulement de sa population a accès à l’électricité. Ce taux est inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne située à 30%. Seulement près de 7 millions de Congolais sur environ 75 millions ont accès à l’électricité. Autrement dit, plus de 65 millions de Congolais n’ont pas d’énergie électrique en plein vingt-et-unième siècle.

Le faible taux d’accès à l’énergie cache de très grandes disparités selon que l’on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural, ainsi qu’entre les différentes provinces. Et même au sein des provinces, les écarts sont considérables entre les villes et les villages. La Cellule d’appui technique à l’énergie esquisse l’accès à l’électricité par province de la manière suivante : Kinshasa  (44,1%), Bas-Congo (11,3%), Sud-Kivu (7,9%), ex-Katanga (7,1%), ex-Province-Orientale (3,6%), Maniema (3%), ex-Équateur (1,4%), ex-Kasaï-Oriental (1%), ex-Bandundu (0,6%) et ex-Kasaï-Occidental (0,5%). L’autre enseignement à tirer de ce faible taux, c’est l’indisponibilité de l’énergie en milieu rural.

Pour inverser la tendance, le gouvernement a arrêté une stratégie dite « Énergie durable pour tous » (EDPT). Cette stratégie comprend trois objectifs ambitieux : doubler d’ici 2018 le taux d’accès à l’électricité (de 9% à 18%); lancer de vastes chantiers d’ouvrages hydroélectriques à travers le pays et prendre les mesures incitatives avec la nouvelle loi portant sur la libéralisation du secteur de l’énergie. En cassant le monopole de la Société nationale d’électricité (SNEL), le gouvernement veut attirer les investisseurs privés en leur offrant un cadre juridique sécurisant. Par exemple, Kibali Gold Mines, filiale de la multinationale aurifère Randgold, a obtenu toutes les licences dont elle avait besoin pour construire plusieurs barrages hydroélectriques dans l’ex-Province-Orientale. Elle en a déjà réalisé deux, Nzoro I et II d’une capacité cumulée de 35 MW. La nouvelle loi a été suivie par la publication, en juillet 2014, de l’Atlas des énergies renouvelables, qui a permis d’identifier près de 780 centrales hydroélectriques au lieu de 217 connus précédemment.

Grâce à cet atlas, on sait désormais qu’il y a un potentiel de 10 000 MW qui n’est pas concentré en un seul point, mais répartis sur les 145 territoires du pays. Ceci offre la possibilité de développer de petites centrales hydroélectriques de 1 à 10 MW, voire en deçà à travers des microcentrales. Le potentiel hydroélectrique de la République démocratique du Congo a un avantage : celui de s’adapter à tous les types de marchés et de consommateurs. Même les populations rurales qui vivent  dans les zones les plus reculées peuvent accéder à l’énergie électrique. Mais la mise en application de la stratégie de l’Énergie pour tous se trouve confrontée à un problème majeur : le financement. Il faut des capitaux importants pour la mettre en œuvre. Cependant, l’insuffisance des moyens n’a pas empêché le gouvernement de se lancer dans des travaux de modernisation et de construction d’infrastructures énergétiques.

Le parc de production

L’insuffisance de la production hydroélectrique   est l’une des causes du déficit énergétique. L’offre est largement inférieure à la demande qui n’a cessé de croître ces dernières années. La demande en énergie a été accentuée aussi par le boom minier dans l’ex-Katanga. Prise de court, la Société nationale d’électricité (SNEL) est totalement dépassée. Il faut des investissements importants pour qu’elle rattrape  son retard. Sur une capacité installée d’environ 2 500 MW, la République démocratique du Congo ne produit que 1 500 MW, soit à peine 2,5% du potentiel hydroélectrique estimé à 100 000 MW. En plus, cette faible valorisation laisse à désirer : la moitié du parc de production est à l’arrêt pour vétusté ou par manque d’entretien. Le parc de production est constitué d’une douzaine de centrales hydroélectriques : Inga II (1 424 MW), Inga I (351 MW), Nseke (248 MW), Nzilo (108 MW), Zongo I (75 MW), Mwadingusha (68 MW), Tshopo (18,8 MW), Mobayi (11,4 MW), Ruzizi I (28,2 MW), Koni (42 MW), Kyimbi (17,2 MW), et Sanga (11, 52 MW). Le site Inga fait l’objet de toutes les attentions pour que Inga I et Inga II retrouvent leur capacité totale. Cette perspective est pour 2018, selon l’administrateur-directeur général de la SNEL, Éric Mbala.

Le barrage Inga I, mis en service en 1972, a six groupes pour une capacité de 351 MW. Sur les six groupes d’une capacité de 50 MW, seuls quatre fonctionnent. Inga I produit 220 MW au lieu de 350 MW. Situation presque similaire à Inga II, mis en service en 1982 avec huit groupes pour une capacité de 1 424 MW. Sur les huit groupes de 175 MW chacune, seulement trois tournent à plein régime. La production y est de 560 MW parce que cinq groupes sont en reconditionnement. Le même problème de sous-capacité se pose aussi à Zongo. Le barrage de Zongo I, qui devait normalement produire 75 MW, n’en produit que trente- et- un. Là aussi, les travaux sont en cours pour atteindre la pleine capacité. La vétusté du parc de production hydroélectrique du Congo concerne tous les barrages déjà évoqués. Compte tenu de la modicité des moyens financiers, le gouvernement recourt aux partenariats public-privé pour moderniser son parc hydroélectrique.

