Des experts se sont réunis à Johannesburg pour réfléchir sur les liens entre les flux financiers illicites et leur impact sur les droits humains. Car le continent perd par an l’équivalent de 5,5% de son produit intérieur brut (PIB) à cause de ces flux.
Le lien entre la finance internationale et les droits humains était au centre des discussions entre les spécialistes internationaux des droits humains et ceux des flux financiers illicites, à l’université de Johannesburg, en Afrique du Sud, du 18 au 20 mai. Il y a été démontré que l’Afrique subsaharienne paie un lourd tribut à cause de la fuite de l’équivalent de 5,5 % de son PIB liée aux flux financiers illicites. Parmi les organisateurs de cette conférence, figuraient Global Financial Integrity (GFI), l’Institut des droits de l’homme de l’Association internationale du barreau (IBAHRI) et la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung. Le thème retenu était «Transparence financière et droits de l’Homme en Afrique : Favoriser de meilleures possibilités économiques nationales et régionales en Afrique à travers les droits de l’Homme et la transparence financière». Plusieurs responsables des institutions multilatérales et animateurs des organisations de la société civile y ont pris part.
Les participants ont cherché, notamment à dégager des voies juridiques qui mèneraient à tirer les conséquences des liens entre les flux financiers illicites et leur impact sur les droits humains. Ils espèrent qu’il y aura un changement en Afrique et dans le reste du monde.
« Les recherches de GFI estiment que les fuites de capitaux représentent l’équivalent saisissant de 5.5 pourcent du PIB en Afrique sub-saharienne – plus que dans n’importe quelle autre région du monde. En plus de priver l’Afrique d’énormes capitaux, ces sorties illicites minent la responsabilité et la stabilité du gouvernement, étouffent la mobilisation des ressources intérieures, et entretiennent les inégalités économiques. Elles représentent un défi majeur pour le respect des droits économiques et des droits de l’homme. », indique Raymond Baker, président de GFI et spécialiste du crime financier.
Global Financial Integrity (GFI) est une organisation de recherche et de conseil basée à Washington qui œuvre à la promotion de la transparence dans le système financier international comme moyen de favoriser le développement mondial. La conférence de Johannesburg s’appuie sur la Déclaration de New Haven sur les droits humains et l’intégrité financière.
La Déclaration de New Haven est un document élaboré par des défenseurs des droits de l’homme et des experts des crimes financiers internationaux, à l’issue d’une conférence organisée en 2009 par Global Financial Integrity et le professeur Thomas Pogge, à l’université de Yale, aux États Unis. Cette déclaration avait été signée par nombreuses organisations des droits de l’homme, celles travaillant dans la transparence financière et le développement mondial. La Déclaration de New Haven stipule que : « Les droits de l’homme et l’intégrité financière internationale sont intimement liés. Lorsque la pauvreté est omniprésente, la jouissance des droits civils, politiques et économiques est souvent compromise. Aujourd’hui, un exode massif d’argent illicite -beaucoup plus conséquent que l’ensemble de l’aide publique au développement – aggrave considérablement la pauvreté et l’oppression dans de nombreux pays en voie de développement. ». En juillet 2008, GFI et IRDH dont Hubert Tshiswaka est responsable, avaient organisé à Kinshasa, la conférence sur « les institutions financières internationales et la pratique de la corruption en République démocratique du Congo».
L’Afrique comme siège des capitaux illicites
Si l’Afrique subsaharienne perd l’équivalent de 5,5 % de son PIB, l’estimation de ce que perd l’Afrique par le fait des flux financiers illicites est de 50 milliards de dollars par an. C’est un rapport rendu en février 2015 à Addis-Abeba, en Ethiopie, par un groupe de haut niveau dirigé par Thabo Mbeki qui l’affirme. La structure a été créé en 2011 après la quatrième réunion conjointe de la Conférence des ministres de l’Économie et des Finances de l’Union africaine et de la Conférence des ministres africains des Finances, de la Planification et du Développement économique de la CEA.
Les capitaux acquis, transférés ou utilisés illégalement, provenant de l’Afrique, selon le rapport présenté par l’ancien président de l’Afrique du Sud, représenteraient une somme qui dépasse le montant de l’aide au développement. Au fur et en mesure que les années passent, ces flux financiers illicites augmentent.
On croit savoir qu’au cours des cinquante dernières années, l’Afrique a perdu plus de 1 000 milliards de dollars. D’après le rapport du groupe de haut niveau, les estimations faites sont peut-être inférieures à la réalité vu que des données précises n’existent pas pour l’ensemble des pays d’Afrique. À cause de leur nature secrète, certains types de flux financiers sont difficiles à évaluer. C’est le cas des montants qui proviennent de la corruption et du trafic de drogues, de la traite des personnes et du trafic des armes à feu.
De la volonté politique pour y remédier
Pour les experts, au-delà des capacités techniques, il faut de la volonté politique du côté des gouvernements pour en finir avec les flux financiers illicites. Cela parce que ceux qui agissent dans les crimes organisés, y compris ceux qui font le trafic de drogue au niveau mondial, ont beaucoup d’argent pour corrompre nombreux dirigeants. Ces cartels sont capables de corrompre les membres des gouvernements, voire mettre sous leur emprise les États fragiles.
« Notre groupe est convaincu que l’un des moyens importants de trouver les ressources qui permettront de financer le programme de développement pour l’après-2015 consiste à retenir en Afrique les capitaux qui sont produits sur le continent et qui doivent donc légitimement rester en Afrique. Cela ne signifie pas évidemment une adhésion à l’argument, erroné et égoïste, avancé contre les transferts de capitaux des pays riches vers les régions pauvres du monde et notamment l’Afrique », soutient Thabo Mbeki.