Aérien Sombres perspectives pour le secteur du transport aérien

La situation est « exceptionnellement grave et difficile », prédit Alexandre de Juniac. Pour le président de l’IATA, la situation du transport aérien est catastrophique. Le trafic intercontinental a chuté de plus de 90 %.

DANS un contexte marqué par la chute du trafic, « la situation du transport aérien est catastrophique », a confirmé sur BFM Business Alexandre de Juniac, le président de l’Association internationale du transport aérien (IATA).  « En Europe, on est à peu près à 35 % du trafic que nous connaissions l’année dernière », a-t-il poursuivi, martelant que le secteur est dans une « situation exceptionnellement grave et difficile ». 

Pour garder la tête hors de l’eau, l’IATA réclame de nouveau « l’aide des gouvernements » alors que « le nombre d’emplois qui sont menacés dans notre secteur au niveau mondial, c’est plusieurs millions », a encore alerté Alexandre de Juniac. Il reproche notamment aux gouvernements de ne pas avoir réellement ouvert les frontières lorsque le trafic commençait à repartir puisque certains ont mis en place « des mesures de restrictions aux voyages comme les quarantaines ». 

Pour permettre aux compagnies de retrouver une activité normale, Alexandre de Juniac propose de remplacer ces mesures « par un test systématique des passagers à l’aéroport de départ » grâce aux nouveaux tests antigéniques qui commencent à être déployés. 

Mais quelles que soient les mesures prises, « il est probable que le secteur sortira de cette crise avec moins d’acteurs. Ce qui est une très mauvaise nouvelle. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour les passagers qui auront moins d’accès à certaines destinations, moins de libertés à se déplacer », a mis en garde le président de l’IATA.

Restrictions aux voyages

Air France a annoncé la semaine dernière une perte nette de 1,6 milliard d’euros au 3è trimestre avec un trafic d’environ 40 % seulement de celui de l’an dernier et s’attend à une fin d’année encore plus morne, selon un communiqué. Le groupe, qui s’est vu accorder au total 10,4 milliards d’euros sous forme de prêts directs et garantis par les États français et néerlandais, prévoit un quatrième trimestre « difficile » notamment en raison des nouvelles restrictions de circulation décidées en France.

La perte s’est élevée à 1,665 milliard d’euros au 3è trimestre, soit une baisse de 2,027 milliards par rapport à la même période l’année dernière. Elle comprend une provision pour restructuration de 565 millions d’euros, une sur-couverture de carburant liée au Covid-19 de 39 millions d’euros et une dépréciation de la flotte de 31 millions d’euros. Le chiffre d’affaires du groupe a été divisé par trois, atteignant 2,5 milliards d’euros, contre 7,6 milliards pour la même période l’an dernier.

Mais Frédéric Gagey, le directeur financier du groupe, a insisté sur un résultat brut d’exploitation qui bien que négatif (-442 millions d’euros) illustre selon lui « la maîtrise des coûts » du groupe. Il traduit aussi les bénéfices retirés des plans d’activité partielle en France et de contrôle de la masse salariale aux Pays-Bas, a affirmé Frédéric Gagey lors d’un entretien téléphonique avec des journalistes. Au-delà de la compagnie nationale française, c’est tout le secteur du transport aérien qui souffre depuis le début de l’épidémie de coronavirus.

Airbus dans le rouge 

Dans le rouge au 3è trimestre,  l’avionneur européen a quand même stoppé l’hémorragie de sa trésorerie. Il a annoncé une perte nette de 767 millions d’euros au 3è trimestre, mais a l’ambition d’être à l’équilibre au 4è trimestre. Le 3è trimestre a été marqué notamment par une charge exceptionnelle de 1,2 milliard destinée à financer les mesures sociales liées aux 15 000 suppressions de postes annoncées en juin. 

L’avionneur européen, qui avait consommé 12,4 milliards d’euros de trésorerie sur les six premiers mois de l’année en raison de la crise liée au coronavirus, est en revanche parvenu à stopper l’hémorragie, dégageant un flux de trésorerie avant fusions-acquisitions et financement clients positif de 600 millions d’euros entre juillet et septembre. « Nous voyons maintenant les progrès réalisés dans l’adaptation de notre entreprise au nouvel environnement de marché lié au Covid-19 », estime Guillaume Faury, le président exécutif d’Airbus.

Et d’ajouter : « Malgré la reprise plus lente que prévu du transport aérien, nous avons fait converger la production et les livraisons d’avions commerciaux au cours du 3è trimestre et stoppé la consommation de cash conformément à notre ambition. » Pour s’adapter à une reprise du trafic aérien qui ne devrait retrouver son niveau de 2019 qu’entre 2023 et 2025, l’avionneur a baissé ses cadences de production globalement de 40 % par rapport à ce qu’il prévoyait avant-crise, avec 40 Airbus A320 produits par mois, 4 A220, 2 A330 et 5 A350.

Si sur les neufs premiers mois de l’année, les livraisons d’avions commerciaux ont chuté d’environ 40 %, elles n’accusent au 3è trimestre qu’une chute de 20 % comparée à l’année précédente, avec 145 appareils livrés aux clients. Ils n’étaient que 74 au 2è trimestre, au plus fort de la crise. Les livraisons sont un indicateur fiable de la rentabilité dans l’aéronautique, principalement parce que les clients paient la majeure partie de la facture au moment où ils prennent possession des avions. Le chiffre d’affaires entre juillet et septembre s’établit à 11,2 milliards d’euros, en baisse de 27 % par rapport à l’année précédente. Airbus a annoncé en juin qu’il prévoyait de supprimer 5 100 postes en Allemagne, 5 000 en France, 1 700 postes au Royaume-Uni, 900 en Espagne et 1 300 dans le reste du monde.

Quant à lui, l’avionneur américain, toujours sous pression de la pandémie et de la crise du 737 MAX, a annoncé qu’il allait supprimer 7 000 emplois supplémentaires d’ici fin 2021, ce qui va faire passer au total le nombre d’employés à 130 000, contre 160 000 en début d’année. Le groupe, qui ne prévoit pas de réduire à nouveau la cadence de production de ses avions, a encore vu son chiffre d’affaires reculer de 29 % au 3è trimestre et enregistré sur la période une perte nette de 449 millions de dollars.