À l’aéroport international de N’Djili, deux Airbus A320 et deux Bombardier Q400 sont estampillés d’un léopard volant et portent le drapeau de la RDC à l’arrière de leurs fuselages. C’est le signe distinctif de Congo Airways (CGA), la compagnie aérienne opérationnelle depuis octobre 2015. « La flotte va s’étoffer avec l’acquisition d’un Airbus A319 en mode leasing pour de vols », assure Désiré Balazire Bantu, le directeur général de la compagnie.
Avec des vols quotidiens à l’intérieur du pays, la compagnie tente de faire le lien entre le pays et l’extérieur. Congo Airways ouvrira des liaisons internationales notamment vers l’Afrique du Sud, vers l’Asie (Dubaï et la Chine, deux pôles économiques où les Congolais se rendent régulièrement), et aussi vers l’Europe. Cette année, la compagnie compte ouvrir d’abord une ligne vers Johannesburg et entend être présente d’ici à la fin de 2019 au Cap, à Lusaka, Harare, Dar es-Salaam, Bujumbura, Nairobi, Addis-Abeba, Bangui, Douala, Cotonou, Abidjan, Pointe-Noire et Luanda. Viendra ensuite l’ouverture de liaisons intercontinentales vers Paris, Dubaï ou Canton, en 2020.
Déjà audité par l’Union européenne (UE), par le pétrolier Total et par plusieurs sociétés minières, Congo Airways devrait se voir délivrer sa certification Iosa (Iata Operational Safety Audit) d’ici à la fin de février, sésame indispensable pour opérer vers l’Europe. « Nous avons déjà obtenu notre certificat de transporteur aérien. Nous attendions que l’OACI validât le processus par lequel Congo Airways a été certifiée par l’Autorité de l’aviation civile congolaise, ainsi que l’audit IOSA requis par l’IATA pour être reconnue par elle. D’ailleurs, Congo Airways a déjà deux codes IATA et trois autres codes pour pouvoir préparer les LTA concernant les cargos… », indiquait DBB. Ce qui restait, c’est la reconnaissance en tant que membre de l’IATA et la certification FCO (Fed Country Operator), sorte de sésame qui ouvre vers le ciel de l’Europe. En même temps, elle va étendre ses vols dans d’autres villes non encore desservies à travers le pays, à condition que les aéroports soient dans les normes et qu’il y ait des véhicules anti-incendie.
Créée sur le papier en octobre 2015 après un accord de partenariat signé entre l’État, le Fonds de promotion de l’industrie (FPI), la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), la Régie des voies aériennes (RVA), l’Institut national de sécurité sociale (INSS), l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) et la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), Congo Airways succède à l’opérateur national, Lignes aériennes congolaises (LAC), étouffé par une dette sociale colossale estimée à quelque 119 millions de dollars et placé en liquidation administrative, laissant des centaines de salariés sans emploi depuis 1996. Au ministère du Portefeuille, on explique que l’État s’est désengagé depuis 2009 dans le cadre d’une politique de réforme des entreprises publiques et de libéralisation, mais aussi pour des questions de rentabilité.
Congo Airways cherche à se faire une place dans un ciel africain déjà disputé : la compagnie n’a pas la folie des grandeurs ni la prétention de concurrencer Ethiopian Airlines, Kenya Airways, Royal Air Maroc (RAM) ou South Africa Airways (SAA). Encore jeune, Congo Airways vise à desservir toutes les villes de la RDC et relier progressivement la RDC au monde. En attendant de procéder à de futures embauches, Congo Airways s’appuie sur un personnel administratif et technique « dévoué » dont l’effectif est de quelque 330 agents.
Les chiffres en disent long
Le marché est porteur. Congo Airways garde le cap sur le trafic intérieur et le développement des vols régionaux. Depuis sa mise en service, le remplissage de ses avions est en hausse. Avec 365 000 passagers transportés en 2017 contre 208 000 en 2016 et 77 millions de dollars de chiffre d’affaires escompté (36 millions en 2016), la compagnie compte atteindre 550 000 passagers vers les 10 destinations à travers le pays et des 99 millions de dollars de revenus en 2018. Elle a prévu d’être rentable à la mi-2019. Le marché intérieur du pays est naturellement porteur. Avec une population de 80 millions d’habitants, la RDC est l’un des territoires d’Afrique les plus vastes et les plus enclavés, où l’aérien constitue le mode de transport le plus pratique pour se déplacer.
