Au forum de la SAMAO, le professeur Kampata a parlé de l’importance des mines dans l’industrialisation de la RDC

La 4è édition de la Semaine des activités minières d’Afrique de l’Ouest a été organisée du 26 au 28 septembre à Ouagadougou sur le thème « Exploitation des ressources minérales et opportunités d’industrialisation de l’Afrique ». Le pays a été représenté à ces assises de haut niveau des responsables des mines par le directeur général du Service Géologique National du Congo.

DANS la capitale du Burkina Faso, une seule interrogation a plané sur les travaux de la 4è édition de la Semaine des activités minières d’Afrique de l’Ouest (SAMAO) : que représentent aujourd’hui les mines dans le processus d’industrialisation du continent africain ? Le constat est que, malgré l’expansion de l’exploitation minière dans la plupart des pays africains, les attentes des populations sont souvent sans réponses. Mieux, elles ne voient pas encore les retombées de l’exploitation minière. 

Ces attentes se résument généralement à la création d’emplois, aux avantages que tirent les investisseurs nationaux et les communautés locales dans l’exploitation minière. Dans tous les cas, l’industrie minière représente un grand marché et de nombreuses opportunités gravitent autour d’elle. En effet, quand une mine s’installe, elle a des besoins de production qui puissent être satisfaits par des industries locales. Ce qui permettrait de créer des emplois, des services (financement, assurances, transports, formation, eau, électricité, etc.). Par ailleurs, l’exploitation minière est considérée comme un moteur d’industries de transformation (valeur ajoutée au produit brut) : raffineries, fabriques de batteries, câbles, etc.

Ce sont toutes ces questions qui ont dicté le choix du thème de la conférence de Ouagadougou. Selon le professeur Dona Kampata Mbwelele, le directeur général du Service Géologique National du Congo (SGNC) et vice-doyen chargé des enseignements au département de géologie de la faculté des sciences de l’Université de Kinshasa, les discussions ont été franches et sereines. Il y a pris part en qualité de délégué de la République démocratique du Congo, désigné par Willy Kitobo Samsoni, le ministre des Mines, pour le représenter. D’après lui, il s’est agi lors de cette conférence internationale de tracer le chemin qui convient pour le décollage industriel du continent africain.

RDC, scandale géologique

Les mines contribuent déjà et peuvent faire davantage dans l’industrialisation du pays et diversifier son économie, à l’instar du Canada et de l’Afrique du Sud, qui ont su développer d’autres industries pour tirer profit de l’exploitation minière. Intervenant dans le forum, sur le sujet « Exploitation des ressources minérales : opportunités d’industrialisation : cas de la RDC », le professeur Dona Kampata a d’abord présenté les richesses minérales de notre pays qualifié, à juste titre, de « scandale géologique ».

En RDC, a-t-il fait remarquer, il y a deux types d’exploitation minérale : l’exploitation industrielle (Cu, Co, Zn, Au, Sn, Ta-Nb, Dia, Pétrole) et l’exploitation artisanale (Dia, Au, Sn, Ta-Nb, Cu-Co). Les substances non exploitées sont : Mn, Fe, Al, TR, Pl, Pb, etc. Toutes ces ressources sont-elles épuisables ? Les spécialistes alertent sur les risques de pénurie, notamment du fait de l’explosion de la demande mondiale en métaux et pierres précieuses, qui entraîne un épuisement des gisements (estimation des réserves connues pour une dizaine d’années). La population mondiale atteindra 9,8 milliards d’habitants en 2050 et celle de l’Afrique passera à 4,468 milliards, soit 40 % de la population mondiale (nouveaux consommateurs de smartphones, tablettes et autres produits).

Le professeur Kampata a rappelé que la RDC n’est explorée qu’à seulement 17 %, depuis Jules Cornet, l’explorateur belge, jusqu’à ce jours. Peut-on alors parler de « scandale géologique » pour un sol et un sous-sol méconnus? Que devons-nous laisser à la génération future? Rien à faire, estime le scientifique, « la recherche de nouveaux gisements est une obligation pour la RDC ».

