Des voix se sont élevées, le 9 juin dernier, lors de l’adoption de la loi de finances pour l’exercice 2017 à la Chambre basse du Parlement. C’était pour fustiger le fait que la commission Ecofin et de contrôle budgétaire n’ait pas exigé des sanctions contre le directeur-général du Fonds forestier national (FFN). Et la commission pour se justifier a versé dans la désinvolture, en accordant le bénéfice du doute au DG du FFN, a laissé comprendre son président. « Il se pourrait qu’il n’a pas reçu l’invitation de la commission ECOFIN. », a déclaré laconique le président de l’ECOFIN, déclenchant ainsi l’hilarité dans l’hémicycle.
Colère à la DGRAD
Le FFN est, en effet, le dernier-né de 9 fonds spéciaux qui émargent au budget de l’État. Sa création sur décision de l’ancien 1ER Ministre, Matata Ponyo, avait soulevé un tollé à la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD). L’ex-DG de la DGRAD, Joséphine Swahele, avait exprimé sa désapprobation lors d’une réunion entre le 1ER Ministre et les patrons des régies financières. Elle en aurait payé de son poste. Le FFN a, en effet, enlevé à la DGRAD des actes générateurs des recettes de plus juteux, dont les taxes de reboisement et de déboisement. Et pour ce qui est de la taxe d’abattage, 50 % reviennent au FFN et 50 % au Trésor public. Mais la taxe à l’exportation revient à 100 % au Trésor public.
Comme tout fond spécial, les montants des dépenses du Fonds forestier national correspondent aux montants de ses recettes. En 2015, le FFN avait des prévisions de 12.5 milliards de FC, en 2016, 14.1 milliards de FC, 3.5 milliards dans la loi portant crédits provisoires – janvier à mars 2017 – et plus de 15 milliards de FC dans le budget général 2017. Curieusement, le Fonds forestier national publie des recettes largement en-deçà de ses assignations : 3,1 milliards de FC en 2015, 1.6 milliard pour des prévisions de 14.1 milliards d’assignation en 2016. Il va sans dire que le FFN n’a guère d’impact réel pour les populations affectées par des activités forestières.
Entre-temps, la mobilisation des recettes du secteur forestier est en régression continue: de moins 6,8 millions de dollars en 2012, on est passé à moins de 1,5 million de dollars de recettes en 2016 alors que les prévisions étaient chiffrées à près de 5 millions de dollars. Et les mêmes prévisions pour 2017 sont à 229 188 410 280 FC. Des députés ont notamment déploré que les recettes du bois soient en inadéquation avec le boom du secteur forestier. Une enquête du ministère de l’Environnement (2010-2012) parle d’un manque à gagner de plus de 5 millions de m3 pour l’exploitation artisanale et de 300 000 m3 seulement dans le secteur industriel. Par ailleurs, diverses taxes ne sont pas activées pour l’exercice 2017, sans motivation. Telles que la taxe d’abattage, la taxe de déboisement, la taxe sur les permis de coupe de bois, les amendes transactionnelles en matière de législation forestière, la taxe sur le permis de chasse… alors que les activités sur lesquelles elles portent sont en croissance.
Si la stratégie du gouvernement pour maximiser les recettes dans le secteur de l’environnement et de la forêt repose sur le recouvrement de la taxe rémunératoire annuelle d’implantation et de pollution auprès des pétroliers et des miniers, force est de constater cependant que dans le projet du budget 2017, il y a réduction des prévisions de la taxe rémunératoire annuelle sur les établissements dangereux, insalubres et incommodes, soit 28,1 milliards de FC en 2015 contre 17,4 milliards en 2017. Et l’Assemblée nationale a résolu de les laisser telles quelles.
Laboratoire GPRS
Le gouvernement compte également, pour l’exercice 2017, se doter d’un laboratoire-GPRS géographique pour un montant de 445 944 992 FC. En 2016 déjà, quelque 726 746 600 FC ont été prévus pour l’acquisition du labo-GPRS qui n’est jamais venu. La confusion a atteint des proportions inquiétantes dans le secteur de l’environnement congolais.
