Croissance durable : l’objectif de pays émergent en 2030 s’éloigne de plus en plus à l’horizon 2030

La vision politique affichée des dirigeants congolais depuis 2011 repose sur deux idées-forces : booster la RDC pour en faire, à l’an 2030, un pays émergent et, à l’an 2050, un pays développé. C’est dans cette perspective que s’inscrit le programme quinquennal du gouvernement Suminwa qui doit être totalement financé par des ressources de l’État et des apports hors budget.

Projet Kitoko, la nouvelle ville de Kinshasa.

LE PLAN global de développement de la République démocratique du Congo/RDC visait à atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire en 2021, puis celui de pays émergent en 2030 et enfin celui de pays développé en 2050. Pour répondre à ces défis, dans le Plan national stratégique de développement/PNSD, la stratégie mise en œuvre vise à long terme la bonne gouvernance et le développement humain comme fondements essentiels à la croissance inclusive, à la diversification économique, à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement.

Concrètement, le PNSD a pour objectifs : la consolidation de la démocratie pour la stabilité et la bonne gouvernance, les investissements massifs pour plus de progrès technique, économique, démographique et social, l’amélioration du climat des affaires, l’élargissement de la chaîne de création de valeurs pour plus d’emplois stables et bien rémunérés, l’accroissement de la productivité de l’agriculture pour garantir la sécurité alimentaire, la construction des infrastructures pour une meilleure mobilité et un accès permanent à l’énergie, la protection de l’environnement pour un cadre de vie meilleure.

Dans son discours d’investiture devant l’Assemblée nationale, Judith Suminwa Tuluka, la 1ÈRE Ministre, a défini un objectif prioritaire. Elle met l’accent sur « l’homme qui doit être considéré à la fois comme la ressource principale, le principal moteur du développement et le destinataire du fruit de ce progrès ». La nouvelle 1ÈRE Ministre pointe avant tout la nécessité de convergence de la planification stratégique – Vision (de développement) 2050, PNSD 2024-2028, PDL 145 T, etc. – et de la vision politique de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, fondée sur ses six engagements majeurs de son second mandat. 

Le programme d’actions du gouvernement/PAG 2024-2028 est né donc de cet exercice. En chiffres, il pèse 277,1 mille milliards de nos francs congolais, soit 92,9 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Précision de taille : il doit être totalement financé par des ressources de l’État et des apports hors budget, du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées/ETD. 

Dans le montage financier de ce programme du gouvernement, 30 % du financement sont consacrés à la création d’emplois et à la protection du pouvoir d’achat des ménages, avec un coût total cumulé de 83,1 mille milliards de francs, soit une moyenne de 16,6 mille milliards de francs par an. L’aménagement du territoire national en vue d’une connectivité maximale prend, à lui seul, 25 %, ce qui représente un coût total cumulé de 69,3 mille milliards de francs, soit une moyenne de 13,8 mille milliards de francs par an. 

En 2012, le gouvernement Matata avait pris l’engagement de faire de la RDC « un pool d’intelligence et de savoir-faire, un vivier de la nouvelle citoyenneté et de la classe moyenne, un grenier agricole, une puissance énergétique et environnementale, un pool économique et industriel, ainsi qu’une terre de paix et de mieux-être et une puissance régionale au cœur de l’Afrique à l’échéance 2030 ». (Sic !) 

En mars 2016, parlant du Plan d’émergence 2030, le professeur Ngonga Nzinga, alors directeur de cabinet adjoint en charge de l’économie et des finances de l’ancien 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo Mapon, avait soutenu, sans rire, que le pays atteindrait, déjà, le point d’émergence en 2020. Soit, dix ans avant même l’échéance fixée par le gouvernement. Il s’appuyait sur les indicateurs économiques clés – le secteur réel de l’économie (la production, les prix et les salaires), les finances publiques, les réserves internationales, la monnaie et le crédit – de 2010 à 2015 pour le démontrer.

Mais dans son analyse, Ngonga Nzinga n’avait peut-être pas vu venir la crise financière internationale, du fait de la baisse des cours des matières premières, principalement le pétrole et le cuivre. Les effets néfastes de la conjoncture économique et financière internationale sur l’économie nationale sont donc venus déjouer les prévisions de croissance qui s’est située à 7,7 % en 2015, essentiellement portée par les secteurs des mines et des services. C’est ainsi que pour maintenir la stabilité économique face à cette crise, le gouvernement avait pris, en janvier 2016, une série de mesures économiques – 28 au total – et avait envisagé des réformes structurelles afin de juguler la vulnérabilité de l’économie nationale.

