Des compagnies moyen-orientales à la conquête de l’Afrique

Emirates, Qatar Airways et Turkish Airlines volent depuis quelque temps dans le ciel africain. Cela se passe plutôt bien et chacun pense à l’intensification de ses activités. Mais cette présence inquiète déjà les sociétés africaines, à l’instar d’Ethiopian Airlines, Kenya Airways ou encore Royal Air Maroc.

Turkish Airlines avait inauguré ses vols à destination de Kinshasa en août 2012.
Turkish Airlines avait inauguré ses vols à destination de Kinshasa en août 2012.

Turkish Airlines avait inauguré ses vols à destination de Kinshasa en août 2012 avec un Boeing 737-900 d’une capacité de 151 places pouvant contenir 16 passagers en classe affaires et 135 en classe économique. La capitale congolaise a été la 200ème destination de la compagnie aérienne turque. Après Air France et Brussels Airlines, Turkish Airlines est la troisième compagnie à proposer des vols directs entre l’Europe et Kinshasa. Actuellement, elle dessert 42 destinations africaines. Depuis une décennie, son trafic passager en Afrique a augmenté de 20 % par an. Une de ses stratégies sur le continent est de disposer également d’une flotte de petits appareils qui s’adaptent facilement à différentes situations. Les prix des vols sont également abordables. « Notre gamme d’appareils est très large, ce qui nous permet de choisir l’avion le mieux adapté en termes de taille comme de combinaison de classes  et d’en changer quand le trafic croît », affirme Temel Kotil, le président-directeur général de cette compagnie basée à Istanbul et qui ambitionne de devenir le premier transporteur du continent. Pour ce faire, elle est ouverte aux grandes comme aux petites villes. Présente à  Mogadiscio, capitale somalienne depuis 2010,  elle étudie aussi la possibilité de relier Juba au Soudan du Sud, Abuja et Kano au Nigeria, d’ici à la fin de l’année.

De son côté, Emirates compte 26 destinations en Afrique. De 2008 à 2013, cette compagnie basée à Dubaï a augmenté de 62 % sa capacité en ouvrant neuf destinations en cinq ans. Pendant la même période, Qatar Airways, installée à Doha, a connu une augmentation de sa capacité d’accueil. Etihad d’Abou Dhabi a, pour sa part, atteint les 100 %. Depuis le 25 août, la low-cost FlyDubai est allée plus loin des rivages du golfe Persique et du nord de l’océan Indien, pour ouvrir trois nouvelles liaisons au Burundi, au Rwanda et en Ouganda.

Une belle carte à jouer  

L’Afrique, dans son ensemble, est devenue une belle carte à jouer pour les compagnies aériennes du golfe Persique et turque. Elles qui, jusqu’en 2008, ne ciblaient que le Nord et l’Est, montrent désormais un grand intérêt pour l’ensemble de l’Afrique. « La croissance du trafic aérien africain, d’environ 9 % par an, est plus dynamique que les autres. Nous voulons capter ce nouveau marché », indique Hubert Frach, directeur commercial Afrique-Europe-Amériques d’Emirates. « C’est désormais une région stratégique pour nous », avance, pour sa part, Temel Kotil.

L’Afrique, dans son ensemble, est devenue une belle carte à jouer pour les compagnies aériennes du golfe Persique et turque. Elles qui, jusqu’en 2008, ne ciblaient que le Nord et l’Est, nourrissent désormais un grand intérêt pour l’ensemble du continent.

Des échanges économiques de plus en plus croissants entre les pays asiatiques comme la Chine, l’Inde et l’Afrique sont présentés comme le premier facteur qui attire ces transporteurs. Les grands aéroports du Moyen-Orient bénéficient d’une situation géographique qui facilite ces liaisons. Ce rôle de hub profite bien à ces compagnies aériennes. Soixante-dix pour cent des passagers qui voyagent entre l’Afrique subsaharienne et les capitales du golfe Persique n’ont pas ces dernières pour destinations finales, selon le système de réservation aérienne Amadeus. Cependant, la faible couverture des compagnies chinoises, qui ne disposent pas encore d’un réseau développé ni de la qualité de service nécessaire,  fait la part belle à celles du Moyen-Orient.

Selon Hubert Frach, Emirates compte beaucoup de cadres chinois sur ses lignes africaines, notamment pour Luanda où elle passera à trois vols hebdomadaires d’ici à la fin de l’année. « Après les Chinois viennent les Indiens, puis les Australiens. De nombreux cadres de groupes miniers situés à Perth, Sydney ou Melbourne se rendent en Afrique. Ils demandent une prestation haut de gamme que nous sommes les seuls à pouvoir offrir », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Chaque nouvelle destination au départ de Dubaï est un argument supplémentaire en notre faveur, notamment auprès de notre clientèle des pays africains, dont les aéroports sont souvent mal reliés au reste du monde. Nous cherchons à rendre la correspondance la plus agréable et la plus courte possible ».

Si Turkish Airlines, qui n’est pas dans le golfe Persique, ne profite pas assez de ces va-et-vient chinois ou indiens en Afrique, elle tire profit de la présence des investisseurs russes sur le continent. Ces derniers se retrouvent particulièrement dans l’industrie extractive et font beaucoup d’allers et retours entre l’Afrique et la Russie. Turkish Airlines profite aussi des voyages d’affaires de ressortissants turcs. Ces échanges avec l’Afrique représentent désormais 20 % du commerce extérieur d’Ankara.

Des concurrents de taille 

Les compagnies africaines qui assurent la liaison Afrique-Asie ne cachent plus leurs inquiétudes face à la présence de celles du Moyen-Orient, qui viennent les étouffer sur leur propre terrain. Elles ont notamment exprimé ces inquiétudes lors de la dernière assemblée générale de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), en novembre 2013, à Mombasa, au Kenya. Ethiopian Airlines, Egypt Air, Kenya Airways, Royal Air Maroc, Asky Airlines ou encore South African Airways ont devant eux des concurrents de taille qui proposent un service de qualité. Ces derniers, issus d’États pétroliers, ont aussi l’avantage de s’approvisionner facilement en carburant et à un prix faible par rapport aux compagnies africaines. « Les compagnies du Moyen-Orient sont nos concurrentes internationales les plus agressives sur le continent. Elles bénéficient même souvent d’un accueil favorable de la part des États africains, dont les dirigeants apprécient les émirats du Golfe », reconnaît Henok Teferra, vice-président chargé du développement international  à Ethiopian Airlines.