Dona Kampata a présenté, à titre illustratif, quelques chiffres de l’évolution des exportations des quatre produits miniers exportés par la RDC de 2014 à 2018. Pour le cuivre : 1 030 129 t (2014), 1 021 116 t (2015), 1 023 686 t (2016), 1 094 637 t (2017) et 1 221 647 t (2018). Pour le cobalt : 75 560 t (2014), 83 529 t (2015), 68 821,98 t (2016), 82 461 t (2017) et 111 358 t (2018). Pour l’or non raffiné : 23 564 kg (2014), 31 790 kg (2015), 30 177,68 kg (2016), 31 511 kg (2017) et 36 190 kg (2018). Pour le diamant : 14 906 680 carats (2014), 15 753 487 carats (2015), 15 559 447 carats (2016), 18 902 763 carats (2017) et 15 635 447 carats (2018).

Reste que la valorisation des minerais ainsi que le développement d’un secteur minier compétitif et rentable posent problème. C’est pourquoi, le professeur Kampata qui considère l’industrialisation comme une obligation et non un choix à opérer, conseille aux Africains de faire comme les pays asiatiques. Ils se sont développés rapidement à partir de petites unités de production pour devenir des grandes. Il a souligné que « la RDC a appris de ses échecs et s’est dotée d’instruments pour booster son industrialisation », conformément à la détermination du gouvernement à industrialiser le pays.

Opportunités et défis

Alors, grâce aux  ressources naturelles dont regorgent son sol et son sous-sol, la RDC se doit de pouvoir tenir le pari du développement. L’industrialisation est donc le passage obligé, a déclaré le directeur général du SGNC. Il a fait remarquer que les mines, seules, ne pourraient assurer le développement du pays, car n’absorbant qu’à peine 10 % de la consultance locale. Par contre, le pays doit profiter des revenus générés par les mines pour impulser son industrialisation.

Il a également fait savoir que le code minier révisé a doté le pays de deux instruments capables de performer le secteur à travers les recherches géologiques et l’industrialisation. Il s’agit du Service Géologique National du Congo et du Fonds Minier. Le premier mettra à la disposition du gouvernement des gisements documentés et économiquement évalués, et le second, conçu comme une banque, sera à même de financer les projets d’infrastructures et de transformation locale des produits miniers (projets locaux). 

Mais, a-t-il prévenu, ce nouveau chemin se heurte encore à de nombreux obstacles, notamment le déficit d’énergie électrique, le manque d’infrastructures (routes, rails, fluviales, etc.), le retard dans la technique d’information et de communication, la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), etc. La RDC dispose pourtant d’immenses ressources hydroélectriques avec son fleuve Congo parmi les plus puissants du monde. Son potentiel est estimé à 100 000 MW/an mais le pays ne produit que 3 000 MW/an. D’où le gel des gisements et l’absence de transformation sur place des minerais bruts (forme des concentrés).

Par ailleurs, la RDC est en manque d’infrastructures nécessaires à une croissance économique inclusive, car cette dernière entraîne une augmentation des coûts de production et des services dans tous les secteurs d’exploitation (mines, agriculture, etc.), une baisse de la compétitivité des affaires et un impact négatif sur le flux d’investissements directs étrangers.

Autres défis : l’application du code minier révisé qui a soulevé des crispations dans l’industrie minière, principalement dominée par des firmes étrangères. Parmi les mesures qu’elles continuent de bouder, la suppression de la garantie de stabilité du régime fiscal et des conventions minières, l’instauration d’une redevance de 10 % sur les substances minérales dites « stratégiques » (cobalt, germanium, coltan). Certaines firmes menacent même de fermer les usines d’exploitation au motif que l’État a imposé un code minier contraignant. Il y a aussi la création de la Zone de libre-échange continentale africaine qui constituera, à terme, le plus grand marché commun du monde et qui organisera le libre-échange à l’échelle du continent africain.

Dona Kampata a terminé son exposé en indiquant que le gouvernement congolais encourage les opérateurs miniers à maintenir leurs activités, en dépit de la situation internationale relative à la baisse des cours des matières premières. Il reste engagé à les accompagner dans cette épreuve, en les invitant à ne pas exploiter cette situation pour se verser dans le manque de  transparence, de gouvernance et tout simplement dans l’incivisme fiscal. D’après lui, le secteur minier doit nécessairement booster l’industrialisation du pays par une bonne infrastructure, un bon approvisionnement énergétique, ensemble avec tous les pays africains. « Telle est la détermination de la RDC imprimée par le 1ER Ministre et inspirée par la vision du nouveau président de la République, Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo », a conclu le directeur général du SGNC.