Malgré les réformes engagées qui ont permis d’importants investissements dans les secteurs minier et des services, la croissance s’est ralentie à près de 2,5 % du Produit intérieur brut/PIB en 2016, à la suite de la baisse sensible des cours des matières premières. Entre 2017 et 2019, le taux de croissance est passé respectivement à 3,7 % ; 5,8 % et 4,6 % porté par la hausse sur le marché international des cours des matières premières, notamment le cobalt. En l’absence des chocs extérieurs importants, le cadre macroéconomique est resté stable. Le taux d’inflation est passé de 15,8 % en 2001 à 4,4 % à fin 2019. Le marché de change avait également connu une stabilité structurelle.

Cependant, l’économie nationale n’a pas pu résister au choc de la crise sanitaire mondiale causée par la pandémie de Covid-19 dont l’un des effets aura été principalement la volatilité des cours des matières premières. En 2021, le gouvernement Sama a dévoilé un « Plan directeur d’industrialisation » du pays à l’horizon 2040, d’un coût total de 58 milliards de dollars. Ce plan prévoyait la réalisation des infrastructures pour l’interconnexion du pays et visait l’objectif de l’émergence de la RDC d’ici à 2030-2040.

À l’heure de l’inventaire, en 2021, le pays ne comptait plus que 507 entités industrielles recensées, contre 9 600 unités de production industrielles dans différents secteurs héritées du colonisateur belge en 1960. À l’horizon 2025, le gouvernement prévoyait de doubler le nombre d’unités de production industrielle pour atteindre mille industries dans le pays et réduire de 60 % la facture des importations évaluée à près de 6,5 milliards de dollars par an, selon Julien Paluku Kahongya, alors ministre de l’Industrie. 

Et de déclarer : « D’autres pays qui, en 1960, étaient au même niveau que la RDC ou même en deçà l’ont fait. À ce jour, ils comptent parmi les pays émergents. » Pour permettre de libérer le potentiel de croissance et de transformation industrielle du pays, le plan fixe six zones industrielles : l’Ouest dans la région de Kinshasa, le Sud dans l’ex-Katanga, le Centre dans l’espace Kasaï, l’Est dans les trois provinces du Kivu, le Nord-Est qui regroupe l’ex-province Orientale et le Nord-Ouest constituée de l’ex-Équateur, expliquait-il lors du lancement de ce plan. Avec une précision chirurgicale : « Ces six piliers du développement de la RDC seront transformés, à l’échéance 2040, en hubs d’exportation vers les pays voisins, dans la perspective de l’effectivité de la Zone de libre-échange continentale africaine/ZLECAF, des avantages de la loi américaine sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique/AGOA et des ouvertures du marché chinois aux pays africains. »

Pour garantir le succès de ce plan, le gouvernement avait prévu la construction d’infrastructures routières (21 milliards de dollars), ferroviaires (9 milliards de dollars), énergétiques (22 milliards de dollars) et aéroportuaires et portuaires (6,3 milliards de dollars). Dieu seul sait si des fonds ont été mobilisés et si le plan va atteindre son objectif global à fin 2025.  

Devant les députés nationaux, la 1ÈRE Ministre a déclaré ceci : « Sur le plan économique, malgré les performances satisfaisantes, la croissance économique demeure essentiellement tirée par le secteur extractif, exacerbant la vulnérabilité de l’économie nationale. » Et de poursuivre : « L’évolution des niveaux des prix de biens reste dominée par la persistance des pressions inflationnistes d’origine externe, impactant le marché de change, déjà étroit et souvent en tension avec des dépréciations monétaires persistantes. » Enfin, d’ajouter : « La conjoncture mondiale, mise en évidence notamment par la guerre en Ukraine, et les problèmes sécuritaires conduisent à un net ralentissement de la croissance, et surtout à un gâchis social et humain à cause des mauvaises politiques économiques et monétaires, de la non diversification économique, de la corruption, de l’impunité, etc. » 

Qui dit mieux ? Sinon, la bonne connaissance des indicateurs économiques clés est nécessaire pour une bonne interprétation et une bonne compréhension de la situation économique de la RDC. Dans l’interprétation et la compréhension des rapports d’économie, les pays suivent et déterminent leur progrès économique à travers l’analyse des indicateurs économiques et les données statistiques sous forme d’indices et de prévisions. 