L’ambition affichée est d’aller vers les marchés national, régional et international avec des avions à même de faire la différence. Congo Airways est la seule compagnie à utiliser des avions de plus de 150 places. Son principal rival privé, Fly CAA, a remisé ses Airbus A320 et A321 pour ne conserver que des Fokker 50 de moins de 60 places. Pour servir ces ambitions, sa flotte comprendra dix appareils, le seuil sous lequel une compagnie ne peut pas survivre. « Nous voulons aller vers le marché européen avec des avions neufs et un service de qualité.
C’est une question de fierté », déclare Désiré Balazire. D’après lui, le Congo est « un grand pays, un pays dynamique ». Un pays qui avait déjà fait son histoire avec Air Zaïre par le passé, mais un Congo qui revient. Quant aux vols internationaux, ça sera très certainement dès l’année 2019, rassure Balazire. Juste le temps d’acquérir de nouveaux avions.
Au regard des prévisions des deux premières années, la compagnie a enregistré une croissance « rapide et rentable » dans l’exploitation de l’aérien. Selon le directeur général, la situation financière de Congo Airways favorise aujourd’hui la solvabilité de ses engagements vis-à-vis non seulement de ses fournisseurs mais aussi de son personnel. Et ce, sans oublier les provisions réservées à l’amortissement de ses actifs immobilisés. Oubliées donc les difficultés conjoncturelles du début.
D’ailleurs, il est admis en aviation qu’aucune compagnie, même si elle a des ressources très importantes, ne peut arriver à réaliser des marges au cours des trois premières années de son existence. Et même s’il y a des niches des revenus, aucune compagnie, alors aucune, ne pourra réaliser des bénéfices pendant les trois premières années. D’après le directeur général de Congo Airways, il est tout à fait normal qu’à ses débuts une compagnie aérienne subisse des pertes et finisse par faire des profits. Grosso modo, les marges sont toujours très faibles pour les compagnies aériennes. Cependant, cela ne veut pas dire qu’elles sont négatives.
D’ailleurs, au niveau mondial, la tendance est à la hausse. Pour preuve, les compagnies aériennes passent régulièrement des commandes aux avionneurs. Et puis, il y a l’environnement qui les accompagne, ce qui permet de dégager leur contribution dans la formation du Produit intérieur brut (PIB). Souvent, les compagnies débutantes se constituent un fonds de roulement suffisant qu’elles vont devoir consommer en attendant de générer des bénéfices.
Des investissements sont donc prévus, comme le renouvellement de la flotte, la maintenance technique, le développement des ressources humaines et du système d’exploitation. Congo Airways entend louer quatre A320 et deux Dreamliner neufs, ainsi que des petits modules pour les courtes liaisons. « On n’acquiert pas les avions comme on achète une paire de chaussures dans un magasin. Pour un avion, il faut le configurer selon la demande du client, le confort que l’on veut assurer, et selon ce que l’on veut le présenter en first et/ou en business class, etc. », souligne-t-il.
Le 15 janvier 2018, Congo Airways devait signer un contrat avec la compagnie tunisienne privée Nouvelair pour la location d’une durée de cinq mois d’un A320. Cette dernière lui fournit déjà pilotes, instructeurs et chefs personnels navigants commerciaux. En 2016, quinze experts tunisiens avaient accompagné Congo Airways dans la mise en place des procédures de sécurité.
Désiré Balazire explique que la viabilité économique et financière de Congo Airways conforte non seulement la direction générale mais aussi les actionnaires à activer le plan d’expansion. Sa discipline financière et managériale rassure acteurs financiers, constructeurs et sous-traitants. La compagnie a anticipé 22 millions de dollars de pertes en 2017 ; à la fin d’octobre, elle n’en était qu’à 6 millions.