De plus en plus d’entreprises internationales s’installent aux Pays-Bas

Depuis le référendum sur le divorce entre Londres et Bruxelles en juin 2016, 140 entreprises ont opté pour les Pays-Bas, dont près de 80 en 2019, a indiqué le ministère néerlandais des Affaires économiques et du Climat.

LE BREXIT profite aux Pays-Bas. Face à l’incertitude de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), qui a finalement eu lieu le 31 janvier, trois ans et demi après de nombreux rebondissements, de nombreuses entreprises internationales choisissent d’aménager au pays des tulipes. Depuis le référendum de juin 2016, 140 entreprises ont opté pour les Pays-Bas, dont 78 ont pris leur décision en 2019, a annoncé le mercredi 19 février l’Agence néerlandaise des investissements étrangers (NFIA), qui dépend du ministère des Affaires économiques et du Climat. « De plus en plus d’entreprises » font ce choix « même à présent que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne et est entré dans une période de transition, l’incertitude sur la nouvelle relation économique et les effets désormais imprévus sur le commerce international demeure », a indiqué la NFIA dans un communiqué.

Les Pays-Bas ne figurent pas sur la liste noire des paradis fiscaux de l’UE, mais la réglementation fiscale fait la part belle aux grands groupes, alléchés par des taxations intéressantes permettant une certaine optimisation fiscale en toute légalité. Selon cette agence, ces 140 entreprises prévoient de créer au total plus de 4 200 emplois et 375 millions d’euros d’investissements aux Pays-Bas au cours des trois premières années suivant leur déménagement. Le groupe Discovery et le laboratoire japonais Shionogi font notamment partie des dernières compagnies à prévoir de déménager aux Pays-Bas.

En août 2019, la NFIA avait annoncé que près de 100 compagnies internationales avaient choisi les Pays-Bas depuis le référendum sur le Brexit. « Avec l’incertitude persistante (autour du Brexit), il est compréhensible que les entreprises opérant à l’international cherchent des alternatives sur le marché européen », a déclaré Jeroen Nijland, le patron de la NFIA. « 2020 sera une année importante pour ces entreprises. Beaucoup dépendra des spécificités des futurs arrangements dans les relations entre le Royaume-Uni et l’UE », a-t-il ajouté. La NFIA affirme être actuellement en discussion avec plus de 400 compagnies qui envisagent un possible déménagement aux Pays-Bas. Cela inclut des sociétés britanniques, mais aussi des entreprises américaines et asiatiques « qui reconsidèrent leur structure européenne actuelle », a-t-elle précisé.

L’immigration post-Brexit

La Grande-Bretagne va mettre en place après le Brexit un nouveau système d’immigration, à points, donnant priorité aux travailleurs hautement qualifiés du monde entier, a annoncé le gouvernement britannique, qui entend stopper sa dépendance à l’égard de la « main-d’œuvre bon marché » européenne. L’impact des arrivées massives d’immigrés venus de l’UE a été l’une des inquiétudes majeures ayant poussé en 2016 la population britannique à se prononcer majoritairement en faveur de la sortie de l’UE. 

Avec le nouveau système d’immigration, des points seront attribués aux candidats en fonction de leurs compétences, leur niveau d’éducation, leur salaire ou encore leur profession. Un visa pourra être attribué seulement aux candidats dépassant le seuil minimal de points requis et répondant à des critères obligatoires – parler anglais et disposer d’une offre d’emploi d’une entité approuvée par les autorités. « Pour la première fois en plusieurs décennies, le Royaume-Uni aura le plein contrôle sur ceux qui viennent dans ce pays et sur la manière dont fonctionnera notre système d’immigration », a dit le gouvernement dans un document publié le mardi 18 février faisant part de ses projets.

Les ressortissants de l’UE n’auront pas besoin de visa pour entrer en Grande-Bretagne en tant que visiteurs pour une durée maximale de six mois. Aucun programme spécifique n’est prévu pour les travailleurs étrangers peu qualifiés. Le gouvernement britannique espère ainsi voir diminuer le nombre d’immigrés. « Nous devons détourner notre économie d’une dépendance à l’égard de la main- d’œuvre bon marché venue d’Europe et nous focaliser au contraire sur l’investissement dans la technologie et l’automatisation », est-il écrit dans le document. « Les employeurs devront s’ajuster ».

Le numérique européen

Les Britanniques ont quitté l’UE mais restent territorialement des proches voisins en Europe. Les conséquences seront sans doute nombreuses, mais encore difficiles à évaluer. Ce divorce a d’ailleurs déjà suscité de nombreux questionnements quant au visage et au fonctionnement du « monde d’après ». Dans leur volonté constante d’élargir pour mieux diluer, dans leur lecture résolument libérale du marché européen, les voisins d’Outre-Manche ont incontestablement imposé une sensibilité : ils ont mené – et souvent gagné – une bataille intellectuelle, celle des convictions, celle des « codes » et celle des idées.

Leur retrait place donc l’Europe à la croisée des chemins et doit la conduire à transformer l’épreuve en rebond. Pour cela, elle devra prolonger ce sens de l’unité dont elle a fait preuve sans la moindre défaillance au fil de trois années d’âpres négociations. Dans cette optique, objectifs environnementaux, stratégie monétaire et fiscale de l’Union ou politique migratoire illustreront autant de sujets susceptibles d’éprouver à nouveau cette cohésion.

Et il en est un dont on parle moins mais qui s’avère être un enjeu décisif : la poursuite de l’harmonisation du système juridique européen. Car en quittant l’Europe, la Grande-Bretagne a emporté avec elle sa « common law », ce système juridique issu du droit anglais non écrit et qui, de fait, a concurrencé jusqu’à présent le droit civiliste ayant cours sur notre continent. Le Brexit éclaire donc l’horizon et offre aux États membres l’opportunité de faire converger leurs propres règles, en adoptant des instruments juridiques bâtis sur un socle commun.

Le défi n’est pas mince. Car de cette ambition découlera la capacité – ou non – de l’Europe à résister notamment aux assauts du droit américain, transformé en véritable arme de guerre économique. Elle lui donnera aussi la force d’exporter un corpus de règles et de références en direction des opérateurs publics ou privés, à l’international. Or, à l’aube d’une révolution technologique qui nous fera basculer définitivement dans l’ère de l’intelligence artificielle, la question des bases de données devient stratégiquement majeure. Le numérique étant le nouveau véhicule du droit, l’Europe doit, on l’a vu, avancer unie, équipée des vecteurs digitaux aptes à promouvoir son propre système juridique. Ce faisant, c’est l’influence de notre modèle démocratique qui est en jeu : ses principes, ses idéaux et leur propension à irriguer la « philosophie » dominante du monde à venir. Illusoire ? Avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), l’Europe a démontré sa volonté et sa capacité à encadrer le traitement des données de façon égalitaire sur son propre territoire, et même au-delà parfois, avec une attention particulière accordée aux droits des personnes. Ce combat à la fois culturel et technique est au centre des valeurs européennes et constitue une affirmation de la souveraineté. En clair, l’accélération des avancées technologiques intensifie également le développement du droit du numérique confirmant par là-même que la frontière peut être ténue entre une société ouverte et transparente et un monde soumis à… « Big brother ». C’est là qu’interviennent la règle et l’éthique : un certain rapport à ce qui est civilisé et puis l’attachement aux valeurs dont nous, peuples européens, sommes tous héritiers. Au moment d’inaugurer le « temps du post-Brexit », souvenons-nous de Gramsci : « Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut pas savoir où il va. »