Au gouvernement, des ministres sont embarrassés par cette affaire

l est intéressant de constater que les membres de l’exécutif dont les secteurs sont impliqués dans ce dossier n’émettent pas sur la même longueur d’onde. Pourtant, l’éthique gouvernementale commande la solidarité au sein du cabinet.

LE MINISTÈRE du Portefeuille et celui du Tourisme représentent les intérêts de l’État, en tant qu’actionnaire, au conseil d’administration de la société TOURHOTELS S.A. C’est à ce titre que Wivine Mumba Matipa, la ministre du Portefeuille, qui a la tutelle administrative des actions de l’État dans les entreprises, a écrit la lettre n°0812/MINPF/PB/CSP-CM/WMM/2018, en date du 5 juin 2018, pour demander à Henry Mova Sakani, le Vice-1ER Ministre, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, d’« instruire les services de sécurité en vue de rétablir l’autorité de l’État, de garantir à TOURHOTELS la jouissance paisible de sa propriété et de mettre hors d’état de nuire tous les spoliateurs, fauteurs de troubles qui ne sont pas à leur premier forfait », dans le respect de l’État de droit, des textes et des lois de la République démocratique du Congo.

Par ailleurs, en appui à la législation nationale et aux droits reconnus par la Constitution, Lumeya Dhu-Maleghi, le ministre des Affaires foncières, de surcroît avocat, a adressé la lettre n°1816/CAB/MIN/AFF.FONC/CJ/OST/2018, le 26 octobre 2018, au conservateur des titres immobiliers. Il y dénonce la violation de l’article 151 de la Constitution, et relève que l’arrêt sous RPA 1628 est frappé de pourvoi en cassation. 

Par conséquent, il n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée. Il interdit à M. Eliab Munyembazi, le conservateur des titres immobiliers de Goma, de continuer à poser des actes en rapport avec le conflit foncier de l’hôtel Karibu. Il l’a même invité à lui ramener « en mains propres » le dossier reconstitué de tous ses éléments.

On sait aussi que le greffier principal près la Cour d’appel de Goma a confirmé, dans sa lettre n°465/JUST/CAB-GP/CA-NK/D.6/2018 datée du 1er novembre 2018 que la Cour d’appel de Goma n’a jamais transmis au Tribunal de Grande Instance (TGI) de cette ville les pièces de procédure relatives à l’exécution de l’arrêt RPA 1628, sachant que les prévenus ont déjà formé le pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par conséquent, le greffier divisionnaire du TGI de Goma ne pouvait d’aucune manière procéder à l’exécution de cet arrêt sans les pièces de procédure y relatives. Pour lui, l’article 47 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2009 relatif à la procédure devant la Cour de cassation devrait absolument être respecté.

Devant un fait accompli ?

« Suite aux instructions de M. Julien Paluku Kahongya contenues dans ses lettres évoquées plus haut, et malgré l’intervention de la ministre du Portefeuille et du ministre des Affaires foncières, la société TOURHOTELS vient malheureusement de subir des dommages très importants et préjudiciables au bon fonctionnement de l’hôtel Karibu », déplorent les avocats-conseils de la société. Ces dommages, on les connaît : « La clôture de l’hôtel a été sauvagement détruite avec un bulldozer. Le boisement, véritable joyau écologique résultant des décennies d’aménagement qui, jadis, constituait l’unique espace vert et source d’oxygène dans la ville de Goma, a été complètement décimé avec des tronçonneuses et machettes. La concession de 15 ha est déjà morcelée en parcelles et une cinquantaine de bornes y sont déjà placées par les géomètres du cadastre. » 

Pour le PDG de TOURHOTELS, en effet, « ces actes de vandalisme sont l’œuvre, sur instructions du gouverneur du Nord-Kivu, de MM. Eliab Munyembabazi, Christian Tsongo Masua, Achille Christian Faïda Nyanguba et Christian Midagu Kanane, respectivement conservateur des titres immobiliers, chef de division du cadastre, chef de bureau technique du cadastre de la circonscription foncière de Goma et chef de division du bureau de contentieux de Goma ». D’après lui, « ils se sont rendus les 20 et 25 octobre 2018 à l’hôtel Karibu escortés par des éléments de la police nationale… pour détruire et piller avec violence les infrastructures de l’hôtel avec engins lourds bulldozers, etc. ». 

