L’Agence maritime internationale (Ami Congo) accuse la banque camerounaise d’avoir opéré des retenues injustifiées sur son compte pour des paiements venant de l’étranger. L’affaire est en délibéré et le verdict sera rendu dans un mois.
Ce n’est pas tous les jours que les clients traînent leurs banques devant les tribunaux. C’est pourtant ce que vient de faire Ami Congo contre Afriland First Bank. L’affaire remonte à 2014 lorsque, au cours du deuxième trimestre, l’entreprise maritime donne la première alerte en adressant des lettres à sa banque pour l’informer que des frais injustifiés étaient prélevés sur son compte de façon unilatérale. Toutes les démarches destinées à trouver un règlement du litige à l’amiable ayant échoué, Ami Congo s’est retrouvée dans l’obligation de porter l’affaire devant le Tribunal de commerce de la Gombe. Elle réclame le remboursement des frais en question, à hauteur de 17 699 dollars, et des dommages intérêts d’un montant de 100 000 dollars.
Pour l’avocat de la partie plaignante, Ami Congo a été abusée par Afriland First Bank qui n’a pas respecté une convention conclue en juin 2012 concernant le rapatriement systématique des fonds payés par des affréteurs étrangers sur un compte ouvert auprès de la banque camerounaise. Cette opération est gratuite, selon la loi bancaire congolaise. Or, Afriland a systématiquement taxé Ami Congo jusqu’à atteindre, en trois ans, la rondelette somme de 17 699 dollars. L’accusation estime que le banquier ne devait pas retenir 0, 25 % à titre de contrôle, alors que ce sont les affréteurs qui payent eux-mêmes ces frais. L’anomalie a été découverte par l’audit financier d’Ami Congo. Pour la cellule juridique de la société, il s’agit bien d’une sorte de ponction irrégulière et systématique à l’insu du client qui s’estime aujourd’hui lésé. N’eut été ce rapport circonstanciel, l’opération aurait pu se poursuivre infiniment sans que la comptabilité ne s’en aperçoive. C’est pourquoi Ami Congo crie au tripatouillage intentionnel, passible des peines prévues par la loi. La situation serait même aggravante quand l’acte incriminé est commis par une institution bancaire censée jouer un rôle de conseiller auprès de clients en leur offrant des garanties suffisantes et transparentes des transactions financières.
Contactés, les avocats d’Afriland First Bank n’ont pas nié l’existence de cette convention. Par contre, a expliqué Maître Camille Mbala au nom du collectif des avocats de la banque, plusieurs opérations avaient été validées en bonne et due forme, en oubliant que la banque avait ses propres taux selon la catégorie du client et le volume des transactions, sans en fournir les preuves à la justice. Le collectif a indiqué que l’action du demandeur ne pouvait être reçue aux motifs suivants : les statuts ont été produits en photocopie libre et comme acte sous seing privé ; absence de la personnalité juridique ; faute de délégation expresse comme l’exigent les statuts d’Ami Congo.
Le collectif qui suspecte une falsification intentionnelle du statut pour les besoins de la cause et dit ne pas comprendre tout le retard pris par Ami Congo, alors que le règlement général des opérations bancaires exige un délai de 30 jours. Et de conclure que le demandeur avait agi par faute et ne peut donc réclamer 100 000 dollars de dommages et intérêts Il a demandé au juge de déclarer l’action du demandeur irrecevable et non fondée. La saga judiciaire promet d’être longue et riche en rebondissements car le tribunal s’est donné un mois de délibéré avant de dire le droit et d’établir les responsabilités.
Cette affaire a attiré l’attention de plusieurs banquiers qui recourent au même mode de payement dans leurs transactions internationales et suscité un grand intérêt pour le cabinet dont l’expertise a permis de la révéler au grand jour. Les banquiers n’hésitent pas à réaliser des bénéfices en profitant de la naïveté ou de la bonne foi de certains clients. Afriland First Bank est peut- être l’arbre qui cache la forêt des abus dans le secteur bancaire. Si tel est le cas, c’est tout le climat des affaires au Congo et le rôle des banques commerciales qui en recevraient un grand coup, estime un opérateur économique pour qui ce procès doit avoir un caractère pédagogique.