LE CHEF D’ÉTAT nommait le 20 mai dernier Sylvestre Ilunga Ilunkamba 1ER Ministre de la République démocratique du Congo, sur proposition de l’ancien président Joseph Kabila Kabange, dont les partisans ont obtenu la majorité des sièges au Parlement à l’issue des législatives du 30 décembre 2018. Sur la base d’un accord conclu entre les deux parties, le gouvernement est composé de 65 membres, dont 42 pour le FCC et 23 pour le CACH. Dans l’équipe gouvernementale formée, le lundi 26 août, il y a de ceux qui peuvent valablement incarner le changement dans le pays. En revanche, il y a aussi de ceux pour qui on peut vraiment en douter fort.
Toutes choses restant égales par ailleurs, Sylvestre Ilunga devra ne pas sous-estimer les « souffrances » des Congolais. Techniquement, les dossiers clés sont bien énoncés : paix et sécurité (notamment dans l’Est et en Ituri) ; primauté de l’État de droit ; protection des libertés individuelles et démocratiques ; lutte contre l’impunité, la corruption et l’enrichissement sans cause ; amélioration du climat des affaires pour attirer les investisseurs, création d’emplois et de croissance.
Le nouveau chef du gouvernement n’aura pas de répit si les chefs d’entreprise ne retrouvent pas le moral, ni si le pouvoir d’achat des Congolais ne se reprend pas, ni si les emplois ne sont pas créés… Il pourra aussi souffrir du climat général et perdre beaucoup de sa superbe si le dossier des revendications sociales : salaires décents, gratuité de la scolarité, soins médicaux, retraite, logement, transport… n’est pas directement et rapidement mis en main. Tout comme il pourra pâtir du processus gouvernemental où les postes ministériels sont obtenus par copinage (politique ou familial), s’il ne privilégie pas dans le chef des membres de son gouvernement le patriotisme et la compétence, et non le militantisme, source de cafouillages dans les finances publiques…
Jugés sévèrement
Il va de soi qu’au cours de ce quinquennat qui est à ses débuts, les Congolais se montreront très sévères sur le comportement du nouveau président de la République et du nouveau 1ER Ministre, les deux têtes de l’exécutif national face à leur capacité de résoudre les problèmes du pays. En effet, les Congolais s’inquiètent depuis plusieurs années pour leur avenir. Le nouvel exécutif devra être à même d’apporter de réponse intelligible, donner un contenu réel au changement auquel aspire le peuple depuis tant d’années.
Il est vrai qu’avant le vote du 30 décembre, les Congolais souhaitaient le changement, l’alternance, le gouverner autrement. D’où la nécessité de la volonté de ne pas se contenter d’un rafistolage institutionnel mais de réhabiliter la politique au niveau national.
Les Congolais n’ont pas attendu 7 mois pour rien. Dans les réactions à chaud qui ont immédiatement suivi la publication de l’équipe gouvernementale, il paraît clairement que le cabinet Ilunga doit se montrer à la hauteur des attentes. Sinon… Sinon quoi ?
Dans le contexte politique et social actuel, les ministres et vice-ministres doivent être suffisamment « conscients » et « compétents » pour atteindre l’objectif du changement, pour ne pas subir les critiques et pour ne pas donner lieu à l’éclatement de la coalition. Élu 1ER Ministre à la Conférence nationale souveraine (CNS), Étienne Tshisekedi wa Mulumba avait formé un gouvernement de 21 ministres sans vice-ministres, obligeant les membres de son gouvernement à travailler directement avec les secrétaires généraux. Il s’était également passé de chefs des partis politiques dans son gouvernement pour prendre les autres cadres. Antoine Gizenga, lui aussi, n’avait pas voulu des chefs des partis politiques dans son gouvernement. La suite, on la connaît.
La gouvernance en RDC est un problème d’hommes et des méthodes. Ce ne sont pas les profils qui manquent au pays, mais c’est l’écosystème politique qui est mauvais. Il se pose donc un problème de probité morale, d’amour de la patrie et du sens de l’intérêt général. Bref, l’expertise à elle seule ne suffit pas. Il faut des hommes qui allient savoir-faire et savoir-être, technocratie et moralité. Les membres du gouvernement sont en majorité des « nouvelles figures ». Est-ce pour autant une garantie de réussite ? « Je crois que ça valait la peine d’attendre. Là, nous avons un gouvernement qui va réaliser la vision du chef de l’État, c’est la direction du changement. Donc, le changement commence maintenant ! Mettons-nous au travail », a déclaré Sylvestre Ilunga Ilunkamba à la publication de son gouvernement.