Il les accuse d’avoir procédé ainsi de force au morcellement et lotissement en détruisant totalement le mur de clôture, porte d’entrée et tout l’écosystème, le boisement du parc naturel sur 15 ha de la propriété privée de la société TOURHOTELS S.A. C’est fort de l’ordre de mission collectif n°01/666/CAB/GP-NK/2018 du 20 octobre signé par M. Feller Lutaichirwa Mulwahale, le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu, en exécution de la lettre n°01/915/CAB/GP-NK/2018 du 19 octobre 2018 du gouverneur de province. « Ce sont les mêmes, Eliab Munyambabazi et Christian Tsongo qui avaient procédé en 2004 au morcellement, au lotissement et à la commercialisation illégale de 4 ha de ladite propriété de TOURHOTELS S.A en violation grave de la loi », a fustigé Victor Ngezayo.

Qui a révélé à la presse que des titres de propriété (contrats de location) sont déjà établis au profit des tiers, notamment de Shombere Mibanga, Meretse Rukunda, Buregeyasengoza, superposés au certificat d’enregistrement de la société TOURHOTELS. « Des cabanes sont déjà érigées, des constructions de murs en matériaux durables par des constructeurs de mauvaise foi en cours dans la concession… ». S’agit-il dans cette affaire de mettre Victor Ngezayo et la société TOURHOTELS devant un fait accompli ? 

Faire obstruction à la justice

Le PDG de TOURHOTELS paraît serein. En définitive, nous confie-t-il, « cet acte de spoliation par le gouverneur Julien Paluku Kahongya a pour finalité de faire obstruction à l’exécution de l’arrêt RCA 1581 de la Cour d’appel de Goma, lequel a acquis l’autorité de la chose jugée ». Pourquoi le ferait-il ? « À ce sujet, par sa lettre n°1173/RM 370/JPB/CAB/MIN/JGS&DH/2015 en date du 4 mai 2015, adressée au procureur général près la Cour d’appel de Goma, M. le ministre de la Justice, Garde des Sceaux et des Droits humains a souligné ce qui suit : ‘Les autochtones, de leur côté, n’ont pas quitté les lieux querellés, mais s’illustrent plutôt par des menaces de mort… à l’indifférence totale des autorités politico-administratives et judiciaires’, en qualifiant cette situation d’inacceptable et a instruit de vérifier s’il existe un quelconque obstacle légal à l’exécution de la décision RCA 1581, de prêter main forte à l’exécution de cette décision en cas de l’inexistence d’un tel obstacle légal et d’enclencher des enquêtes judiciaires pour faire cesser les menaces proférées envers la famille Ngezayo par ses adversaires. »

Par-dessus tout, « la spoliation de la propriété privée de l’hôtel Karibu et sa destruction méchante et odieuse ont choqué l’opinion publique », laisse-t-il entendre. « Il est regrettable pour la population du Nord-Kivu ainsi que pour l’opinion publique nationale, mais aussi pour les investisseurs étrangers potentiels qui souhaitent investir dans les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme de constater que le gouverneur Julien Paluku Kahongya a décidé de signer ainsi son bilan à la tête de la province du Nord-Kivu. Il a fait le choix funeste de spoliation et de destruction méchante de la propriété privée de la société d’économie mixte TOURHOTELS S.A dont les actionnaires ont consenti d’importants investissements dans ces domaines clés de l’économie depuis les années 1970 à ce jour. Il a porté un coup fatal aux mesures prises par le gouvernement en vue de garantir la sécurité juridique et améliorer le climat des affaires », a-t-il conclu l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder.