LA DIRECTION générale des impôts (DGI) prend en compte, dans ses estimations, des taux de recouvrement moyens observés au cours de quatre dernières années pour l’impôt sur les bénéfices et les profits (IBP), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’impôt professionnel sur les prestations de services des non-résidents et les pénalités fiscales. Le taux de 14 % de l’impôt sur les prestations de services de non résidents s’applique, en effet, sur le montant brut des factures en rémunération des prestations de services de toute nature fournies par des personnes physiques ou morales non établies en République démocratique du Congo.
Les recettes de l’exercice 2017 n’auraient été captées qu’à 70 % de leurs assignations qui étaient de 62 146 305 877 FC. Pourtant, les assignations de l’impôt sur les prestations de services de non résidents reposent sur des données dont la marge d’erreur est quasi-nulle. Il s’agit notamment des rémunérations brutes des services rendus au précédent exercice, les rémunérations brutes des services rendus redressés de l’exercice passée, des indicateurs macroéconomiques ainsi que du taux d’imposition.
Hélas, en attendant le concours de la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), la DGI compte procéder à des recouvrements forcés, des saisies mobilières et immobilières ainsi que des comptes bancaires. Elle envisageait de procéder également au recouvrement forcé pour ce qui est des impôts sur les revenus salariaux des expatriés dont les assignations sont de 127 249 863 588 FC pour 2018, contre 82 190 229 689 FC en 2017. Mais passer à l’acte n’a guère été aisé.
S’agissant des impôts sur les revenus des capitaux mobiliers qui couvrent la distribution de dividendes et autres revenus provenant des capitaux investis, tantièmes alloués et montant net de redevances pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit de propriété intellectuelle ou industrielle, le fisc compte percevoir environ 82 milliards de FC. Pour ce faire, la DGI s’est engagée, dans un premier temps, à renforcer le système de suivi des défaillants en déclaration, à organiser des contrôles ponctuels de l’impôt mobilier; au suivi périodique des déclarations de l’impôt mobilier et l’incidence des résultats du contrôle de l’IBP, sur le comportement des recettes en matière d’impôt mobilier.
Si ces actions se révèlent infructueuses, le fisc devrait se résoudre à l’application rigoureuse de la procédure de recouvrement forcé en ce qui concerne des restes à recouvrer. La DGI compte alors procéder à lancer des avis à tiers détenteurs, des saisies mobilières, immobilières et les ventes qui en découlent, à la fermeture provisoire des établissements par l’apposition de scellés. Il sied de retenir que le taux de perception des impôts sur les revenus des capitaux mobiliers est de 20 % et que pour le secteur minier, le taux appliqué sur les dividendes et autres distributions est de 10 %.
Rémunérations des expatriés
De cinq types d’impôts professionnels sur les rémunérations (IPR), deux posent problème, l’impôt exceptionnel sur les rémunérations versées aux expatriés (IERE) et l’impôt sur les revenus salariaux des expatriés (IRSE). L’IERE, selon les projections 2018 de la DGI, est de l’ordre de 63 627 232 816 FC, contre 59 426 833 715 FC en 2017, et les assignations 2018 de l’IRSE sont de 127 249 863 588 FC alors que celles de 2017, 82 190 229 689 FC. En 2015, l’IRSE n’a rapporté que 40 920 642 343 FC sur 85 582 867 811 FC attendus, soit un taux de réalisation de 40 %. En 2016, la DGI a collecté 60 741 125 064 FC alors qu’elle en espérait au moins 63 milliards de FC.
Concernant, l’IERE, la DGI applique non seulement le taux d’imposition de 25 % relevant de la législation fiscale de droit commun, mais aussi de 10 % appliqué en tenant compte du code minier. L’IERE est établi, en effet, en fonction des rémunérations générées par l’activité du travail exercé ou l’emploi occupé au Congo et est déductible de la base imposable à l’IBP. Lequel est imposable, selon le code minier, au taux de 30 %.
