Ce que les Kinois doivent à l’administration urbaine

Ce sont au total 20 arrêtés provinciaux et 19 annexes qui constituent la fiscalité et la parafiscalité dans la capitale. Certains arrêtés sont jugés « absurdes » et « inapplicables » en l’état.

Publiés au Journal Officiel dans le numéro spécial du 17 février 2014, les arrêtés provinciaux qui constituent la nomenclature des impôts, taxes, redevances et amendes, ont été signés par le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango. Cependant, ils sont entrés en application seulement depuis peu, en mode urgence. Ce qui n’a pas manqué d’enfler la polémique sur la fiscalité et la parafiscalité en République démocratique du Congo. Pour rappel, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a dernièrement attirer l’attention en déclarant que « tant que le système fiscal sera écrasant, discriminatoire et truffé d’une parafiscalité lourde, le climat des affaires ne sera pas propice à l’investissement productif ni au civisme fiscal. » C’est tout et bien dit.

Dans la capitale, les opérateurs économiques continuent de dire leur ras-le-bol et ne comprennent pas que l’Hôtel de ville de Kinshasa puisse ramer à contre courant, au vu du contexte déjà morose. Ici et là, on dénonce haut et fort les « effets dévastateurs » de certains de ces arrêtés, surtout ceux relatifs aux affaires foncières (Arrêté SC/075/BGV/MIN/A.F.U.H./FINECO& IPMEA/PLS/2013).

En toile de fond, la problématique de la mobilisation des recettes fiscales et non fiscales fait débat. D’un côté, l’État déplore l’incivisme fiscal, et, de l’autre côté, il est entré dans l’imaginaire collectif que les ressources collectées ne vont pas au Trésor public et servent des intérêts particuliers. Et la décentralisation s’est invitée à ce débat. En effet, la RDC s’est engagée dans un processus de réforme administrative, ou de découpage territorial, voulue par la Constitution du 18 février 2006, avec comme échéance l’année 2009. Échéance à laquelle le pays devait compter vingt-six provinces contre onze précédemment. Il s’agissait, en fait, de faire un retour en arrière car elles étaient supprimées sous la Deuxième République, qui les avait qualifiées de « provincettes ».

Mais cela n’a pas pu se faire dans ce timing compte tenu de certains aléas. Le découpage territorial est devenu effectif en 2015, prenant une tournure que d’aucuns ont jugé « précipitée ». D’autant plus que le coût financier de la réforme n’avait pas été chiffré. Encore que la réforme continuait de susciter plusieurs questions en ce qui concerne sa mise en œuvre, notamment au regard de la façon et du rythme dont elle devait être conduite. Pour les dirigeants du pays, la réforme administrative engagée est une opportunité pour la RDC au regard de l’immensité de son territoire (2 345 000 km²) et va accélérer le développement durable du pays. L’exploitation de nombreuses ressources naturelles des vingt-six provinces va devenir l’enjeu majeur pour permettre au pays d’occuper une place de plus en plus importante dans le processus de globalisation.

La rétrocession de tous les dangers

Voilà pourquoi, il est du devoir de l’exécutif central de respecter fermement les règles qui régissent la décentralisation, et soutenir le fonctionnement des nouvelles provinces. Mais le gouvernement ne s’efforce pas de répondre aux demandes légitimes de rétrocession d’une partie des recettes nationales aux provinces. La plupart des nouvelles provinces manquent de tout : infrastructures de base, structures économiques viables,  voies de communications (routes, chemins de fer, aéroports, ports…)…

Les experts pensent qu’il faut trouver des mécanismes pour relever tous ces défis et trouver des réponses adéquates aux problèmes qui vont se poser, étant donné que le découpage ainsi décidé est une exigence de bonne gouvernance. Il faut aussi faire en sorte que la réforme administrative se déroule de manière rationnelle avec la mise en place, outre de la loi sur la décentralisation, elle-même, de l’ensemble de l’arsenal juridique et économique qui va avec, ainsi que de tous les mécanismes de transfert de compétences du pouvoir central au pouvoir provincial, du pouvoir provincial aux entités territoriales décentralisées. Il s’agit des huit lois prioritaires ci-après : loi organique sur les limites de provinces et celles de la ville de Kinshasa ; loi de programmation de la décentralisation déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces ; loi organique fixant l’organisation et le fonctionnement de la Caisse nationale de péréquation ; loi fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées ; loi relative au statut des chefs coutumiers ; loi-cadre de l’enseignement primaire et secondaire ; loi-cadre sur l’aménagement du territoire ; loi fixant l’organisation et le fonctionnement des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées. Il s’agit également de mettre sur pied un programme de renforcement du système de reddition de comptes par les exécutifs provinciaux de manière à s’assurer de la meilleure affectation des ressources perçues.