En ce qui concerne la RDC, les indicateurs économiques clés sont le taux de change, le taux d’intérêt, le PIB, l’offre de la monnaie, l’inflation ou l’indice de prix à la consommation, les réserves de change et la balance commerciale. La RDC applique le taux de change flottant, déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande sur les marchés des changes. Au 5 juillet 2024, le franc congolais, la monnaie nationale, s’est légèrement déprécié de 0,11 % à l’indicatif, d’une semaine à l’autre, situant le taux de change à CDF 2 849,73 le dollar. 

Comparé à fin décembre 2023, la dépréciation est de 6,8 % à l’indicatif. Tandis qu’au parallèle, le franc s’est légèrement déprécié de 0,22 %, situant le taux de change à CDF 2 865,63 le dollar. Soit une dépréciation de 6,7 % comparé à fin décembre 2023. Et dire que l’autorité monétaire s’est fixée l’objectif de le ramener à CDF 2 518 le dollar à fin 2024. À ce rythme de dépréciation hebdomadaire, il y a lieu de craindre que le pic de CDF 3 000 = USD 1 soit atteint bien avant la fin de l’année.

La Banque centrale du Congo/BCC a mis en place une politique de change pour ancrer les taux du marché monétaire et les autres taux d’intérêt. Afin de gérer l’inflation et garder le système de change stable, elle a sensiblement réduit son taux directeur (ou le coût du loyer), auquel les banques empruntent et placent la liquidité auprès d’elle, jusqu’à moins de 2 % depuis 2013. 

L’inflation est l’expression de la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. Elle est mesurée deux fois par semaine par la BCC à travers l’indice des prix à la consommation calculé sur la base de la tarification d’un panier de biens et services (440 articles) sur 7 marchés de Kinshasa. Début juillet 2024, le taux d’inflation hebdomadaire s’est établi à 0,399 %, contre 0,209 % une semaine auparavant, ramenant ainsi l’inflation en glissement annuel à 19,56 % au 5 juillet 2024, après s’être établi à 23,8 % à fin 2023. Il y a bien risque de ne pas atteindre la cible de 11,6 % à fin décembre 2024 telle que fixée par la BCC. 

Le taux directeur est le principal outil conventionnel de la politique monétaire. Il est fixé par la Banque centrale pour les prêts qu’elle accorde aux banques commerciales qui en ont besoin. En RDC, il a été maintenu à 25 %, début juin 2024. Il en va de même pour les coefficients de la réserve obligatoire concernant les dépôts en franc, respectivement à 10 % et 0 % à vue et à terme, ainsi que pour les dépôts en devises, respectivement à 13 % et 12 % à vue et à terme. Le taux interbancaire auquel les banques se prêtent entre elles n’existe pas encore en RDC. 

Le PIB qui vise à quantifier la valeur totale de la « production de richesse » effectuée par les agents économiques (ménages, entreprises et administrations publiques), était de 37,4 milliards de dollars en 2015. Il reflète l’activité économique interne et permet de mesurer le taux de croissance économique. Le PIB par habitant, quant à lui, mesure le niveau de vie et du pouvoir d’achat. La croissance du PIB est principalement due à des politiques publiques favorables à l’instar de la volonté de diversification de l’économie, des politiques de privatisation, de la réduction des coûts des opérations de production. 

Selon les perspectives économiques, l’économie nationale devrait rester résiliente avec un taux de croissance du PIB réel de 3,8 %, supérieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne. La croissance attendue en 2024 est de 5,2 %, contre 8,9 % en 2022 et 8,4 % en 2023, selon le Fonds monétaire international/FMI. La BCC, elle, projette une croissance économique à 6,8 %, soutenue par le secteur extractif. 

Sur la monnaie, la BCC a pour mission de contrôler la liquidité (le franc congolais, 30 % de la masse monétaire en circulation) sur le marché en vue de la stabilité des prix. Son rôle dans l’économie consiste à vendre ou acheter des titres via des opérations d’appel d’offre et d’augmenter ou diminuer le ratio de réserves obligatoires bancaires. Le coefficient de réserves obligatoires sert également à réguler la masse monétaire en circulation.

Les instruments de la BCC jouent uniquement sur la monnaie nationale. D’où sa vulnérabilité en cas de choc exogène. Par ailleurs, le taux directeur (instrument de refinancement des banques) de la BCC n’influe pas sur le taux débitaire qui varie entre 13 % et 30 %, selon les banques, du fait de la dollarisation de l’économie à plus de 80 %. Le taux d’inclusion financière était, lui, de 38,5 % en 2022, largement en deçà de la moyenne de l’Afrique subsaharienne, 55 %, tandis que le taux de bancarisation se situe à 5 % actuellement.