La RDC a décidé à brûle-pourpoint de lever le fameux moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions forestières et la conversion des titres en permis d’exploitation, après quinze ans d’application aléatoire. Il est vrai que le pays n’a guère perçu les centaines de millions de dollars à lui promis, en guise de compensations du gel de l’exploitation à grande échelle de ses forêts. Intervenant lors de l’atelier de la société civile sur l’analyse du budget 2017, un expert a proposé que soient évalués tous les appuis financiers extérieurs accordés à la RDC dans le cadre du REED+, du Fonds bleu, du Fonds carbone, de la COP 21 et 22 et leur impact socioéconomique en RDC. L’expert a fait comprendre que la RDC a, par ailleurs, laissé la mise en exécution de ses engagements internationaux sur le climat et la conservation de la nature à l’initiative des partenaires extérieurs. L’Allemagne, la Suède, l’Union européenne, etc., se sont engagées à financer le secteur environnemental de la RDC en 2017. La sommation de toutes les promesses financières donne plus de 216 milliards de FC. Et la Banque africaine de développement (BAD) organise un programme d’investissement forestier pour la RDC avec un fonds initial équivalent à 1 milliard de FC.
Assainissement urbain
Le gouvernement dit vouloir renforcer l’assainissement des villes et des grands centres urbains. Mais les crédits sur la protection de l’environnement ne sont que de 128 893 161 390 FC pour 2017. Il sied de rappeler que l’Union européenne a décaissé au bas mot 1 million d’euros le mois pour l’évacuation des déchets ménagers dans 6 communes de la capitale, dans le cadre du projet PARAU qu’elle a légué aux autorités congolaises. Autre zone d’ombre, la sous-rubrique « autres affaires » dont le contenu n’apparaît nulle part et gérée par le ministère de l’Environnement. Elle dispose des crédits de 58.9 milliards de FC. Pour la Banque mondiale, par contre, les pertes dues à la fraude pour les pays forestiers s’élèveraient chaque année à quelque 15 milliards de dollars. Pour remédier à cette situation, l’Union européenne apporte une aide logistique à la RDC pour qu’elle puisse mieux contrôler son industrie forestière.
En termes logistiques, par exemple, l’UE a doté, il y a un peu plus de deux ans, la Direction du contrôle et de la vérification interne du ministère de l’Environnement de panneaux solaires, dix-huit motos, deux canots rapides ; de caméras, d’appareils photographiques… qui n’ont servi qu’à constater les dégâts, a contrario à accompagner les pratiques illicites. Les droits de sortie du bois en grume n’ont, à titre d’exemple, rapporté que 382 millions de FC au dernier trimestre 2016, pourtant l’exportation du bois rouge au Katanga a explosé depuis l’an dernier. Des centaines de camions remplis de bois rouges ont été saisis à la frontière pour exportation frauduleuse. Cette année encore, fin mars, quelque 499 camions chargés de bois rouges, appartenant aux opérateurs forestiers congolais, ont été saisis en Zambie. Les Zambiens ont dénoncé cette situation, le 5 avril, lors de leur rencontre avec le gouverneur du Haut-Katanga. Mais aucun rond n’a jamais été versé à titre d’amendes et de pénalités à l’export dans le secteur forestier.
Corruption
Pour trouver une réponse adéquate à cette épineuse question de traçabilité, les ministères de l’Environnement et de l’Économie ont pris la résolution d’adopter des stratégies pouvant aider à combattre, de manière drastique, l’exploitation illégale et le commerce illicite des bois dans les forêts congolaises. Une commission interministérielle, comprenant des experts des deux ministères, élargie à l’Office congolais de contrôle (OCC), a alors été mise sur pied, dans le but d’approfondir l’étude de cette problématique.
Les réflexions et les recommandations de cette commission auraient dû permettre à l’État de juguler le coulage des recettes dans le secteur forestier. Hélas, les décideurs se sont retrouvés cités dans des affaires de plus ténébreuses dans l’exportation du bois. L’affaire Homimex contre Tala-Tina, deux entreprises qui se disputaient la propriété d’un gros lot de grumes, a étalé au grand jour la concussion qui gangrène l’administration au plus haut sommet.