Des chiffres en porte-à-faux

Parler de ce que gagnent et dépensent les familles en RDC est particulièrement polémique. Entre les chiffres et la réalité, il y a un pas à faire. Et en matière de conditions de vie des ménages, il n’y a pas de réel suivi faute d’enquêtes systématiques. Décryptage.

L’ENQUÊTE emploi de référence en République démocratique du Congo remonte à 2004-2005, réalisée par l’Institut national de la statistique (INS). Elle fournit pour la première fois une image détaillée des principales caractéristiques de l’emploi et du chômage dans le pays. Elle a mis en évidence les grandes caractéristiques structurelles du marché du travail en milieu urbain et en milieu rural. 

Dans son discours sur l’état de la Nation, le 19 juillet, devant les parlementaires réunis en congrès au Palais du peuple, Joseph Kabila Kabange, le président de la République, a dit qu’aujourd’hui, il y a lieu de se réjouir que toutes les réformes entreprises dans le pays depuis 2001aient porté les fruits escomptés.

Les ambitions

Quelques chiffres avancés par le chef de l’État : de 3 milliards de dollars en 1960 et 14 milliards de dollars en 1997, le Produit intérieur brut (PIB) nominale est ainsi monté ce jour à 50 milliards de dollars, à la suite de la croissance économique dont le rythme est passé, pendant la même période, de 1 % en 1960, à –5 % en 1997 pour atteindre 4,2 % cette année, après avoir frôlé les deux chiffres il y a seulement 4 ans, soit un taux supérieur à la moyenne de celui de toute l’Afrique subsaharienne situé à 2,7 %.

Quoiqu’encore insuffisant, au regard des légitimes ambitions du grand Congo, a-t-il par ailleurs souligné, le budget de l’État en ressources propres, qui était de 25 millions de dollars en 1960, 581 millions de dollars en 1997, est remonté aujourd’hui à plus de 4,6 milliards de dollars, alors que les réserves internationales sont, elles, passées de 62 millions de dollars en1960, à 62,8 millions de dollars en 1997, avant d’atteindre 1milliard 150 millions en 2018.

D’après lui, cette « heureuse perspective » est consolidée par le redressement du solde brut d’opinions favorables des chefs d’entreprises passé à près de 18 % en mars de cette année, contre moins de 14 % en décembre 2017. L’inflation annuelle a été contenue à un niveau raisonnable de moins de10 %, tandis que le déficit budgétaire a été totalement résorbé grâce au redressement des recettes de l’État et à l’amélioration substantielle des réserves de change.

Au vu de ces données, et bien d’autres encore, il reste évident, a fait remarquer le président de la République que l’amélioration et la stabilité du cadre macroéconomique du pays a eu un « impact positif » notamment sur les masses laborieuses. Par exemple, la rémunération la plus basse des fonctionnaires de l’État est passée de 35 000 francs en 2010 à 129 000 francs en 2018, et celui du rang le plus élevé de 61 000 francs à 1 400 000 francs. Pour les mêmes périodes, dans le secteur privé, le traitement des agents et cadres est passé de 300 à 1 000 dollars pour les cadres moyens, et de 1 500 à 5 000 dollars pour le plus élevé.

Quant au taux de desserte en eau potable, il est passé, en milieu urbain, de 45 % en 2001 à 53 % en 2017, grâce à la construction ou au renforcement de 7 stations de traitement, 43 forages et 4 captages des sources. 

Dans le secteur de l’éducation primaire et secondaire, le nombre d’enfants scolarisés est passé de 10 millions en 1997 à 22 millions en 2018, soit un taux d’accroissement net de plus de 100 % de nombre d’enfants à l’âge de scolarité, pour un taux de mécanisation des enseignants de 75 % contre 40 % en 1997, et un taux d’accroissement du nombre d’écoles passé de 35 000 à 76 000. Au niveau de l’enseignement supérieur et universitaire, le nombre d’étudiants a connu un taux d’accroissement triennal de 140 % de 2006 à 2018.

Dans le domaine des télécommunications, le taux de la couverture nationale est passé de 5 % en 2001 à 50 % de la population en 2018.Tandis que le nombre d’abonnés est passé de moins de 100 000 en 2001 à 36 millions d’abonnés en 2018. Le taux de couverture en fibre optique est passé quant à lui de 0 % en 2001 à 20 % en 2018. Quant au secteur de l’emploi, le taux de chômage de la population active a connu de 1997 à ce jour, un taux de réduction de 15 %. 

