Le Congolese Doctor, 63 ans, a été certes ovationné dans son hôpital de Panzi à Bukavu. Mais la Nation ne lui a pas manifesté la même reconnaissance comme à l’international vendredi 5 octobre. C’est bien dommage car c’est le tout premier compatriote à être distingué par l’Académie suédoise. Il n’empêche, ce médecin gynécologue dédie son prix Nobel de la paix aux femmes violées qu’il soigne tous les jours à Panzi.
Denis Mukwege a construit cet hôpital en 1999 pour permettre aux femmes d’accoucher convenablement. Mais le centre devient rapidement une « clinique du viol » lors de la deuxième guerre du Congo (1998-2003) et de ses viols de masse.
Mais très vite, il réalise que son métier sera de réparer les femmes violées en salle de chirurgie. Dans le Sud-Kivu, les groupes armés congolais et rwandais se font la guerre et le corps des femmes est leur champ de bataille. En écoutant les récits de ses patientes, il se forge une conviction : le viol est une arme de guerre utilisée à grande échelle, mais le monde ne veut pas voir.
En octobre 2012, il échappe de peu à une tentative d’assassinat et se réfugie en France, mais revient très vite dans son hôpital. Placé, depuis, sous la protection permanente de soldats de la Mission des Nations unies au Congo (MONUSCO), et largement soutenu par l’Union européenne. Denis Mukwege a déjà soigné quelque 50 000 victimes de viols à l’hôpital de Panzi. « Nous avons pu tracer la ligne rouge contre l’arme chimique, l’arme biologique, l’arme nucléaire. Aujourd’hui, nous devons aussi mettre une ligne rouge contre le viol comme arme de guerre », déclarait-il à l’AFP en 2016.
Il partage le prix Nobel de la paix 2018 avec l’Irakienne Yazidie Nadia Murad (25 ans), ex-esclave du groupe État islamique, qui œuvre aussi à « mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre ». L’un gynécologue, l’autre victime devenue porte-parole d’une cause, incarnent une cause planétaire qui dépasse le cadre des seuls conflits. Ils ont été récompensées « pour leurs efforts pour mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre », a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen.