Aide publique : l’appel des ONG à la France d’allouer les moyens à la hauteur des enjeux

Soixante-cinq dirigeants d’ONG, parmi lesquelles Oxfam, Médecins du Monde ou Action contre la Faim, s’alarment des « atermoiements » de Paris. Ils proposent de « renforcer la taxe sur les transactions financières en augmentant son taux et son affectation à la solidarité internationale ».

LE DÉBAT se corse. Alors que la France s’apprête à mettre à jour sa politique relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, l’ambition politique clamée en début de mandat s’est essoufflée. Lors de la déclaration de politique générale, Edouard Philippe, le 1ER Ministre français, a annoncé le renvoi à 2020 de l’examen de la nouvelle loi d’orientation et de programmation dédiée à ces questions, initialement prévue pour 2019. Avec cet ajournement, puis un nouveau report du Conseil du développement, l’ambition d’Emmanuel Macron, le président français, de renforcer le dispositif et les moyens de la coopération au développement et à la solidarité internationale tarde à se concrétiser.  Ce texte doit pourtant fixer les orientations de la politique de développement dont l’enjeu est d’assurer la protection des biens publics mondiaux que sont, entre-autres, le climat, l’eau, la santé et l’éducation. 

Il doit aussi préciser les modalités de mise en cohérence des autres politiques avec les objectifs de développement. Il doit enfin donner la programmation budgétaire détaillant la façon dont le gouvernement français mettra en œuvre l’engagement présidentiel à atteindre 0,55 % du revenu national brut pour l’aide publique au développement.

Une société plus juste !

Des dirigeants d’ONG internationales jugent « regrettables » les atermoiements, le manque d’ambition et le retard dans l’adoption de la loi. Qui sont justifiés comme des conséquences des dépenses engagées dans le contexte social français actuel. Au contraire, ils estiment qu’il faut accélérer le processus et dès cette année, allouer des moyens à la hauteur des enjeux et le faire avec une prévisibilité nécessaire à une réponse efficace. 

Pour ce faire, un outil remarquable permet à la fois de financer la politique française de solidarité internationale et de répondre à l’aspiration pressante pour plus de justice fiscale : la taxe sur les transactions financières. 

Celle-ci a été créée à la suite de la crise de 2008 pour que le secteur bancaire, ayant largement bénéficié de la mondialisation et de l’envol des flux financiers internationaux, mais également du soutien de la puissance publique pendant la crise, participe à la lutte contre l’extrême pauvreté et les changements climatiques.

Dans une tribune publiée dans le JDD, 65 dirigeants d’ONG, parmi lesquelles Oxfam, Médecins du monde et Action contre la faim, écrivent : « Ce que nos concitoyennes et concitoyens veulent aujourd’hui, c’est la justice et l’équité, pour tous et toutes afin que les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, où qu’elles soient, puissent vivre dignement. S’exprime ainsi le souhait d’une plus juste redistribution des richesses, en France et à l’échelle mondiale. Le gouvernement doit entendre cette soif de justice fiscale et de nécessaire solidarité, et la traduire par des mesures concrètes sans plus attendre. »

Et ils poursuivent : « En effet, les solidarités ne s’opposent pas. Bien au contraire, elles convergent. La défense et la promotion des biens publics mondiaux bénéficient, par définition, à l’ensemble de la population du globe. Nos concitoyennes et concitoyens ont bien conscience que sur de nombreux sujets, nos destins sont liés avec les pays les plus pauvres. » 

Puis : « Tous et toutes comprennent l’intérêt de se battre pour la défense des droits humains et la nécessité de lutter, aux côtés de nos partenaires, contre les changements climatiques et de construire des systèmes éducatifs, alimentaires, sanitaires et fiscaux efficients, durables et équitables. Ils attendent que nos pays luttent sérieusement contre les inégalités, y compris celles qui séparent les femmes et les hommes, où qu’elles se manifestent. »

Pour ces dirigeants d’ONG, « renforcer la taxe sur les transactions financières en augmentant son taux et son affectation à la solidarité internationale, dès cette année, permettrait de faire un pas vers le respect des engagements internationaux en matière d’aide publique au développement en répondant aux aspirations de nos concitoyennes et concitoyens : construire une société plus juste et un monde plus équitable. »