Dans le domaine de la santé, grâce aux efforts déployés depuis 2001, les tendances de la mortalité qui étaient très élevées, ont été inversées. 

Ainsi, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est passé de 213 pour 1000 naissances vivantes en 2001 à 104 pour 1 000 naissances vivantes en 2014. Le taux de mortalité maternelle a aussi substantiellement reculé, passant de 1 289 pour 100 000 naissances vivantes en 2001 à 846 pour 100 000 naissances vivantes en 2014.

Ces résultats sont dus, entre autres aux différents programmes et projets initiés au cours de cette période, notamment celui de la réhabilitation et de l’équipement des structures sanitaires, financé jusqu’à ce jour sur ressources propres à hauteur de 100 millions de dollars et qui a couvert 1 000 centres de santé et 132 hôpitaux généraux de référence, en même temps qu’étaient lancés les travaux de construction de 1 000 autres centres de santé, dans l’optique de doter chacun des 145 territoires du pays d’au moins un centre de santé moderne.

Dans l’absolu, ces données statistiques indiquent que la vie des ménages en République démocratique du Congo a été sensiblement améliorée. Cependant, dans la réalité, on se perd en conjectures. Est-ce que les Congolais d’aujourd’hui vivent mieux que ceux de 1960 ou de 1997 ? Est-ce que le pouvoir d’achat des ménages en 1960 est-il comparable à celui d’aujourd’hui ? Autant de questions qui renvoient à une même réalité : le revenu des ménages pour la consommation.

Débat conceptuel

La consommation des ménages fait aujourd’hui l’objet d’études diverses dans plusieurs domaines, notamment en économie, statistique, sociologie et en démographie. Le débat conceptuel que suscitent ces études revient constamment et occupe une place de première importance parmi les grands agrégats économiques. 

La raison est évidente : la consommation représente plus de deux tiers du PIB dans la plupart des pays, notamment les pays en développement. En clair, la consommation est une fonction économique fondamentale. Elle émane généralement des ménages qui consomment des biens et des services pour satisfaire leurs besoins.

L’économiste Engel avait observé, déjà en 1857, que lorsque le revenu disponible augmente, la part des dépenses consacrée à l’alimentation diminuait au profit des dépenses de consommation consacrée à l’habillement et au logement. En outre, plus l’augmentation est forte plus la part des dépenses de santé, de loisirs et d’hygiène augmente. 

C’est dire que la consommation constitue donc la fonction principale de chaque ménage, et vise à la satisfaction des besoins humains. Pour la comprendre il faudra étudier le comportement du consommateur, qui est lié à des phénomènes sociaux.

Dans un ouvrage intitulé « The Economic Approach of Human Behavior » (en français : L’approche économique dans le comportement humain) publié en 1976 et dans un article sous le titre « A theory of allocation of time » (1965), Gary Becker a montré que le consommateur avait tendance à arbitrer entre les produits non seulement en fonction de leur prix mais également des gains de temps permis par l’usage de ces produits. 

Les contraintes

En d’autres termes, la décision de consommer une quantité déterminée de marchandises requiert un certain nombre de temps minimum alloué aux individus. Les consommateurs doivent ainsi maximiser leur utilité sous la double contrainte du revenu et du temps. Les agents économiques possèdent un revenu disponible qu’ils vont soit utiliser pour satisfaire leurs besoins, alors ils vont consommer, soit épargner. 

En microéconomie, comme le souligne Diemer (2005), la modélisation du comportement du consommateur repose sur trois hypothèses importantes : le choix individuel du consommateur, l’information parfaite sur l’offre de biens ainsi que sur le niveau de ses besoins, l’hypothèse de rationalité qui insiste sur le fait que le consommateur cherche à maximiser la satisfaction retirée d’un bien sous la contrainte de son budget.

Dès lors, l’étude des comportements de consommation est un enjeu majeur de l’analyse économique. Il apparaît donc judicieux de l’appréhender en tenant compte de sa part dans chaque fonction de consommation, c’est-à-dire dans la structure de consommation des ménages, qui du reste est diverse. Une bonne connaissance de celle-ci peut permettre de mieux appréhender certains phénomènes mesurés sur les ménages.