Bien que maîtrisée, l’inflation est demeurée volatile

La baisse spectaculaire de l’inflation s’est accompagnée d’un net rebond de la croissance. Entre 1970-1990, l’inflation moyenne s’élevait à 50 %, avec des pointes d’hyperinflation pendant les années 1990, principalement parce que la BCC finançait le déficit budgétaire.  TONY NGANGA

 

La croissance annuelle du Produit intérieur brut (PIB) était alors de 0,7 % en moyenne, soit nettement moins que la croissance démographique. L’inflation, ramenée à environ 10 à 15 % par an, est retombée sous la barre des 10 % en 2012, et devait se situer autour de 3 % en 2016. C’est essentiellement le fruit de la coopération avec le Fonds monétaire international (FMI) qui s’est traduite par une meilleure gestion et l’assainissement des finances publiques, ainsi que par l’élimination progressive du financement par la Banque centrale du Congo (BCC) du déficit des administrations centrales, et à une meilleure coordination entre le Trésor public et la BCC.

Le déficit de trésorerie des administrations centrales a été divisé par deux en quelques années (2001- 2011), le déficit budgétaire était en moyenne de 4,3 % du PIB, contre 8,5 % en moyenne pour la période 1970-2000. Grâce à un recours accru à des leviers d’action s’appuyant sur les forces du marché et à une meilleure prévision des liquidités, la BCC a pu maintenir les principaux agrégats monétaires à des niveaux compatibles avec son objectif d’inflation sous la barre des 10 %. La croissance de la masse monétaire au sens large a convergé avec celle du PIB, la vitesse de circulation de l’argent a d’abord baissé avant de se stabiliser. Le multiplicateur monétaire s’est accru malgré le relèvement des réserves obligatoires, ce qui dénote un regain de confiance et un certain approfondissement financier.

L’effet du taux de change

Étant donné l’amélioration de la discipline budgétaire, l’inflation a été influencée, essentiellement par le taux de change fixe et par des facteurs exogènes tels que les prix des produits alimentaires et pétroliers importés, plutôt que par le financement par la Banque centrale du déficit budgétaire. En période de stabilité des taux de change, expliquent des spécialistes, les prix des produits alimentaires ont été le principal déterminant de l’inflation. De fait, les chiffres disponibles d’indice des prix à la consommation (IPC) portent uniquement sur Kinshasa, où la part de produits importés est la plus élevée. D’où l’incidence dominante des variations des taux de change sur l’inflation. De plus, la pondération de l’alimentation dans l’IPC est élevée (54 %). Les services de réseau, combustible inclus, sont aussi en grande partie importés et représentent un poids de 12 % dans l’IPC. D’après ces spécialistes, l’inflation globale et l’inflation hors énergie et alimentation évoluent à peu près parallèlement car les produits alimentaires représentent aussi un poids important de l’inflation tendancielle.

Comme le montre l’évolution de la situation économique, l’inflation, bien que ralentie, est demeurée volatile en RDC. En effet, depuis 2000, font remarquer ces mêmes spécialistes, l’indice hebdomadaire de volatilité de l’inflation a fortement diminué, passant de plus de 2,9, c’est-à-dire l’écart type de l’inflation sur une semaine atteignait presque trois fois sa moyenne s’établissant à 1,4 pendant la période 2009-2012. Alors que l’inflation hebdomadaire moyenne se stabilisait à environ 0,2 % entre 2010 et 2011. Par ailleurs, notent-ils, les années de forte inflation marquées par des épisodes de crises des changes ont entraîné une dollarisation rapide de l’économie et, en particulier, du système financier. Toutefois, poursuivent-ils, comme la majeure partie de la population n’a pas d’autre choix que d’utiliser la monnaie locale pour les transactions courantes, la politique monétaire conserve une certaine prise. La dollarisation est partie d’un niveau relativement bas dans les années 1970 et s’est accélérée pendant les années 1990, parallèlement à la hausse de l’inflation, expliquent Ngonga Nzinga et Ulimwengu. La proportion de dépôts en dollars par rapport au total des dépôts oscille autour de 90 %, soit 70 % par rapport à la masse monétaire au sens large, ce qui est élevé, même par rapport à d’autres économies très dollarisées.  Cependant sachant que le PIB par habitant équivaut à seulement 0,4 dollars par jour et que les coupures de moins de 10 dollars sont rarement acceptées dans les transactions quotidiennes, le franc demeure encore un instrument essentiel pour les transactions courantes pour la majeure partie de la population.

Ces spécialistes notent par ailleurs que malgré l’émergence d’un grand nombre de banques commerciales, le secteur financier demeure marginal et peu développé. Moins de 6 % de la population a accès à une banque commerciale, et seulement moins de 10 % des entreprises commerciales utilisent les banques pour financer leurs investissements. La monétisation de l’économie de la RDC est également très faible au regard des standards internationaux, font-ils remarquer. La masse monétaire au sens large représente moins de 17 % du PIB, contre une moyenne d’environ 46 % dans l’Afrique subsaharienne. Du fait de la faiblesse du système réglementaire et judiciaire, le recours aux garanties/prêts colatéraux est limité. Les banques commerciales sont donc contraintes à ne prêter qu’à un petit nombre de sociétés et d’individus auxquels elles font confiance.

Autofinancement

L’autofinancement demeure la principale source d’investissement pour beaucoup d’entreprises et de particuliers. L’investissement dans le secteur de l’extraction minière, et plus généralement dans le secteur des ressources naturelles, est principalement financé sur les marchés internationaux, et seulement 6 % environ du crédit au secteur privé vont au secteur minier. L’asymétrie des échéances entre les dépôts et les prêts et le manque d’instruments d’épargne de long terme limitent la capacité des banques commerciales à financer les gros investissements : les prêts syndiqués sont, quant à eux, quasi inexistants. Il n’existe pas de marché financier, et le marché monétaire… qui représente moins de 1 % du PIB, se limite pratiquement aux bons du Trésor de la Banque centrale. Les prêts interbancaires n’étant que peu nombreux. En moyenne, une banque a recours au marché interbancaire une fois toute les deux semaines selon l’article 3 de la loi 005/2002 du 7 mai 2002 relative à la constitution, l’organisation et au fonctionnement de la BCC.

Le volume quotidien des activités du marché interbancaire représente 0,01 % du PIB. L’article 6 de cette loi précise que la BCC a pour objectif secondaire d’assurer « la stabilité interne et externe de la monnaie nationale ». En pratique, la Banque centrale interprète cette disposition comme un régime de changes flottants avec des interventions destinées à limiter la volatilité du taux de change.