Le 30 juin, c’est dans quelques jours. La République démocratique du Congo aura alors à souffler sur cinquante-cinq bougies, symboles de ses cinquante-cinq années d’existence. Existence, c’est bien le mot idoine car, s’il y a quelque mérite à célébrer, c’est celui d’avoir tenu bon, d’avoir tenu le coup contre vents et marées, d’avoir résisté et surtout survécu à toutes les tentatives d’implosion et de balkanisation. Et Dieu seul sait combien il y en a eu et, sans doute, combien il y en aura encore !
Nous parlons bien d’existence et non de vie ! En cinq décennies et demie, on ne pourrait en effet parler ni d’une nation aboutie, ni d’un État en bonne et due forme, car tels étaient les objectifs majeurs que s’étaient fixés les géniteurs du projet « Congo ». On pourrait se consoler en faisant remarquer que cette situation de marasme et d’immaturité n’est pas, sur le continent africain, le lot de la seule République démocratique du Congo. Mais est-ce valorisant pour nous, ce genre d’argumentaire ? Au vu de nos potentialités en termes de capital humain, des richesses de notre sol, de notre sous-sol et de nos eaux, nous devrions décliner autrement nos ambitions.
Ces derniers temps, on entend souvent claironner un discours triomphaliste selon lequel le pays serait désormais debout. Comme on voudrait bien y croire, adhérer au slogan ad hoc avec l’énergie d’un noyé en haute mer qui s’accroche mordicus à une bouée de sauvetage. La réalité, nous le savons tous, est tout autre.
En cinquante-cinq années de souveraineté conquise de la façon que l’on sait, le Congo de Kasa-Vubu et de Lumumba n’est toujours pas une véritable république ; elle n’est toujours ni indépendante, ni démocratique. Notre jeunesse, que nos politiciens, toutes extractions confondues, n’arrêtent pas de qualifier d’avenir de la nation, n’a qu’un rêve, celui de s’évader par tous les moyens du territoire national afin d’aller tailler son avenir sous d’autres cieux. Par ailleurs, pour la majorité de nos concitoyens, les soleils des indépendances demeurent toujours, jusqu’ici, cachés dans d’épais nuages de désillusion et de frustration.
Concernant nos voisins, si tous ne le disent pas toujours à haute voix, bon nombre d’entre eux sont profondément convaincus que la RDC n’est, au mieux, qu’un simple lieu, qu’une vaste béance au centre du continent, et, au pire, une grande surface où ils s’invitent régulièrement afin d’effectuer prédations et rapines. Quant à ceux qui s’abritent derrière le voile pudique de la communauté internationale, leur business n’a jamais varié d’un iota : maintenir et perpétuer la tutelle, sous une forme ou une autre, sur la RDC.
Loin de disculper nos élites politiques, scientifiques et économiques, cette situation, qu’on se le dise, n’a été rendue possible qu’à cause de notre irresponsabilité viscérale, celle qui nous pousse à couper crânement les branches de l’arbre sur lesquelles nous sommes assis, à ne pas nous défaire du suicidaire penchant à nous servir sur la bête, ce « don béni des aïeux » que nous plaisons à détruire et ou à aliéner à vil prix à des rastaquouères et à des forbans.
Plus que jamais les belles et poignantes paroles de notre hymne national « Debout, Congolais ! », etc., devraient nous interpeller tous. Cependant, tant qu’elles resteront toujours au stade des idéaux, de vœux pieux, les anniversaires du 30 juin pourront se succéder, notre destin collectif demeurera condamné. Le destin d’un géant aux pieds d’argile, qui se vautre dans la boue pour y dépérir à petits feux alors que d’autres en extraient des pépites d’or.