Jusque là, AFRIDEX, une société d’État placée sous la gestion des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), avait le monopole de la production et de la commercialisation des explosifs dans le pays. Selon le ministère des Mines qui détient encore la tutelle technique de la Société africaine des explosifs (AFRIDEX), l’État gagnerait au bas mot une centaine de milliers de dollars à travers l’importation des explosifs alors que l’apport d’AFRIDEX n’est guère perceptible dans le budget de l’État depuis des lustres. Les dernières statistiques disponibles au ministère du Portefeuille sur les recettes des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales collent depuis 2015 le chiffre 0 (zéro) sur la case d’AFRIDEX SA.
Par contre, la taxe portant sur l’autorisation d’importation, achat, transport et emmagasinage des produits explosifs pour les mines devrait rapporter au moins 75,8 millions de francs et la taxe sur l’autorisation d’importation, achat, transport et emmagasinage des produits explosifs pour les carrières, un peu plus de 31 millions de francs.
Des taxes réactivées
La Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) attend également collecter plus de 24 millions de francs avec la taxe d’agrément des dépôts des explosifs qui relève, en effet, du ministère des Mines, l’un de ses services d’assiette. En 2016, cette taxe a été perçue avec un dépassement de 502,9 %, soit 60,7 millions de francs des recettes pour des prévisions de 12 millions. Et au premier trimestre, plus de 50 millions de francs ont été versés au Trésor public contre des prévisions de 38 196 795 francs, soit un taux de réalisation de 131,3 %.
Autre service d’assiette qui tire profit de l’importation des explosifs, c’est le ministère des Transports et des Voies de communication. Le vice-1ER Ministre et ministre des Transports et des Voies de communication, José Makila Sumanda, a, en effet, réactivé la taxe de délivrance d’une autorisation de transport d’inflammables ou d’explosifs par bateaux. Les prévisions des recettes se situent autour de 48,8 millions de francs en 2017. Il sied, toutefois, de relever que cette taxe n’a plus jamais été collectée à plus de 20 % de sa prévision depuis 2014. En 2015, sur des assignations de 190 279 199 francs, seulement 24,4 millions ont été perçus par la DGRAD. En 2016, les recettes n’ont représenté que 14 % des prévisions.
Monopole passif
Début 2017, le chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, a, dans son décret nommant le général-major Liwanga comme directeur général d’AFRIDEX, confirmé également le monopole de la production de tous les explosifs, munitions civiles et militaires, armes et autres produits analogues et connexes, y compris leurs accessoires ainsi que la réalisation de toutes opérations et prestations se rattachant directement ou indirectement à cette activité. L’État a notamment levé en avril 2015 l’option de dissoudre la Société commerciale et industrielle d’explosifs (SOCIDEX) et de reprendre sa dénomination d’antan, AFRIDEX. La création de cette entreprise remonte à 1948. AFRIDEX a son siège principal à Likasi, dans la province de Lualaba, et des antennes notamment à Kinshasa, Lubumbashi, Goma… Lors de sa mutation en société commerciale avec statuts de SARL en 2010 puis de SA en 2012, la SOCIDEX avait un capital 1.2 milliard de francs, soit près de 1,3 million de dollars. Selon le ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants, l’Africaine d’explosifs assure le monopole de l’État dans le secteur des explosifs. Des sources bien renseignées rapportent cependant qu’AFRIDEX éprouve d’énormes difficultés de production bien avant le passage de sa gestion aux FARDC.
Par ailleurs, des opérateurs miniers, des Chinois particulièrement, ont toujours importé des explosifs sans que l’État ou le ministère de la Défense nationale ne s’y oppose officiellement. Dans un rapport publié en février, l’ONG Conflict Armament Research a mis au jour, après une enquête de vingt mois, un réseau de 51 sociétés, basées dans vingt pays, dont la Turquie, la Russie mais aussi les États-Unis et la Belgique, qui vendent à qui le veut des composants nécessaires à la fabrication semi-industrielle d’explosifs artisanaux. Ce n’est un secret pour personne que l’ancienne métropole a continué de se ravitailler en divers intrants en RDC.
Cinq firmes officielles
En octobre 2016, le ministère des Mines a, par ailleurs, rendu publique la liste de cinq entreprises détentrices des autorisations portant fabrication, transport, emmagasinage, emploi, vente et importation des produits explosifs. Il s’agit d’African Explosives limited (AEL), établie à Lubumbashi dans le Haut-Katanga. Cette firme produit des nitrates d’ammonium, des agents de sautage, des émulsions en vrac, des émulsions encartouchées ainsi que des artifices de mise à feu. AEL a notamment des dépôts à Likasi, Kipushi, Ruashi, Kinsevere, Dikulushi, Kapolowe, Kakanda, Kansuki, Tenke Fungurume et Kolwezi et une usine de fabrication à Kansuki.
La firme ORICA, dans l’ex-Province Orientale produit également les mêmes explosifs pour le compte de Kibali Gold. La société Bulk Mining Explosives, BME fabrique des émulsions pompables à Kinsafu, dans le Haut-Katanga. Établie sur avenue Muishie, au quartier Beau-Vent dans la commune de Lingwala, FEM/Congo produit notamment des artifices de mise à feu dans son site du Haut-Katanga. Elle achète et vend aussi des produits explosifs. Il y a enfin l’AFRIDEX mais dont la principale usine de Likasi ne tourne plus à plein régime. Dans l’ordonnance n° 16/051 du 3 mai 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement d’un service public dénommé Africaine d’explosifs, il est stipulé que le service public jouit de l’autonomie administrative et financière, mais le ministre ayant la Défense nationale dans ses attributions exerce un contrôle hiérarchique sur les actes et le personnel de ce service. « Le contrôle hiérarchique sur le personnel s’exerce sous la forme du pouvoir d’instruction. Il se traduit par l’émission des ordres de service et des circulaires pour le bon fonctionnement des services d’AFRIDEX, lit-on dans l’ordonnance du chef de l’État. Qui poursuit : « le contrôle hiérarchique sur les actes s’exerce, selon les cas, par voie d’avis préalable, d’annulation, de réformation et de substitution, des décisions prises par les autorités d’AFRIDEX ».