Acte de contrition ? Un ancien 1ER Ministre de l’histoire politique récente de la République démocratique du Congo, nous déclarait, un jour, off the record, dans un cadre privé, que s’il disait qu’il ne s’est pas enrichi pendant l’exercice de son mandat, ça serait un gros mensonge. Mais, poursuivit-il, c’est difficile à quiconque de prouver que lui, il s’est enrichi illicitement. Pourquoi ? Tout en reconnaissant qu’il s’est enrichi illicitement, il a fait remarquer que dans notre pays, tout le monde, à quelque niveau que ce soit, sait « jongler » avec les écritures. Non sans remords, cet ancien 1ER Ministre a admis qu’« il y a effectivement un problème de « morale politique » dans la vie publique en RDC, à commencer par les élites au pouvoir. Et d’ajouter : « Tant qu’on ne mettra pas fin au cycle d’antivaleurs, rien ne va changer… Tous ceux qui entreront au gouvernement auront le même comportement, car il règne l’impunité… Tout le monde dira : si on ne l’a pas avec mes prédécesseurs, pourquoi n’agirai-je pas comme eux ? ». Voilà pour l’anecdote. Problème de culture politique ou de probité, le débat ne date pas d’aujourd’hui. Sans vraiment rentrer dans les considérations savantes, et de manière triviale, il faut comprendre la culture comme un ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu’un (langage, gestes, habillement…) qui le différencient d’une autre personne appartenant à une autre couche sociale que lui. Tandis que la probité, c’est la qualité de quelqu’un qui observe parfaitement les règles morales, qui respecte scrupuleusement ses devoirs, les règlements… Dès lors, on comprend que la culture est avant tout affaire de comportement.
La culture de la démocratie
Et sans vraiment prendre le risque d’être contredit, la vie publique en RDC est fortement marquée par les antivaleurs, notamment la corruption. À plusieurs reprises, les évêques catholiques, toujours eux, sont montés au créneau pour fustiger la dérive morale de la société congolaise en générale, au point de recommander qu’on décrétât une année de lutte anti-corruption. Les évêques catholiques appellent constamment à un type de Congolais nouveau. Comment se sortir alors du « mal congolais » ? Sous le parti-État (20 mai 1967-17 mai 1997), la corruption a été érigée en principe de gestion. « Voler » l’argent public était devenu un sport national, une pratique courante et normale.
À propos du détournement des deniers publics, le président Mobutu Sese Seko, lui-même, eut cette phrase lapidaire lors d’un meeting populaire à la « Cité historique de Kinkole » : « Yiba moke, tika ndambo » (traduisez : il ne faut pas vider toute la caisse de l’État). Et dire que la devise du part-État, le Mouvement populaire de la révolution (MPR), était : servir et non se servir. La suite, on la connaît : tous les dignitaires du régime étaient les fossoyeurs des finances publiques et de l’économie.
Pendant plus de trois décennies, la vie publique a été réglée ainsi : se servir une fois qu’on est au pouvoir comme on se sert sur la bête abattue à la chasse. Tout ou presque était toléré pourvu qu’on ne touche pas à la personne du « Président-Fondateur ».
Pour la majorité des Congolais, l’avènement de la démocratie en 1990 était synonyme de « changement » intégral, surtout de mœurs politiques. L’avènement de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) sous la houlette de Laurent-Désiré Kabila, en mai 1997, avait suscité beaucoup d’espoirs dans la conscience des Congolais. À travers le débat national, par médias interposés, on sent que la majorité des Congolais veulent vivre réellement dans un État de droit et participer de l’exercice de la démocratie. Qui présuppose justice et transparence.
Mais ils ont aujourd’hui le sentiment que la classe politique congolaise a déçu leurs attentes démocratiques. La crise congolaise est avant tout une crise de morale (nivellement vers le bas) qui incombe à l’élite au pouvoir depuis 1960.
Le comportement des élites semble désormais être dicté par « la légèreté » et « l’opportunisme ». Elles ne s’identifient plus à une idéologique politique. Peu importe, il faut s’enrichir vite au détriment de la majorité et la politique devient la voie royale. Pour les élites au pouvoir, seul leur intérêt personnel compte.