Controverse sur les exonérations

Les débats parlementaires perdent de leur crédit et ressemblent à l’affichage quand les recommandations ne sont pas suivies d’effet. Le régime de faveurs fiscales et douanières accordées par le gouvernement à une foultitude d’entreprises dans tous les secteurs d’activités n’échappe pas à cette triste réalité.

Les exonérations privent l’État de substantiels revenus. Par exemple, en 2015, les pertes dues aux exonérations ont été évaluées à plus de deux mille milliards de FC. Ce montant traduit en fait une régression de 43 % par rapport à l’exercice 2013, année au cours de laquelle les exonérations ont fait perdre au Trésor public plus de 3,5 mille milliards de FC, selon le ministre sortant des Finances, Henri Yav Mulang. Cependant, intervenant devant l’Assemblée nationale à propos de la loi sur la reddition des comptes de l’exercice budgétaire 2015, quelques jours seulement avant la démission du cabinet Matata, Henri Yav Mulang a déclaré que près de 95 % des exonérations accordées aux entreprises le sont plutôt sur une base légale. Dans la foulée, le code des investissements accorde des exonérations de 3 à 5 ans, selon qu’une entreprise s’implante dans telle ou telle région de la RDC. Les aéronefs et les bateaux de seconde main sont totalement exonérés des droits de douane. Le code minier offre également aux minings tout un chapelet d’exonérations…

Selon l’article 222 du code minier, si une législation de droit commun est adoptée ou promulguée sur le territoire national postérieurement à ce code, (entré en vigueur en juillet 2002), des dispositions douanières et fiscales plus favorables que celles du code minier sont immédiatement applicables de plein droit dès son entrée en vigueur. La Convention de Vienne permet également, sous le couvert diplomatique, l’entrée en RDC de divers biens, dont les engins lourds, sans qu’aucun droit ne soit payé aux services de la douane (DGDA) ou du fisc (DGI) ou encore en charge de la parafiscalité (DGRAD).

Il y a aussi des conventions pétrolières qui exonèrent les pétroliers producteurs de moult obligations (para)fiscales. Ces conventions ont été reconduites dans le nouveau code des hydrocarbures, promulgué le 1er août 2015 par le chef de l’État. Les exonérations ont pour finalité d’attirer davantage d’investisseurs en vue de créer davantage des richesses et d’emplois, a défendu le ministre des Finances devant les députés.

De véritables hémorragies  

En accordant les exonérations par ci par là, l’État espérait favoriser le développement durable. Mais les effets escomptés ne sont guère perceptibles malgré la plupart des lois (code minier, code des investissements…) qui consacrent des régimes douaniers et fiscaux de faveur depuis plus de 10 ans. La révision du code minier et du code des investissements piétine depuis 2013. En juillet 2014, le ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi, avait annoncé un audit sur toutes les exonérations fiscales accordées aux entreprises. Une décision de la Troïka stratégique, composée de ministres des Finances, du Budget, de l’Économie et du gouverneur de la Banque centrale du Congo, autour du Premier ministre. Kitebi avait expliqué que les exonérations constituaient une « hémorragie importante » des recettes de l’État et une source de « fuite des recettes ».

Voilà pourquoi le gouvernement avait décidé d’en assurer un meilleur contrôle. Dans le concret, un suivi allait être fait de toutes les exonérations qui ont été accordées à certaines entreprises et que toutes les demandes d’exonération, d’où qu’elles viennent, allaient être mieux suivies et contrôlées par le gouvernement de manière à pouvoir mettre un terme à l’hémorragie des recettes. Kitebi avait affirmé que le gouvernement avait besoin de mobiliser un maximum des recettes pour pouvoir faire face aux urgences de financement de développement et aux impératifs de sécurité. Deux ans plus tard, l’on se rend compte que non seulement l’audit des exonérations n’a jamais eu lieu. Et il semble bien que ces exonérations sont plutôt légales.