Les réserves internationales ou de change d’un pays ou les avoirs de réserve officiels sont les actifs extérieurs que l’autorité monétaire contrôlent directement et dont elle dispose pour répondre aux besoins de financement de la balance des paiements, pour intervenir sur le marché de change afin d’influer sur le taux de change, ainsi qu’à d’autres besoins connexes notamment maintenir la confiance dans la monnaie nationale et dans l’économie, et aussi emprunter à l’étranger. Les réserves internationales de la RDC se sont établies à 5,7 milliards de dollars au 26 juin 2024, couvrant 3,09 mois d’importations. Produit de la vente des matières premières (cuivre, cobalt, pétrole, etc.), elles permettent de soutenir le franc et encouragent l’afflux de capitaux étrangers dans le pays. 

Considérée comme le produit net des exportations et des importations à un moment donné, la balance commerciale sert à évaluer la santé économique d’un pays par rapport au reste du monde. En janvier 2024, la BCC a fait savoir que le volume des échanges commerciaux entre la RDC et le monde a régressé de 4,26 % par rapport à 2022, en raison de la baisse de la demande mondiale attestée par le ralentissement de la croissance et la chute des cours des matières premières. La RDC exporte plus des produits miniers, disposant de près de 70 % des réserves mondiales du cobalt.

Pour rappel, le gouvernement Matata avait pris, en 2012, le pari de l’émergence à l’horizon 2030. Et le directeur de cabinet adjoint du 1ER Ministre Matata, évoquait l’atteinte du point d’émergence en 2020, soit, dix ans avant même l’échéance. Cette déclaration avait fait rire certains politiciens et même certains experts dans les milieux intellectuels et d’affaires. D’après eux, la RDC n’était pas éligible à l’émergence à l’horizon 2030, au sens propre du terme. Et ils continuent d’ailleurs à soutenir que c’est de la propagande politique. 

Le gouvernement Suminwa a donc resuscité ce débat. D’où la question : à six ans de l’échéance, le plan d’émergence, est-il encore soutenable ? D’emblée, il convient de faire remarquer qu’il n’y a pas encore consensus sur le concept lui-même. Les experts sont à peu près d’accord que l’émergence désigne un processus. Mais ils divergent sur les critères pour caractériser son achèvement.

En Afrique, le concept est devenu à la mode grâce à l’ouverture du continent aux pays émergents, notamment la Chine, l’Inde, la Turquie et le Brésil au début des années 2000. D’où des études comparatives et de cas. C’est aussi grâce à la multiplication des plans d’émergence sur le continent sous l’influence justement de la relation avec les pays émergents qui ont servi d’inspiration aux pays africains désireux de se lancer dans le même processus de développement. Et non sans raison, la Commission économique pour l’Afrique/CEA va développer et lancer un indice de mesure de l’émergence en Afrique, qui sera suivi de la mise en place d’une conférence internationale sur l’émergence de l’Afrique (CIEA) qui se tient à Abidjan et à Dakar. 

La réflexion semble avoir évolué aujourd’hui. Le débat sur le continent ne porte plus vraiment sur la critique des plans d’émergence nationaux, mais concrètement sur ce que font les pays pour affiner les indicateurs et déceler les bonnes pratiques. Avec la pandémie de Covid 19, en 2020, le PIB sur le continent africain a reculé pour la première fois, en 30 ans, et cette récession a touché 40 des 54 pays africains.

Les nouveaux chocs résultant notamment de la guerre en Ukraine ont par ailleurs accentué la crise pour de nombreux pays selon la Banque mondiale. Par exemple, le Rwanda a perdu des places alors que la Sierra Leone en a gagné dans le classement, selon la manière dont ces différentes crises et les politiques internes ont affecté tel ou tel indicateur. Par ailleurs, certains pays semblent avoir suffisamment consolidé des acquis sur plusieurs indicateurs pour stabiliser leur processus d’émergence. C’est le cas de Maurice, de l’Afrique du Sud, du Botswana, des Seychelles, du Ghana, du Cap Vert, de la Namibie, etc.

