Bis repetita à New York ?

On aurait dû être sceptique en 2000 quand l’ONU a lancé les Objectifs du Millénaire pour le développement. Quinze ans après, le bilan n’est guère reluisant dans beaucoup de pays comme la République démocratique du Congo. Que faut-il alors attendre des Objectifs du développement durable dont l’objet principal est l’élimination de la pauvreté ? Le débat est ouvert.

C’est à partir du 1er janvier 2016 que les Objectifs de développement durable (ODD) vont entrer en vigueur. Adoptés le 25 septembre par les dirigeants de la planète au siège de l’Organisation des nations unies (ONU), à New York, les ODD sont en fait un programme pour changer la face du monde d’ici à 2030. Éradiquer l’extrême pauvreté, promouvoir la santé et l’éducation, maîtriser le réchauffement climatique, tels sont les défis que les ODD devront relever. Ils remplacent les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), lancés en 2000 et qui arrivent à échéance dans deux mois.

Tels qu’ils ont été définis, les dix-sept nouveaux Objectifs de développement durable, appelés aussi « Objectifs mondiaux », visent, entre autres, à éliminer la pauvreté, la faim et les inégalités ; à lutter contre les changements climatiques et à protéger l’environnement ; à améliorer l’accès à la santé et à l’éducation ; ainsi qu’à mettre en place des institutions et des partenariats solides. Ces objectifs orienteront le développement sur les quinze prochaines années, en offrant la possibilité de répondre aux aspirations des citoyens du monde entier à un avenir plus pacifique, prospère et durable. D’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), « nous sommes la dernière génération à pouvoir conjurer les pires effets des changements climatiques et la première à disposer de moyens économiques et des connaissances nécessaires à l’éradication de la pauvreté. Pour cela, nous devons tous faire des choix politiques courageux ».

Concrètement, les ODD ont été déclinés en 169 « cibles » dont le premier et le plus important est l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes. Car, plus de 800 millions de personnes dans le monde vivent encore avec moins de 1,25 dollar par jour, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie. L’annonce des ODD par l’ONU suscite encore des commentaires divers, surtout dans les milieux de la société civile.

Quel bilan pour les OMD ?

Alors que les effets attendus des OMD n’ont pas été tous atteints, on se demande si les ODD jugés « trop ambitieux et mal définis » vont vraiment changer la face de la planète.

Au nombre de huit, les OMD se sont concentrés sur la pauvreté et la santé maternelle et infantile dans les pays en développement. En 2010, la plupart des organisations internationales avaient procédé à un bilan à mi-parcours des OMD. À la Banque mondiale, les économistes avaient posé le postulat selon lequel, pour éliminer la pauvreté, il faut une économie en croissance. Sur les indicateurs de développement en Afrique, le Congo ne figurait pas dans le peloton de tête de pays ayant réalisé des progrès significatifs. Du point de vue de la croissance économique, la Guinée- Équatoriale était citée comme un modèle à suivre, avec un taux de 20,9 %. En Afrique subsaharienne, la croissance économique s’était légèrement infléchie en 2008, après avoir fortement rebondi (5,6 %) en 2004. Par conséquent, la plupart des pays, dont le Congo, avaient pris du retard par rapport aux OMD.

Cinq ans après, le débat se corse. Au sein de la société civile, certaines ONG s’interrogent si la croissance économique suffit vraiment, à elle seule, pour améliorer le sort des pauvres d’Afrique. Pour l’Agence française de développement (AFD), il convient de mesurer la croissance favorable aux pauvres par la progression de revenus de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. D’après le Centre international pour l’action en faveur des pauvres du PNUD, pour profitable aux pauvres, la croissance doit se traduire par une réduction des écarts des revenus entre les pauvres et le reste de la population. Selon le Fonds monétaire international (FMI), trois facteurs peuvent réduire la pauvreté : le taux de croissance économique, la réaction de la pauvreté à la croissance économique et l’évolution de la répartition des revenus.

Des progrès quand même !

D’après John Page, économiste principal à la Banque mondiale, l’Afrique a réalisé des progrès plus ou moins uniformes dans les secteurs sociaux. Sur les Objectifs liés à l’éducation, le taux brut d’inscription à l’enseignement primaire a augmenté sensiblement sur tout le continent. L’indicateur de l’investissement consacré aux pauvres est passé de 72 % (en 1990) à plus de 93 % actuellement. Cette croissance a réduit d’au moins 50 % le taux d’analphabétisme. Sur les objectifs liés à la santé, le taux de prévalence du VIH/sida, de la mortalité infantile, de la discrimination entre les sexes ont commencé à diminuer dans plusieurs pays. En définitive, les pays africains doivent mettre plus l’accent sur la croissance économique afin de réduire le fossé dramatique entre les populations rurales et urbaines. Ceci peut se faire dans le cadre de la stratégie de « croissance partagée » qui se fonde sur l’investissement ayant pour objectif d’intégrer les pauvres dans l’économie moderne, en leur permettant de contribuer, de participer et de tirer des bénéfices des richesses de la région. D’après l’ONG Transparency International, la corruption contribue au sous-développement et aux inégalités sociales, favorisant ainsi la paupérisation. Selon elle, cinquante des cinquante-quatre pays africains souffrent d’une « corruption endémique » ou de niveaux de corruption représentant « un défi sérieux ». Cette ONG identifie aussi l’aide sanitaire comme étant particulièrement propice à la corruption. À la Commission nationale d’éthique et de lutte contre la corruption, on se dit très préoccupé par la corruption qui a élu domicile dans l’espace politique, à la douane, dans la police, dans la justice, etc.

Corriger les erreurs

C’est dire que l’atteinte des ODD sur le continent africain n’est pas à l’ordre du jour… à moins que les efforts financiers consentis ne soient multipliés. La société civile a été associée à leur élaboration. Comment les financer ? Leur coût est estimé à au moins 3 500 milliards de dollars par an sur quinze ans, soit presque le PIB de la France (3 000 milliards de dollars). Une partie de l’argent viendra de l’aide publique au développement. Mais celle-ci sera largement insuffisante : peu de pays riches tiennent leurs promesses de lui consacrer 0,7 % de leur richesse nationale. La France est, par exemple, à 0,4 % et la Belgique à 0,45 %, selon les ONG. Les gouvernements devront donc accroître leurs ressources nationales en collectant mieux l’impôt et en réduisant la corruption, en particulier dans les pays producteurs de pétrole.

Les privés sollicités

Le secteur privé est également mis à contribution. Mais rien ne garantit que les investisseurs verront dans chaque Objectif une promesse de gain et qu’ils préféreront toujours le développement durable à la rentabilité à court terme. Pour les inciter à investir, la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement aideront à financer les infrastructures nécessaires.

Chaque pays participe au programme sur une base volontaire et choisit les moyens d’atteindre les objectifs.

Mais l’ONU va mettre au point quelque 300 indicateurs pour juger des progrès accomplis pays par pays. Personne ne croit vraiment que tous les Objectifs seront atteints dans les temps, mais on compte sur l’effet d’entraînement et sur la vigilance de la société civile pour rappeler aux gouvernements leurs engagements solennels.