Le drame que nous traversons porte un paradoxe vertigineux. La pollution de l’air, plus insidieuse qu’un virus, entraîne environ 67 000 morts par an en France. La crise sanitaire, par le confinement, a entraîné la plus grande chute d’émissions de polluants et de bruit jamais constatée. Et il faut rendre encore une fois hommage à l’abnégation de tout·es et au dévouement des personnels médicaux qui se battent, malgré la pénurie de lits en réanimation, de masques et de tests, pour que le Covid-19 n’atteigne pas un tel niveau de mortalité. Certains spécialistes observent que la baisse de la pollution due au confinement épargnerait probablement bien plus de vies que le virus n’en enlèvera au final.
La crise a mis en lumière l’impréparation et le déni du pays et des sociétés industrielles face au risque épidémique. Elle illustre notre attitude vis-à-vis des catastrophes latentes ou annoncées : pollutions, climat, biodiversité… Toutes aussi destructrices. Un long processus de déconfinement est annoncé à partir du 11 mai.
En milieu urbain, les modes de déplacement seront essentiels pour empêcher le retour de l’épidémie, il nous faut anticiper.
Assainir l’espace public
Paris et les communes limitrophes, constituent une des zones urbaines les plus denses du monde. La question de la place laissée aux piétons sera dès lors essentielle. Les trottoirs sont aujourd’hui exigus et encombrés, notamment de panneaux publicitaires et de motos en stationnement illicite. Qu’il soit habitant, travailleur ou touriste, le piéton doit retrouver l’espace que le «carspreading» (comme le manspreading du métro) lui a enlevé.
Il est même impossible de se croiser sur certains trottoirs trop étroits. Lors de la campagne des municipales 2020, nous avons proposé de piétonniser les rues devant les écoles. Ce doit être fait dès leur réouverture.
Mais il faut aller beaucoup plus loin. Les trottoirs doivent permettre la distanciation sociale pour éviter de nouvelles vagues de contamination. L’enlèvement systématique de tous les véhicules motorisés sur le trottoir doit être dorénavant la règle : les humains d’abord. Surtout, nous devons rendre aux Parisien·nes leur espace vital : élargir les espaces piétons ou piétonniser les rues partout où les trottoirs sont trop étroits, notamment par la neutralisation des places de stationnement ou de voies de circulation motorisée.
Le report modal massif craint vers les véhicules motorisés ne serait pas seulement un énorme retour en arrière, ce serait une voie sans issue. La flambée de pollution mortifère n’aurait d’égal que l’explosion de la congestion automobile. Surpuissante et surdimensionnée, la voiture n’est pas adaptée à la ville dense, encore moins à l’hyperdensité parisienne. Notre espace public ne peut absorber de trafic supplémentaire. Nos poumons non plus. Nous devons agir maintenant pour empêcher ce nouveau désastre urbain et sanitaire qui viendra alourdir encore la crise et les injustices sociales annoncées.
Capitaliser sur l’air pur
Le vélo nous montre la voie. Nous savons tous qu’il est le plus efficace pour les déplacements de moins de 5 km (deux tiers des déplacements). Il permet naturellement la distanciation sociale et est unanimement reconnu pour ses bénéfices sur le système respiratoire et la réduction des risques de diabète et de surpoids, facteurs aggravants de la mortalité du virus. Dans ce contexte, la petite reine est une alternative rassurante aux transports en commun et permettra naturellement de les désaturer. L’heure est venue de faire du vélo le véhicule privé prioritaire en ville.
Il y a un an, nous avons lancé le projet Vélopolitain : un réseau cyclable, continu, capacitaire et protégé sur l’ensemble de la métropole du Grand Paris. Le conseil métropolitain l’a d’ailleurs adopté à l’unanimité en juin. Les associations de cyclistes et l’ensemble des candidats aux municipales le soutiennent. Nous proposions également des mesures d’urgences à mettre en place dès la première année de la nouvelle mandature, notamment la réalisation immédiate du réseau par des aménagements provisoires.
Alors soyons pragmatiques ! Facilitons la vie des habitantes et habitants du Grand Paris au sortir du confinement grâce à des mesures immédiates, peu chères, réalisables sans grands travaux et sans tracking. Des solutions d’abord humaines.
Réaliser le Vélopolitain immédiatement grâce à des aménagements provisoires à l’échelle de la métropole, c’est possible ! Berlin ou Bogotá ont déjà aménagé, parfois en une nuit, des kilomètres de pistes provisoires dans le contexte du Covid-19. A Paris, nous en sommes capables aussi.