En première ligne, les miniers pointent la pénurie d’électricité comme principal obstacle à l’expansion de l’industrie minière. Dans l’immédiat, pas moins de 1 000 MW manqueraient au secteur minier pour produire davantage les métaux de base (cuivre, cobalt, zinc…). Disposant de leviers de lever de fonds importants, les entreprises minières contribuent largement à la modernisation des infrastructures énergétiques.  Tenke Fugurume Mining (TFM) est engagé dans un partenariat avec la SNEL pour la réhabilitation du barrage de Nseke, dans l’ex-Katanga. Kamoto Copper Compagny (KCC) travaille sur l’amélioration du transport d’énergie sur la ligne à très haute tension d’Inga. KCC a réhabilité aussi deux groupes d’Inga II. Sicomines, une autre société minière, travaille avec la SNEL sur le barrage de Nzilo. Avec les centaines de millions de dollars mobilisés par les multinationales, la plupart des barrages hydroélectriques verront bien leur capacité de production installée restaurée. Parallèlement à la modernisation des infrastructures existantes avec l’aide des miniers et de la Banque mondiale, le gouvernement s’emploie aussi à construire de nouvelles structures. Les projets phares sont : Inga III (4 500 MW), Zongo II (150 MW), Katende (64 MW) et Kakobola (10,5 MW).

Inga III, planche de salut pour les miniers

Le site d’Inga, situé au Kongos-Central a, à lui tout seul, un potentiel de 44 000 MW. C’est le plus grand gisement hydroélectrique au monde. Avec le concours de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD), le gouvernement a bouclé le financement d’Inga III, estimé à 12 milliards de dollars. Inga III est déjà un projet viable car les Sud-Africains ont préacheté 2 500 MW sur les 4 800 MW de sa production envisagée avant  2025, si les travaux débutent en janvier 2017 comme prévu. Les miniers auront 1 000 MW et les 1 300 MW autres seront destinés à la consommation des ménages, des PMI et PME ainsi que des TPME. La construction d’Inga III est donc la panacée pour résoudre de manière structurelle le déficit d’énergie en RDC.

Zongo II, pour améliorer la desserte à Kinshasa 

À Zongo II, les travaux ont commencé en mai 2012 pour un coût de 365 millions de dollars. Le barrage aura une capacité de 150 MW. Les travaux sont exécutés par la firme chinoise Sinohydro. C’est en principe cette année que les travaux devront se terminer, mais ils ont pris du retard et l’on parle de l’année prochaine pour son inauguration. Grâce à un financement de la Banque européenne d’investissement, le gouvernement a pu doubler sa capacité de transport de l’énergie électrique qui était de 500 MW. La matérialisation de Zongo II permettra d’améliorer le taux de desserte en électricité à Kinshasa et dans le Kongo-Central.

Kakobola, pour industrialiser le Bandundu

Dans l’ex-Bandundu, la firme indienne Angélique International Limited construit le barrage de Kakobola qui va fournir de l’énergie aux villes de Kikwit, Idiofa et Gungu. D’une capacité de 10,5 MW pour un coût de 55 millions de dollars. Financé par le biais de la coopération, l’Inde a consenti une ligne de crédit de 42 millions de dollars, alors que le gouvernement a pris en charge 13 millions de dollars. Le banquier des deux gouvernements est le chinois Exim Bank. Là aussi, les travaux ont connu beaucoup de retard, car c’est en principe en 2014 que l’ouvrage aurait dû être réceptionné. La réception est finalement annoncée pour l’année prochaine. Les ressortissants de l’ex-Bandundu misent sur cet ouvrage en vue de l’industrialisation de leur province.

Le Grand Katende, pour faire du Kasaï un hub de développement

En partenariat avec Exim Bank et le gouvernement indien, le gouvernement est en train de construire le barrage Grand Katende au Kasaï. D’une puissance de 64 MW, Katende a un coût total de 280 millions de dollars, dont 168 millions sont apportés par la banque chinoise (60%), sous forme de prêt à rembourser par l’Inde. Le projet, finalisé en 2011, a connu beaucoup de retard notamment à cause de l’enclavement de la province et dans les décaissements. Il devait se terminer normalement en 2014. Mais, jusqu’à ce jour, le barrage n’a toujours pas été achevé. Mais, depuis un certain temps, les travaux effectués par deux constructeurs, l’indien Bharat Heavy Electricals (BHEL) et Angélique International Limited (AIL), semblent s’accélérer. Les travaux d’excavation sont presque terminés, les voies d’accès au site, situé à 75 km de la ville de Kananga, ont été aménagées pour permettre l’acheminement rapide et aisé du matériel et des matériaux de construction. Avec l’énergie que va produire le Grand Katende, les autorités provinciales rêvent de créer un hub de développement au centre du pays.

Politique volontariste

Cette politique volontariste du gouvernement doit s’accompagner de la restructuration de la SNEL. L’État doit en déterminer le patrimoine et favoriser l’adoption rapide de la loi sur les partenariats public-privé.  Mais pour un Congo plus éclairé, il faut que le gouvernement organise une coordination parfaite de ses actions, que les rôles des uns et des autres soient clarifiés. La nomination de l’ancien ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Bruno Kapandji, à la tête de la nouvelle Agence de développement et de promotion du Grand Inga (ADPI) fait un peu désordre, car une cellule spéciale est chargée de piloter ce grand projet.

L’avenir de la République démocratique du Congo se trouve donc dans l’or bleu. À côté des ressources hydrauliques, le pays a aussi des potentialités dans le solaire, l’éolien, la biomasse, le charbon, l’uranium, le gaz et le pétrole.  Elle est objectivement une grande puissance énergétique.