Chaîne et mécanismes de transmission des impacts du Covid-19

Compte tenu des structures et de la dynamique de son économie et de ses partenaires extérieurs dont la Chine au premier rang, la RDC devra connaître un repli considérable de sa croissance et une détérioration de son cadre macroéconomique.

LES EFFETS de la pandémie de coronavirus sur la marche de l’économie mondiale se répercutent sur l’économie nationale. En paralysant l’économie mondiale, particulièrement l’économie chinoise qui représente 16 % du Produit intérieur brut (PIB) mondial et 40 % des exportations de la République démocratique du Congo, le Covid-19 perturbera l’économie nationale en 2020- 2021. 

Selon l’étude sous analyse, l’impact de la pandémie partirait, entre autres, d’une détérioration de la position extérieure du pays, laquelle touchera le secteur minier, principal levier de la croissance. « Avec un ralentissement de l’activité minière, on devrait aussi s’attendre à un creusement du déficit public, ce qui conduira inévitablement à une détérioration du cadre macroéconomique mais dont l’ampleur pourrait être contenue si des appuis budgétaires sont obtenus et bien utilisé », soulignent les auteurs de l’étude.

Les conséquences

Les conséquences économiques et financières de la pandémie du Covid-19 en RDC sont de plusieurs ordres. On peut s’attendre à un ralentissement de la croissance économique si pas une baisse significative de l’activité économique, un resserrement sensible de l’espace budgétaire de l’État, une dégradation importante des comptes extérieurs (compte courant et compte capital consolidé), une baisse des financements extérieurs (IDE, aide publique au développement, etc.), une perturbation des échanges commerciaux, une fragilisation de la stabilité externe et financière et un risque de montée des tensions inflationnistes. 

Les canaux de transmission de la crise actuelle sur l’économie congolaise, c’est-à-dire au premier quadrimestre de l’année 2020, sont les suivants : la chute des termes de l’échange due principalement au recul des cours du cuivre (4,87 % à fin mars), du cobalt (2,19 % à fin mars), du pétrole (39,1 dollars le baril à fin mars, contre 61,4 dollars à fin 2019) et d’autres produits de base ; les contraintes d’offre liées aux perturbations causées par la peur d’être infecté et la mortalité ainsi que par le confinement et la limitation des mouvements de personnes et de biens, qui pèsent sur les coûts de transactions et perturbent le commerce, le tourisme et le transport.

Mais aussi les contraintes de demande, qui résultent de la montée de l’incertitude, de la poussée de la méfiance, des efforts de confinement et du renchérissement des conditions financières qui dans l’ensemble pèsent sur les revenus et le pouvoir d’achat des ménages ; l’instabilité des flux et des marchés financiers traduite par les fuites des capitaux, la baisse des financements extérieurs, la diminution des IDE et le durcissement des conditions intérieures qui ont pour effet de limiter le financement du secteur privé. 

« Tous ces changements négatifs provoqués par la pandémie de Covid-19 portent inéluctablement atteinte aux conditions de vie de la population, notamment à travers une détérioration de la situation sanitaire avec l’accroissement du nombre de cas de contamination, une destruction des emplois ou un resserrement des opportunités de travail, une diminution du revenu réel ou du pouvoir d’achat, une baisse du volume et de la qualité des prestations sociales de la part de l’État, et une baisse des transferts en provenance de l’étranger qui constituent un important complément aux revenus des ménages congolais ». 

Le rôle du secteur minier

Il est attendu un ralentissement si pas un repli de la croissance en raison de la perte de vitesse du secteur minier, principal pilier de l’économie congolaise, et des autres secteurs d’activité (commerce, hôtellerie, banque, transports, …) à cause d’un accroissement des coûts de transaction et du resserrement des débouchés mondiaux. En effet, le rôle joué par l’exploitation des ressources minières en RDC est de plusieurs ordres. Elle contribue non seulement à la création directe de richesses et d’emplois en tant que secteur productif mais elle sert aussi de support à d’autres segments de l’économie de par sa consommation de services divers (télécoms, transport, banques, etc.). 

Aussi, elle concourt à l’entrée des devises et par conséquent, son dynamisme contribue à l’équilibre du marché de change et à la stabilité des prix intérieurs. Par ailleurs, la survenance du Covid-19 amène ou a amené les décideurs politiques et les gouvernements des pays à prendre des mesures pour, d’une part, limiter sa propagation (confinement, isolement, suppression des vols, fermeture des frontières et des écoles, etc.) et, d’autre part, pour en atténuer les effets sur le fonctionnement de l’économie (allègement fiscal, appuis spécifiques au secteur privé, etc.) et sur le niveau de vie de la population (gratuité de certains services publics, allocations diverses, etc.).  « Ces mesures ne vont pas sans conséquences sur la situation d’ensemble de la société. Il serait dès lors important de les intégrer dans le corps de l’analyse pour avoir une idée exacte de tous les facteurs qui entrent en jeu pour appréhender les impacts de la pandémie sur le pays au plan économique et social ». Le secteur minier concourt à la stabilité macroéconomique en RDC. Premier pourvoyeur de devises dans le pays, il a représenté entre 85 % et 95 % des recettes d’exportation du pays au cours de ces quatre dernières années. Plus ou moins 40 % des réserves de change de la BCC proviennent de ce secteur.

Par ailleurs, il a représenté, toujours au cours des quatre dernières années, plus ou moins 37 % de l’espace budgétaire de l’État dont 50 % des impôts sur chiffre d’affaires et 30 % des recettes de douanes et accises. Les entreprises minières contribuent également aux performances du secteur financier en ce qu’elles sont comptées parmi les clients les plus importants en termes de dépôts et de volume de transactions effectuées régulièrement. Au cours des quatre dernières, elles représentaient plus du quart du total des dépôts collectés par les banques commerciales.En définitive, les effets du choc lié au Covid-19 assombrissent les perspectives de croissance et de développement. Avant la pandémie, le rythme de croissance s’était déjà affaibli en 2019, se situant à 4,4 %, contre 5,8 % en 2018 et contre une moyenne de 6,4 % entre 2010 et 2017. L’inflation, quoiqu’en baisse en 2019, est très volatile dans le temps. Le taux de change s’est déprécié de 2,3 % en 2019 et de 1,9 % au 1er trimestre 2020. Au 24 mars 2020, les opérations financières de l’État renseignent un déficit de 363,0 milliards de CDF alors qu’elles s’étaient clôturées par un déficit de plus de 500,0 milliards en 2019. 

S’agissant des réserves internationales, malgré l’appui de 368,4 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI), elles demeurent faibles et sont en fonte continue, se chiffrant à 695 millions en mars 2020, venant de 1035,5 millions à fin 2019 (4,15 semaines d’importations). La crise devrait, au regard de la structure du PIB et de la dynamique de l’économie en RDC, entraîner un repli significatif de la croissance en 2020, voire une récession. La production devrait reculer dans de nombreux secteurs, soit du fait des impacts indirects à travers notamment la baisse de la demande mondiale pour ce qui est du secteur minier et des hydrocarbures, soit du fait des impacts directs liés aux mesures nationales de riposte.