Pas moins de dix-huit pays ont vu leurs ressortissants interpellés et contrôlés au Congo. Beaucoup d’entre eux ont « volontairement » regagné leurs pays respectifs. Tel est le cas des originaires de la République démocratique du Congo, un pays qui doit désormais disposer d’une organisation appropriée pour recevoir la deuxième vague de refoulés, peut-être plus importante.
Trois mois après le déclenchement de l’opération « Mbata ya bakolo » (« la gifle des aînés ») dans la capitale de la République du Congo, la détermination des autorités de ce pays à contrôler davantage la circulation des personnes et des biens sur leur territoire cohabite avec un double sentiment d’amertume et de satisfaction auprès des populations. Des images des actes d’humiliation ou de violations flagrantes des droits humains sont restées ancrées dans les consciences et provoquent des réflexions plutôt acerbes par rapport au comportement des agents de l’ordre et d’autres « brigands » qui se sont mêlés au désordre. Dans des quartiers comme Makélékélé ou Mongali, tout en acceptant qu’il était nécessaire de réglementer les entrées et sorties du territoire national, des Brazzavillois refusent de cautionner les méthodes brutales utilisées par les policiers afin d’amener les irréguliers à regagner leurs pays. « Il y a eu beaucoup de bavures ou de dérapages. Certaines des personnes chassées de force vivaient avec nous depuis longtemps. Nous avons tissé des liens familiaux solides, mais, les autorités ont pris une décision et, dans le déroulement des faits, il y a eu des excès de zèle, des dérapages, peut-être des règlements de comptes », indique un agent de l’immigration. Pour sa part, un activiste de la société civile note que c’est « depuis la traque des « Kuluna », à Kinshasa, qu’un climat malsain a commencé à régner chez nous. Plusieurs de ces hors-la-loi s’étaient implantés dans notre pays, surtout dans la capitale. Ils ont commencé à mener des actions insupportables, même pendant la journée, surtout au niveau des quartiers du Nord de la ville, à Tala Ngaï, Poto-poto, Kombo…. Il fallait une riposte vigoureuse pour éradiquer ce mal ».
Une opération en synergie avec l’ambassade de la RDC
Il est déjà connu que cette opération va se poursuivre, en juillet, dans les villes de Pointe-Noire, Dolisie et Nkayi. Mais, cette fois-ci, les choses ont commencé par une campagne de sensibilisation. Il peut être dès lors accepté que les interventions soient conduites de manière plus respectueuse des droits humains. Face à une vive désapprobation des autorités de la RDC et des organismes des Nations unies, Brazzaville a été obligée de s’expliquer. C’est ainsi que le directeur général de la police, le général Jean-François Ndenguet, a dressé un bilan de cette opération « coup de poing ». Kinshasa était bel et bien dans la ligne de mire, quoique, a tenu à souligner cet officier supérieur, « l’opération n’avait pas été lancée contre une nationalité particulière, même si les ressortissants de la RDC ont constitué le groupe le plus nombreux des personnes interpellées. » Pour lui, le retour massif des refoulés constaté à Kinshasa, entre avril et juin, « relevait des procédures de retour volontaire organisé par l’ambassade de la RDC à Brazzaville. Elles ont concerné plus de 153 000 familles, rassemblant plus de 300 000 ressortissants rentrés volontairement. »
Les détails fournis, à ce sujet, démontrent, certes, l’ampleur de la situation à laquelle il fallait faire face, mais ne créent pas moins la confusion dans l’exécution de cette vaste opération policière. Quatre mille six cent soixante-dix personnes appartenant à dix-huit nationalités ont été concernées par cette volonté de mener une lutte contre le grand banditisme et l’immigration illégale. Trois mille neuf cent vingt-sept étaient des ressortissants de la RDC, parmi lesquels 1 961 ont regagné leur pays d’origine, « de commun accord avec l’ambassade » de ce pays. D’autres sujets identifiés dans ce groupe, notamment des enfants scolarisés, des enfants issus des mariages mixtes, des femmes enceintes et des malades n’auraient pas été refoulés. Par ailleurs, le bilan officiel a fait état de la destruction des « repères des brigands », dont 47 églises de fortune, 251 hangars et baraques, 62 fumoirs et 35 fabriques de boissons frelatées. Quatre cent quatre-vingt-seize personnes, de diverses nationalités, ont été sommées de s’expliquer pour plusieurs infractions, notamment la détention illégale d’armes de guerre ou d’armes blanches, le vagabondage, la vente et la consommation de chanvre indien, la prostitution, le proxénétisme…