Brexit: les grands gagnants d’une sortie sans accord

Alors qu’un report a été obtenu pour le 31 octobre, le feuilleton du divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pourrait bien connaître d’autres prolongations car des doutes persistent.

AU TERME de huit heures de discussions, les Européens ont fini par se mettre d’accord sur un report du Brexit au 31 octobre. Mais Martin Selmayr, le secrétaire général de la Commission européenne, a imaginé un nouveau hashtag ironique sur Twitter: 29MarchMeans12AprilMeans31Oct (le 29 mars, ça veut dire le 12 avril qui veut dire le 31 octobre). Allusion à ce calendrier mouvant, où pendant deux ans, la date du 29 mars était inscrite comme celle du départ, avant d’être repoussée au 12 avril; une nouvelle date qui, à son tour et à moins de quarante-huit heures de l’échéance, a été reportée au 31 octobre.

Tout est possible

Allusion aussi au « Brexit means Brexit » (« Brexit, ça veut dire Brexit »), la formule derrière laquelle Theresa May, la 1ERE Ministre britannique, s’est longtemps cachée quand on la pressait de définir les conditions dans lesquelles elle souhaitait que le Royaume-Uni sorte de l’Union européenne (UE). Rien à ce stade ne permet de dire que la date butoir du 31 octobre sera la bonne. 

Et, en fonction des développements qui vont se produire au Royaume-Uni, on ne peut balayer la perspective de nouveaux reports, reconnaissent diplomates et hauts fonctionnaires européens. « Si la Grande-Bretagne décide d’organiser un second référendum sur le Brexit, nous le prolongerons encore, même en juin », confie un haut responsable de l’UE qui était présent mercredi 10 avril soir dans la salle du conseil européen. Un autre, en écho, abonde: « La situation juridique, c’est que tout est possible. Une semaine, c’est long en politique et nous leur avons donné désormais 29 semaines. C’est très, très long et beaucoup de choses pourraient se passer. »

En toile de fond, peu d’Européens sont prêts à accepter un « No Deal », cette sortie sans accord qui inquiète les agents économiques. « Une issue terrible », a confié à Washington Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). Angela Merkel l’a suffisamment répété. Elle veut un départ ordonné et elle est prête à mobiliser toute ses capacités de patience pour y parvenir.

Donald Tusk, le président du Conseil européen, ne cache pas de son côté que la meilleure manière de procéder serait d’annuler purement et simplement le Brexit. Et certains estiment que sa stratégie consiste à faire traîner la procédure de divorce dans l’espoir que les Britanniques finiront par changer d’avis. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne a appelé l’UE à aller de l’avant sans se laisser entraver par le Brexit, affirmant qu’il n’envisageait pas de report du départ britannique au-delà de la nouvelle date butoir du 31 octobre.

Et après ?

« Le Brexit, ce n’est pas l’avenir de l’UE », a dit le chef de l’exécutif européen devant les eurodéputés réunis en plénière à Strasbourg pour la dernière fois avant les élections européennes fin mai. Juncker a évoqué les défis de l’Union dans les prochains mois, citant la conclusion d’accords commerciaux, la désignation des nouveaux dirigeants de ses institutions ou encore la discussion épineuse sur son budget pour la période 2021-2027.

« C’est plus important que les péripéties qui gravitent autour du Brexit. L’Europe continue », a-t-il lancé. Les dirigeants européens ont accepté un nouveau report du départ britannique pouvant aller jusqu’au 31 octobre, alors qu’il était initialement prévu le 29 mars puis le 12 avril. S’il n’y a pas de ratification d’ici là du traité de retrait conclu entre l’UE et Londres, mais rejeté trois fois par les députés britanniques, « il y aura un Brexit dur », sans accord, a insisté Juncker. « Le Royaume-Uni peut aussi décider de retirer sa demande de sortie, mais ce n’est pas ma piste de travail. Je n’envisage pas non plus que nous puissions aller au-delà de la date du 31 octobre », a-t-il ajouté.

Donald Tusk, le président du Conseil européen, a lui aussi estimé que le report accordé à Londres permettrait à l’Union de se concentrer « sur d’autres priorités », « comme le commerce avec les États-Unis ou la nouvelle direction de l’UE ». Mais il n’a pas voulu exclure le scénario d’une remise en cause du Brexit.