SELON une récente étude d’ingénierie de base, le projet aurait la capacité de devenir l’une des plus grandes mines d’étain au monde. Avec une durée de vie de 12,5 ans, la mine devrait produire annuellement une moyenne de 373 800 tonnes de tout venant. Le projet Alphamin permettrait d’employer 450 personnes de manière permanente, une fois en production. Alphamin est entièrement financé par le gouvernement canadien.
Les études de prospection de la région de Bisié avaient coûté 35 millions de dollars. La société Alphamin Bisié Mining (ABM) devrait, au courant du premier semestre 2019, se lancer dans l’exploitation industrielle de l’étain en territoire de Walikale dans la province du Nord-Kivu. Une région en proie à l’instabilité et aux menées subversives des groupes armés, voilà pratiquement 20 ans. Du temps où il était 1ER Ministre, Adolphe Muzito Mfumumpa avait dû rebrousser chemin alors qu’il tenait à se rendre compte de visu de l’étendue des activités minières artisanales à Bisié.
Du Kivu au Tanganyika
À ce jour, si, pour éviter des bastions réputés des groupes armés, Alphamin a percé, à travers la jungle de Walikale, une route, toute nouvelle, partant de Bisié à Walikale-ville pour atteindre Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, il demeure que l’entreprise canadienne devrait s’allier les quelque 5 000 creuseurs et exploitants artisanaux qui opèrent dans la région non sans intelligence avec des hommes armés.
Depuis l’extinction de grandes sociétés parapubliques comme Zaïre-Etain et Sominkivu, dans les années troubles 1990-1997, quelques privées ont, par la suite, occupé les mines du Comité des producteurs d’étain du Congo-Belge et du Rwanda-Urundi, qui s’étendaient des régions actuelles du Kivu au Tanganyika, et au-delà du lac Kivu. Il s’agit notamment de Banro, Cométain, Compagnie des mines d’étain de la Belgika ou encore de Congo-étain qui est une société d’exploitation minière dans la province du Tanganyika.
Congo-étain exploite les gites de pegmatite dans le territoire de Manono comprenant des réserves de plus de 165 000 tonnes d’étain. La région grouille également de lithium et fait l’objet de convoitises internationales. Le lithium entre dans la production de piles et de batteries rechargeables ou à haute tension, de lubrifiants spéciaux. Il est également utilisé dans le traitement de l’air vicié par le gaz carbonique, dans la métallurgie, l’industrie du caoutchouc et des thermoplastiques, la chimie fine ou encore dans l’industrie du verre et des céramiques.
Les réserves mondiales de lithium étaient estimées en janvier 2018 à quelque 16 millions de tonnes, et l’ensemble des ressources identifiées à 53,8 millions de tonnes. Mais ces statistiques pourraient vite évoluer d’autant plus que cinq ans plus tôt, l’on estimait à 13 millions de tonnes seulement le stock mondial dont 58 % pour la seule Bolivie et 27 % pour la Chine. La République démocratique du Congo n’a jamais été citée comme potentiel producteur à l’échelle mondiale par les grandes agences comme l’USGS.
Quant à la production, elle s’est chiffrée à 43 000 tonnes en 2017 au monde, hormis les États-Unis qui n’ont guère daigné publier leurs productions pour des raisons stratégiques. De cette production, la Chine en était à 7 %, l’Argentine a fourni 13 % de la production mondiale, contre 33 % pour le Chili et 43 % pour l‘Australie. Sans doute qu’avec le projet Lithium Manono, l’Australie veut maintenir sa position dominante dans le marché de ce minerai qui n’existe pas à l’état natif dans le milieu naturel. L’intérêt pour la RDC s’expliquerait par la croissance prévue des ventes de véhicules électriques qui augure déjà des perspectives d’augmentation de la consommation d’autres matières premières comme le lithium, le graphite ou encore le nickel.
Demande mondiale
L’étain, principalement utilisé pour faire de la soudure dans l’industrie électronique, fait l’objet de nouveaux usages notamment dans les matériaux d’électrodes d’anodes à haute capacité, mais aussi à l’état solide et dans les cathodes. La demande pour chacune de ces trois technologies de matériaux anodiques mises en évidence pourrait atteindre entre 10 000 et 20 000 tonnes d’ici 2030 si elles gagnent des parts dans un marché hautement concurrentiel. Cela pourrait au moins doubler d’ici 2050, confient les experts. Si l’Association internationale de l’étain (AIE) n’a pas donné des prévisions pour la consommation globale du métal en 2030, elle prévoit néanmoins une demande de 357 000 tonnes pour cette année. L’organisme s’attend à un excédent de 500 tonnes d’étain cette année, comparativement à un déficit de 7 500 tonnes en 2018, principalement en raison de la faiblesse de la demande sur le marché chinois de pointe. Mais des observateurs redoutent la recrudescence des groupes armés dans l’Est de la RDC dont la seule visée serait de constituer des circuits ténébreux d’exportation de l’étain ou du lithium. Selon Human Rights Watch, depuis 2010, la loi Dodd-Franck sur les minerais provenant des zones de conflit impose aux grandes sociétés américaines de rendre traçable la chaîne d’approvisionnement des minerais entrant dans la fabrication de leurs produits. Une loi qui permet de contrôler que le coltan, l’or ou l’étain qu’elles achètent ne financent pas des groupes armés qui pullulent encore par dizaines dans l’Est de la RDC.
Mais l’ONG déplore que la règle américaine n’empêche pourtant pas certains minerais de sortir illégalement du pays, notamment par le Rwanda ou l’Ouganda, et de revenir dans le marché « légal » en étant acheminés en Asie via les pays du Golfe. La loi Dodd-Franck a tout de même permis des avancées notables dans la traçabilité des minerais « douteux » et mettre en place des circuits certifiés et des coopératives fiables en RDC.