« La multiplicité des interlocuteurs ne favorise pas la cohérence de la politique fiscale, entraîne un accroissement des coûts de gestion de l’impôt et induit naturellement un sentiment de tracasserie des opérateurs économiques. » Ces propos ont été tenus par Gérard Pointe, conseiller au ministère des Finances lors d’un forum organisé à la mi-juin par l’institut euro-africain de droit économique (INEADEC). Cette déclaration résume, à elle seule, toutes les difficultés d’un système fiscal à la recherche de ses marques pour avoir un impact positif sur le développement du pays. Au niveau national, trois services s’occupent de la mobilisation des recettes: la Direction générale des impôts (DGI) ; la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et la Direction générale des recettes administratives, domaniales et de participation (DGRAD). Sans compter des services provinciaux qui recouvrent des revenus locatifs.
Trop, alors beaucoup trop de services, comparativement aux normes internationales où la tendance est plutôt à leur regroupement. Ce qui se traduit par deux modes d’organisation. Le premier assure la gestion de la fiscalité de porte (douanes et accises), tandis que l’autre s’occupe de la fiscalité interne (impôts et taxes). Avec les actuelles DGDA et DGI, la République démocratique Congo était dans cette logique jusqu’en 1995, avant la création de la DGRAD.
Interférences
Conçu pour couvrir des recettes non-fiscales, la DGRAD empiète souvent sur certaines compétences de la DGI. « Certaines recettes de la DGRAD ont le caractère d’impôt dont la compétence devrait relever de la DGI », constate Gérard Pointe. « Il en est, ainsi, en ce qui concerne le secteur minier, de la redevance minière et des droits superficiaires, pour le secteur des hydrocarbures, de la marge distribuable et des royalties et, pour le secteur des télécommunications, de la taxe de numérotation et des redevances annuelles sur les concessions en matière de téléphonie. Il en est de même de la plupart des recettes domaniales et judiciaires qui résultent de l’établissement d’un acte ou d’un agrément. »
De l’autre côté, la frontière entre les compétences entre pouvoir central et provincial n’est souvent pas très clairement définie. Certains impôts font double emploi. C’est le cas des droits de consommation avec la TVA. Par exemple, le secteur brassicole est soumis à la TVA, aux droits d’accises sur la production et aux droits de consommation de la province. Multitude de services, de taxes et impôts, et coût exorbitant pour le contribuable. Les hommes d’affaires ayant horreur des tracasseries, cet environnement économique est loin d’inciter à l’investissement privé intérieur et extérieur. Le directeur général de la DGI, Dieudonné Lokadi, a déploré une situation qui ne contribue pas à l’amélioration de la qualité du service de l’usager. En 2013, le taux d’investissements privé s’est situé à 17,8 %, selon le gouvernement. Un chiffre très faible, par rapport à la moyenne de 24,5 % exigée par le Fonds monétaire international.
Réformes
Les participants à l’Atelier international de Kinshasa sont d’avis que l’amélioration du climat des investissements est impérative et passera par « une grande transparence réglementaire, le traitement équitable et non discriminatoire des investisseurs, un équilibre entre droit et responsabilité. » Ce qui appelle à des réformes. Il est possible de mobiliser plus de recettes, sans alourdir le taux d’imposition, estime-t-on au ministère des Finances. Le Plan stratégique des réformes des finances publiques (PSRFP), piloté par ce ministère des Finances, prend en compte toutes ces considérations. Annonçant un audit général dans le secteur des investissements, Célestin Vunabandi, ministre du Plan et du suivi de la mise en œuvre de la révolution de la modernité, est conscient des efforts qu’il faut fournir pour la promotion des investissements dans le pays. Pour celui qui assure la présidence du Comité de pilotage pour l’amélioration du climat des affaires et des investissements (CPCAI), les réformes attendues visent notamment la réduction de 40 à 35 % de l’impôt sur le bénéfice et le profit, la rationalisation des contrôles fiscaux et parafiscaux, la simplification des formalités de création d’entreprise, l’allègement du taux d’impôt et des taxes, l’élimination des tracasseries administratives.
Le gouvernement a tout intérêt à s’y atteler, d’autant plus que cet état des choses ne profite nullement à l’Etat. D’après les chiffres de la Banque centrale du Congo, les recettes fiscales n’ont représenté, en 2012 que 14,7 % de contribution au PIB. La même tendance s’est observée en 2013. Une réelle contreperformance face à un potentiel fiscal estimé à 29 %. Parmi les voies de salut pour la fiscalité congolaise, les participants à l’atelier proposent « un système unique d’imposition des personnes physiques et des sociétés pour une assiette large, des taux modérés et l’administration transparente et équitable. » Gouvernement, acteurs économiques, société civile et partenaires au développement sont tous d’accord.