L’ENRICHISSEMENT en République démocratique du Congo est ni moins ni plus « une offense à la misère généralisée dans laquelle croupissent la majorité de la population et des familles entières », avaient souligné les évêques catholiques en juillet 2009. « Ayant perdu le sens de l’État et de sa finalité, certains dirigeants ne se soucient guère de la population. Ils ne se préoccupent que de leurs affaires et de leurs propres intérêts pour lesquels le bien commun est sacrifié », écrivaient-ils.
En somme, ont-ils constaté, nous assistons à un renversement des priorités et des valeurs : les affaires privées ont pris le dessus sur le bien de l’ensemble. « N’est-ce pas cela qui explique entre autres le mépris des lois jusqu’au manque de respect de la Constitution, Loi Fondamentale, pour asseoir notre jeune démocratie et redonner confiance en l’ordre social.
Changer notre échelle de valeurs
Les évêques ont souligné : « L’espérance chrétienne nous engage à croire et à affirmer que malgré ces dérives, l’avenir prospère et heureux du Congo envisagé par les pères de notre indépendance n’est pas une vaine utopie. Nous comptons en effet sur le Seigneur qui nous a donné ce pays et nous entoure de sa protection continuelle ». Mais, posent-ils, pour que cet avenir devienne réalité, il nous faut aussi changer notre échelle de valeurs, opérer des choix courageux et judicieux et prendre le plus bel élan pour bâtir un Congo nouveau.
« Quand les dirigeants d’une nation n’ont plus le sens de leurs responsabilités et qu’ils se pervertissent dans la recherche d’un enrichissement facile et sans scrupule, dans la criminalité économique, où voulez-vous que cette nation aille sinon vers son effondrement ?
« Il est impérieux de nous forger une nouvelle échelle de valeurs par rapport aux antivaleurs qui déconstruisent le tissu éthique de notre société. Quand une société perd les repères fondamentaux comme ceux du bien commun, de l’organisation sociale de la vie, de l’engagement pour l’intérêt de tous ; lorsqu’une société s’enferme dans l’accoutumance à la violence et dans la perversion des mœurs ; quand les dirigeants d’une nation n’ont plus le sens de leurs responsabilités et qu’ils se pervertissent dans la recherche d’un enrichissement facile et sans scrupule, dans la criminalité économique, où voulez-vous que cette nation aille sinon vers son effondrement ? », interrogeaint les évêques catholiques.
D’après eux, il est donc temps que le peuple et les dirigeants se rappellent qu’il existe des valeurs fondamentales sans lesquelles la vie, le progrès, le développement et le bonheur de la nation ne sont pas possibles. « Ce sont notamment ces valeurs du bien commun, du respect absolu de la Loi fondamentale, d’un développement solidaire qu’il nous faut redécouvrir ».
D’après eux, il s’agit de faire le choix pour une politique d’engagement communautaire, une éthique d’un enrichissement mutuel, du bonheur partagé et de mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il mérite. « Le dirigeant congolais, à quelque échelon qu’il soit de son pouvoir, doit se rappeler que l’idéal politique est un idéal éthique. La responsabilité de poursuivre le bien commun revient non seulement aux individus, mais aussi à l’État, car le bien commun est la raison d’être de l’autorité politique »
D’après eux, la justice sociale crée un climat de paix et d’harmonie dans la société du fait que la loi protège tout citoyen des exactions et de tout abus de pouvoir. Une telle justice implique l’existence d’un État de droit, dans lequel personne ne concentre tous les pouvoirs entre ses mains.
« La justice sociale et distributive doit être promue car elle offre à tous une égalité de chance fondée sur les mérites objectifs et non sur le clientélisme. Cette égalité de chance permet à l’État et à ses institutions de garantir le bien commun et de promouvoir un développement solidaire et intégral du pays ».
La corruption vient contredire tous ces principes en instaurant comme norme l’intérêt égoïste, le népotisme, le tribalisme et le détournement. « Il faut dès lors mener une lutte sans merci contre la corruption si nous voulons que notre pays se développe de manière harmonieuse. Le succès de cette lutte est aussi fonction de l’engagement de la population appelée à sortir de sa passivité pour dénoncer la corruption et éviter ainsi de devenir complice d’un mal dont elle est elle-même la première victime ».
D’après eux, il est plus que temps que la formation et l’information du peuple soient considérées comme l’une des priorités de l’État et de la classe politique. « Seul un peuple formé et informé deviendra capable de jouer son rôle. La formation doit viser à lui redonner des repères moraux, les seuls capables d’humaniser ses rapports avec ses semblables et de les servir dans la justice et l’honnêteté. L’absence d’une opinion publique bien formée dans notre pays, capable de peser sur les décisions n’encourage pas le contrôle de ceux à qui le peuple a confié un mandat ».
D’après eux, l’Église catholique a pris la mesure du défi de l’éducation tant spirituelle, morale que civique aux fins de former le nouvel homme congolais capable de résister face à la dictature d’un gain facile et de l’avoir. Elle s’engage à poursuivre son programme d’éducation civique axé sur la participation des citoyens à la gouvernance locale et la lutte contre la corruption.
D’après eux, l’heure a donc sonné pour nous lever afin de reconstruire notre pays sur des bases solides. « Après avoir été, comme le dit notre hymne national, ‘longtemps courbés’, dressons nos fronts, tenons-nous droits et restons dynamiques pour aller plus loin. Toutes les couches sociales du peuple doivent pleinement assumer leur part de responsabilité afin que surgisse une société congolaise nouvelle ». Dans ce contexte, les évêques exhortent tous, gouvernants et gouvernés, à vivre aujourd’hui cette parole du Seigneur : « lève-toi et marche » (Marc2 : 9. 11).
Se mettre debout
À un an du cinquantenaire (jubilé d’or) de l’indépendance de la RDC, les évêques avaient clairement fixé le cap : « L’impératif doit maintenant être clair et absolument décisif : nous mettre debout en vue de construire notre destinée ».
Au regard de cet impératif, les évêques avaient décrété l’année pastorale 2009-2010 « l’Année du Jubilé ». C’est-à-dire « une année de grâce pour notre pays, une année de renouveau et de joie, une année de retrouvailles avec Dieu, pour mettre fin aux pratiques de corruption et de vénalité qui détruisent la nation et bâtir avec Dieu dans la justice, un Congo solidaire, prospère et heureux ».
Ils demandaient donc à tous les fidèles de s’adonner particulièrement à « une fervente prière et aux actes de repentance pour le passé, afin d’obtenir de Dieu de toute bonté et de toute miséricorde, l’abondance de grâces divines, la paix profonde et durable et la marche irréversible vers le progrès et la prospérité pour tous, sans acception de personne ».