Boom immobilier : mystère autour du financement privé

Si le gouvernement s’efforce de publier le coût de la construction des infrastructures publiques, ce n’est pas le cas pour des particuliers.

Les sources de financement de la plupart des chantiers à Kinshasa ne sont pas connues. (BEF)
Les sources de financement de la plupart des chantiers à Kinshasa ne sont pas connues. (BEF)

Force est de constater que ce foisonnement immobilier est plutôt régenté par des expatriés. Peu de nationaux figurent parmi ceux qui révolutionnent ce secteur, encore moins le gouvernement. Certains espaces, déclarés « verts » par les autorités urbaines, sont assiégés. Le financement de la plupart de ces chantiers a du mal à être connu. Si, au niveau du gouvernement, des chiffres sont avancés pour la construction ou la réhabilitation des infrastructures publiques, il n’en est, cependant, pas le cas pour des privés. Par exemple, tout le monde sait que le financement de la construction d’un immeuble de 11 niveaux devant abriter l’Hôtel du gouvernement, s’élève à 24 milliards de francs.

Les magnats immobiliers

Par ailleurs, l’Etat, lui, semble être dépossédé de ses moyens de contrôle et assiste passivement à l’éclosion d’une classe de magnats immobiliers, dont l’origine des capitaux n’est pas souvent clarifiée. Déjà, en 2010, Albert Yuma, président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), avait tiré la sonnette d’alarme. Il estimait que près de 16 milliards de dollars américains circulaient hors circuit bancaire. D’après le numéro un du patronat congolais, cette situation était « inadmissible », étant donné que ce montant représente quasiment le triple du budget de l’Etat, sur des ressources propres, précisait-il.

En d’autres termes, l’on supposerait que près de 16 milliards de dollars, non recouvrés par l’Etat, échappent aux circuits officiels. Devant un tel flux financier incontrôlé, d’aucuns pensent que cet argent servirait au financement des investissements réalisés, notamment dans le domaine immobilier. Aucune institution officielle n’arrive à identifier la traçabilité de ces fonds. Pourtant, les premières assisses nationales sur le coulage des recettes, organisées en 2013, avaient tenté de pénétrer le mystère de détournements, sans en déverrouiller le système. La Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), structure étatique mise sur pieds pour enquêter sur tous les criminels économiques, n’a pas encore dit un mot sur ce dossier. Alors que sa création entre dans le cadre de l’Action internationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Le petit peuple exclu…

Ce boom immobilier, qui fait jaser l’opinion, ne pourrait satisfaire le congolais que des yeux. Certains parmi eux ne croient même pas qu’ils pourront posséder des logements sociaux. « Cette éclosion du secteur immobilier me parait comme un lèche-vitrine. Le petit peuple ne fera qu’admirer la beauté, sans en posséder. Ce sont les mêmes politiciens et hommes d’affaires qui vont occuper ces bâtiments », estime un membre de la société civile. Après avoir relancé les travaux au site de construction  d’une cité moderne à Bandalungwa, arrêtés depuis un temps, l’actuel ministre de l’Urbanisme et Habitat, Fridolin Kasweshi, a indiqué que ce projet de construction visait à «offrir à l’ensemble de la population congolaise, un logement décent.»  Les congolais lambda ne font qu’attendre l’aboutissement des sites en construction pour évaluer la promesse du gouvernement. De son côté, la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (Licoco) avait invité, il y a deux ans, le gouvernement à s’expliquer sur l’évolution des projets de construction de ces logements sociaux. Elle tablait particulièrement sur un projet de construction de plus de quatre mille logements sociaux dans plusieurs villes du pays. Selon cette Ong, le gouvernement avait initié un autre projet de construction de mille maisons à Kinshasa, alors que le premier projet, datant de 2005, n’a jamais abouti, et « qu’aucune explication ne soit donnée à ce sujet ».

Selon son président, Ernest Mpararo, le nouveau projet consisterait à construire au moins mille maisons dans l’ancienne pépinière de Bandalungwa. Pour lui, il s’agit, « une fois de plus », d’un projet « budgétivore qui n’arrive toujours pas à terme ». La Licoco invite le gouvernement à rendre compte d’abord du premier projet dont un premier financement a été accordé pour la construction d’environ 504 maisons. Il s’agissait notamment de cinquante maisons à Lubumbashi, dans le Katanga, de douze à Mbuji-Mayi, au Kasaï Oriental, soixante-quinze à Kananga, dans le Kasaï Occidental et vingt-cinq à Kindu.