Créances contre commissions juteuses

Lassés d’engagements toujours non tenus de l’État, nombre de fournisseurs négocieraient de céder leurs créances… à des fonds vautours locaux: il s’agit des décideurs locaux qui auraient une certaine influence au sommet de l’État ou encore des hommes d’affaires expatriés.

Selon un haut cadre de l’ex-OGEDEP (DGDEP), la cession de la dette intérieure n’est pas admise en République démocratique du Congo. « C’est une question des rapports de force, d’influence… un coup de téléphone, voire un texto arrive à dénouer des situations restées longtemps bloquées », fait, par contre, comprendre, un ancien pétrolier reconverti dans l’horeca. « Les transferts des créances sont monnaie courante », ajoute-t-il, citant en exemple la société IBM, qui se serait fait payer ses prestations pour le compte de l’État grâce à Mobutu Kongolu ayant repris ce dossier en mains. Autres temps, autres mœurs… Intervenant sur Radio Okapi, un fournisseur local, à qui l’État doit 404 000 dollars, a déclaré qu’il a été tourné en bourrique des années durant. Il a dit avoir rejeté la proposition de paiement contre une commission des 20 %. C’est plutôt 40 % des commissions qui auraient été exigés à ce pilote, propriétaire d’une imprimerie qui du temps de la Conférence nationale souveraine produisait des documents pour le compte de l’État. Face à son refus de toute « opération retour », le pilote n’a rien eu… jusqu’à sa mort. Nombre de petites et moyennes entreprises (PME) appartenant à des nationaux ont dû mettre la clé sous le paillasson, faute d’être payées par l’État. Les nationaux se plaignent que des opérateurs économiques étrangers soient payés, et souvent pour des dossiers jugés « juteux », avec facilité.

Cependant, à la DGDEP, l’on se veut clean: toute dette intérieure ne l’est pas toujours, explique un expert du département de la trésorerie de la Direction de la gestion de la dette publique. Il est des véritables dettes intérieures telles que les emprunts auprès des banques et des arriérés budgétaires résultant, par exemple, du non-respect des échéances de financement des travaux ou des services prestés pour le compte de l’État par des tiers. Les arriérés budgétaires ont été faussement transformés en dette intérieure. Les preuves des créances fictives sont archivées à la DGDEP. Elles concernent particulièrement des écoles, des ponts et autres infrastructures prétendument réhabilités à l’Est. Les audits réalisés par Klynveld Peat Marwick Goerdeler (KPMG) et Price Water House Coopers ont souvent tourné à la routine. Naturellement, les deux cabinets ont certifié toutes les dettes sur base de simples documents.

Pourtant, cette direction est le passage obligé pour les entreprises privées. C’est elle qui juge, sur base de données statistiques financières, si l’État ou une entreprise est capable de rembourser sa dette en respectant les échéances. Elle n’est plus associée à toutes les tractations financières engagées par l’État. Pourtant, explique un fonctionnaire de cette direction, il y a des dettes qu’auraient réclamées par des partenaires extérieurs qui sont fictives. Telles que l’électrification de la voie ferrée Matadi-Kinshasa et les turbines livrées par la firme belge ACEC de Charleroi dans le cadre du projet Inga II.