C’est ainsi que chaque province a sa régie financière. La loi a prévu les impôts, les taxes et les redevances qui sont aujourd’hui de la compétence des provinces et des entités décentralisées. Elles ne peuvent opérer que sur la base du numéro unique de l’impôt que la Direction générale des impôts (DGI) leur a été octroyé. Le directeur du fisc, José Sele Yalaguli, estime, pour sa part, que la problématique de la multiplicité des impôts et des taxes qui empoisonne le climat des affaires doit être abordée de manière holistique, c’est-à-dire au niveau de la DGI mais aussi au niveau des directions des recettes provinciales.

Depuis plus de cinq décennies, le décollage de l’économie congolaise est entravé par la conjonction de plusieurs facteurs dont les principaux sont la gouvernance politique et économique pas suffisamment maitrisée, reflétée par une faible efficacité de l’État ; la mauvaise insertion de l’économie congolaise dans le commerce international, caractérisée par la non diversification des exportations et la forte dépendance de l’industrie locale des intrants importés ; les difficultés de développement du secteur privé, particulièrement les PME/PMI, principaux vecteurs de croissance et de création d’emplois dans les économies modernes ; la faible capacité de mobilisation des recettes publiques qui empêche l’État de fournir des biens publics en qualité et quantité suffisante ; le flux encore insuffisant des investissements directs étrangers, lié aux incertitudes et à la frilosité des investisseurs qui estiment que le climat des affaires reste, en dépit des efforts réalisés, peu attrayant…

La position de la FEC

À chaque fois que l’occasion lui est donnée, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) ne manque pas de relever les contraintes récurrentes d’un environnement des affaires et des investissements peu attractif auquel s’est ajouté de manière circonstancielle, l’inévitable attentisme lié à l’organisation des élections. À ce jour, les principales activités industrielles du pays sont limitées à un nombre réduit de filières de biens de consommation, notamment la production du sucre, des boissons, de la transformation des matières plastiques, des produits cosmétiques, de la panification… Les filières des biens d’équipements sont sous-exploitées, elles tournent principalement autour de la production du ciment et de la construction métallique.

Mais cette industrie fait face à des contraintes qui l’empêchent d’amorcer son redécollage : la lourde fiscalité et la parafiscalité qu’elle supporte, atteignant 51 % du chiffre d’affaires, soit le double de ce qui est payé dans les pays voisins. Ainsi, l’augmentation du taux de droit d’accises sur plusieurs produits, justifiée par la seule maximisation des recettes. Conséquence : une activité génératrice de recettes fiscales, comme les industries brassicoles, a connue une baisse de plus de 20 %. La plupart d’entre elles se sont vues obligées de procéder à des changements structurels, d’autres ont procédé à la fermeture des usines de production avec notamment la fermeture des usines de Bralima à Mbandaka et à Boma en 2015 et 2016.

La FEC en appelle à l’émergence d’un État fort doté d’une administration compétente, sur lequel le secteur privé devrait s’appuyer dans le cadre d’un partenariat durable, sincère et constructif. Le climat des affaires ne peut s’améliorer que lorsqu’un débat fécond est entretenu durablement entre l’État et les acteurs privés, ce qui constitue la première condition et quand ce débat fécond est suivi d’effets concrets, ce qui en est la seconde. Les relations commerciales qui se font dans le cadre du commerce frontalier ou dans le cadre des zones de libre-échange pour l’instant ne sont pas accompagnées de mesures efficaces de sauvegarde de l’activité économique intérieure. Ci-après, la nomenclature des impôts, taxes, redevances et amendes appliqués par la Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) :