Sur le plan minier, la DGI table la masse salariale imposable en 2018 à 337 951 502 300 FC et 124 782 093 157 FC pour les autres redevables expatriés. Cependant, pour atteindre ses assignations, elle compte procéder au suivi mensuel des déclarations de l’IERE en comparaison avec les bases corrigées lors du contrôle fiscal ou encore à l’exploitation des données de recoupement de la Direction générale de migration (DGM), ainsi que des licences de transfert de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales.
C’est ici que l’apport de la CENAREF pourrait s’avérer déterminant. Toutes les entreprises minières sont, en effet, en droit d’ouvrir, « un compte en devises appelé Compte Principal auprès d’une banque étrangère de réputation internationale qui aura des relations d’affaires avec un correspondant pour la gestion des fonds qu’il est autorisé à tenir en dehors de la RDC ». Toutefois, le code minier de 2002 qui est toujours en cours – selon des experts de la DGI et de la DGDA contactés lors du Séminaire d’orientation budgétaire 2019 -, précise que les entreprises minières « sont dans l’obligation de communiquer à la Banque centrale du Congo et dans les moindres détails, toutes les coordonnées du Compte principal ».
Le code minier autorise, cependant, l’opérateur minier exportateur à garder et à gérer dans son compte principal et ses comptes de service les recettes de ses ventes à concurrence de 60 % et n’est tenu de rapatrier que 40 % de ses devises dans les quinze jours à dater de l’encaissement au Compte principal. Ce qui n’est pas toujours le cas et complique, par ricochet, les calculs du fisc.
La Banque centrale conserve le droit de dépêcher ses délégués pour vérifier la régularité des opérations inscrites sur le Compte principal après en avoir préalablement informé par écrit le titulaire. En d’autres termes, la police informe au préalable un présumé coupable de la perquisition de son domicile à l’étranger, avec le concours de la CENAREF. L’on s’imagine, sans forcément être expert, combien la réalisation d’une telle perquisition est laborieuse… et improbable.
En 2013 et 2014, la RDC avait procédé à une auto-évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. Bien que réalisée avec l’accompagnement des experts de la Banque mondiale (Samir Merghoub, Yannis Mekki, Jimmy Moffat et Yara Esquivel), les résultats de cette auto-évaluation n’ont jamais été rendus publics. Il y a 5 ans, la douane congolaise avait décrié « le phénomène du blanchiment d’argent qui occasionne un manque à gagner très important pour le Trésor public, privant ainsi le gouvernement des moyens pour financer le vaste programme de reconstruction nationale ».
Informations et renseignements
À l’époque, Deo Rugwiza, le DG de la DGDA rappelait que son service avait notamment pour mission de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière organisée et le blanchiment d’argent. « À ce titre, la DGDA a jugé urgent et opportun d’approcher la CENAREF afin que les deux services, chacun dans le cadre de ses missions spécifiques, travaillent ensemble pour échange d’informations et de renseignements à caractère financier susceptibles de lutter contre la fraude commerciale, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme », a-t-il déclaré en se disant convaincu que le protocole d’accord entre la DGDA et la CENAREF permettra de renforcer les capacités de leurs services respectifs dans la lutte contre les mauvaises pratiques sus-évoquées. Particulièrement, cela permettra à la DGDA d’améliorer le niveau des recettes douanières.
Mais le protocole d’accord n’a jusque-là porté des fruits escomptés. La douane fait face à des pratiques frauduleuses de plus en plus intelligentes (saucissonnage de la cargaison, falsification des documents à partir des pays voisins, etc.) et s’emploie encore au recouvrement des déclarations liquidées non payées, au renforcement des octrois des exonérations; à l’assainissement de la profession de commissionnaire en douane, etc. Elle poursuit les actions de sensibilisation au civisme fiscal avec l’appui des institutions chargées de ces questions. Outre la CENAREF, la DGDA a déjà conclu d’autres protocoles d’accord contre la fraude et le blanchiment des capitaux avec la Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA), l’Office congolais de contrôle (OCC), la Radio-télévision nationale congolaise (RTNC) ou encore avec d’autres régies financières, la DGI et la DGRAD.