Bref, l’émergence caractérise le processus de transformation des structures par lequel un État s’intègre à l’économie globalisée et au capitalisme mondial grâce à une croissance économique ou une augmentation du PIB forte pendant plusieurs années. Les pays émergents les plus connus sont certainement les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), en raison de leur poids respectif et cumulé, et de la visibilité politique qu’ils se sont donnés en se réunissant régulièrement. On peut aussi les qualifier de grands émergents. Élargis en 2024 à cinq autres pays dans le cadre des BRICS+ (Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, et Iran), ils forment la principale association de pays émergents. 

Vu sous cet angle, l’émergence a une connotation plus économique que sociale. Alors, elle peut ne pas se traduire par l’amélioration des conditions de vie des plus pauvres, voire accentuer les inégalités sociales. D’où, l’émergence pourrait signifier une croissance économique sur le long terme sans le développement au sens de la compatibilité avec des économies planifiées, une croissance démographique notable afin de constituer un marché domestique important, une économie diversifiée non dépendante des exportations de matières premières et avec des secteurs comme l’industrie et les services développés, une stabilité politique pour permettre notamment les constructions d’infrastructures…

Avec le discours politique, nous avons vu fleurir des réactions qui considèrent que, dans l’état actuel des choses, le pays serait tout à fait incapable d’atteindre, à l’horizon 2030, l’émergence. Du côté des sceptiques de l’émergence d’ici 2030, l’ancien 1ER Ministre Adolphe Muzito Fumunsi pense que propager une telle intoxication politique pourrait faire « basculer le peuple dans le doute, le désespoir et le scepticisme, quant à son avenir et à celui du pays ». En tout cas, il ne voit pas ce qui pourrait provoquer la lame de fond étant donné que les bases des acquis économiques et financiers sont constamment menacées.

Muzito s’en défend : « Sans une période de transition, avec son PIB par habitant par an à 500 dollars en 2015, la RDC peut-elle, en 15 ans, passer de son statut de pays sous-pauvre (le Congolais vivant avec 1,40 dollar par jour) à celui de pays émergent dont le PIB par habitant varie entre 7 000 et 20 000 dollars par an ? » L’habitant d’un pays émergent vit avec un revenu qui varie entre 20 et 55 dollars par jour. Selon plusieurs rapports, le PIB par habitant de la RDC était encore de 1 474 dollars par an. 

Pour Muzito, la période de transition est nécessaire parce qu’entre un pays sous-pauvre et un pays émergent, il y a deux étapes à franchir : pays pauvre et pays en voie d’émergence. D’après lui, la RDC avait, en 2015, le statut de pays sous-pauvre, avec un PIB par habitant de 500 dollars. Le Congolais vivait avec 1,40 dollar par jour, en deçà du seuil de pauvreté fixé entre 1,80 et 10 dollars correspondant au statut de pays pauvre avec un PIB par habitant moyen de 1 500 dollars.

Jusqu’en 2023, le pays n’a pas réussi à se hisser au niveau de pays pauvre afin d’envisager de franchir l’étape de pays en voie d’émergence. Pour ce faire, les sceptiques recommandent au gouvernement de changer de vision sur l’avenir du pays et proposer aux Congolais une direction claire et réaliste qui soit à la portée du pays. D’après eux, il ne faut pas se leurrer : le gouvernement doit poursuivre les réformes qui conduisent à la stabilité du cadre macro-économique et à un niveau du taux de croissance économique supérieur à la moyenne africaine, 3,4 % en 2024. 

Rappelons encore que la croissance attendue, en 2024, est de 5,2 %, contre 8,9 % en 2022 et 8,4 % en 2023, selon le FMI, alors que la BCC projette une croissance économique à 6,8 %, soutenue par le secteur extractif. Même avec un taux de croissance de 10 %, la RDC n’atteindra à peine que le niveau actuel des pays pauvres comme l’Angola, le Congo, le Sénégal, le Kenya, la Côte d’Ivoire… Le miracle n’est donc pas possible. Cela va sans dire que non seulement le gouvernement aura du mal à tenir ce taux de croissance pour les années qui viennent, mais aussi à remonter au taux de 10 % qui devrait être la cible. En effet, argumentent les sceptiques, les politiques publiques du gouvernement sont entrain de montrer leur limite face à la crise économique, financière et monétaire internationale.

La croissance d’un pays émergent est basée sur une industrie en pleine croissance. Un pays émergent, c’est le pays développé de demain. Un pays émergent, c’est celui qui a amorcé la libéralisation de son économie et l’ouverture de ses marchés aux investissements étrangers. C’est aussi un pays où les dirigeants ont une vision et la volonté politique clairvoyante.