Depuis que l’Union européenne a retiré sa coopération en matière d’assainissement de la capitale, l’Hôtel de ville est en mauvaise posture, notamment pour évacuer au quotidien les tas d’immondices à travers la ville. Les spécialistes chiffrent à 2,4 millions de dollars par mois, l’argent nécessaire pour assainir Kinshasa. L’exécutif urbain a beau miser sur les 40 % de la rétrocession des recettes nationales par le gouvernement central aux provinces. En 2016, l’échange entre le 1ER Ministre Matata Ponyo et le gouverneur Kimbuta Yango a été frontal à ce propos. Comme dans une partie de ping-pong, les deux se renvoyaient la balle sur la gestion des immondices dans la capitale par médias interposés. Entre les deux dirigeants, issus du même bord politique (PPRD), ç’a été le Je t’aime moi non plus. Kimbuta revendiquait les 40 % de la rétrocession des recettes nationales, pour, entre autres, s’occuper au quotidien de la salubrité dans la capitale. Tandis que Matata s’estimait dans son droit d’agir en urgence face à la défaillance de l’exécutif urbain dans la gestion des immondices. Au cabinet de Matata, ses conseillers laissaient entendre que le problème d’assainissement de Kinshasa est si crucial pour laisser entre les mains des « gens irresponsables ».
Le vent est passé mais la problématique de l’assainissement de la ville de Kinshasa. Bien plus, elle soulève des inquiétudes car dans une dizaine d’années, si rien n’est fait, Kinshasa va disparaître… Le gouvernement provincial est très attentif aux problèmes d’aménagement de la capitale, rassure son ministre du Plan, Robert Luzolo. Mais comment s’y prendre ?
État des lieux
La situation au niveau national dans ce secteur est caractérisée par l’incapacité des ménages à accéder à un système d’évacuation des déchets solides et liquides, des eaux usées et des ordures ménagères; la faible accessibilité des ménages aux latrines hygiéniques ou à des installations sanitaires améliorées ; l’inexistence des décharges publiques appropriées ; le mauvais état des ouvrages de drainage des eaux usées dans les villes et dans les campagnes. Elle résulte aussi de l’absence de tout système approprié d’élimination des déchets spéciaux (déchets biomédicaux, déchets plastiques, ferrailles…) ; de la pollution sonore et la pollution de l’air excédant les normes requises dans les grandes villes ; et du faible accès de la population rurale à l’eau potable de qualité.
Ce mauvais état de l’environnement serait, suivant une étude réalisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à la base de plus de 80 % des cas de maladies diagnostiquées en RDC. La tâche consiste à élaborer un plan global d’assainissement des grandes villes du pays, en étroite collaboration avec les organisations de la société civile, les ONG et les communautés de base. Il s’agit aussi d’accroître les moyens d’intervention de l’Office des voiries et drainage (OVD) en vue d’aménager des systèmes efficients de drainage et d’évacuation des eaux usées des grandes villes ; renforcer les capacités financières, opérationnelles et techniques des services de l’État en charge de l’assainissement du milieu ; équiper et installer les brigades communales et territoriales d’assainissement… Il est enfin question d’installer les collecteurs primaires, secondaires et tertiaires dans les centres urbains et périurbains ; mettre en place des réseaux d’égouts, de latrines à fosse ventilée, des fosses septiques de toilettes publiques ; faire la collecte et le traitement des déchets en milieu urbain ; développer un programme d’éducation à l’hygiène et à l’assainissement ; ouvrir les décharges publiques gérées par les privées selon les modalités à convenir avec l’État…
Un grand potentiel
Au-delà donc de la controverse sur les approches « politiques » en présence concernant la gestion de la salubrité de Kinshasa, des experts de la ville recommandent à l’exécutif urbain de se tourner vers l’autofinancement. En principe, les villes disposent d’un plus grand potentiel en matière de recettes locales. Premièrement, expliquent-ils, l’économie urbaine plus vaste constitue une base importante pour les taxes locales, même si son caractère essentiellement informel rend l’imposition difficile. Deuxièmement, les propriétés urbaines de valeur constituent elles aussi une base fiscale potentielle importante, bien que l’absence de titres de propriété bien établis en empêche la mise en œuvre. Troisièmement, le pouvoir d’achat plus élevé et le plus dense regroupement géographique des ménages urbains rendent plus aisé le recouvrement d’une part significative des besoins de financement de l’infrastructure. La dette à long terme reste une alternative (du moins théoriquement), mais peu de villes africaines ont une solvabilité suffisante pour organiser eux-mêmes le financement de leur dette, et les rares exemples (Afrique du Sud et Zimbabwe) ont mis en évidence la faiblesse du système et la nécessité d’une notation impartiale du crédit. Les villes plus grandes disposent d’une assise économique plus large et de plus d’autonomie pour lever leurs propres impôts. Cependant, les recettes fiscales sont souvent transférées vers les pouvoirs publics centraux, et des facteurs politiques entravent l’application des taxes sur la propriété. Bien que les villes africaines génèrent 80 % des recettes fiscales des pays, elles n’en obtiennent en fin de compte que moins de 20 %. D’autre part, les zones urbaines plus grandes sont censées avoir moins de responsabilités de dépense dans la mesure où elles sont souvent desservies par des prestataires de services nationaux (par exemple, pour l’eau et l’électricité). Ce qui les dégage de certaines dépenses budgétaires qui autrement leur reviendraient.
Dans des villes comme Kinshasa (RDC), Dar es-Salaam (Tanzanie) ou Nairobi (Kenya), une amélioration des institutions de gestion des terres pourrait ouvrir la porte à une augmentation des recettes municipales liées à la propriété, à une plus grande utilisation des terres, à des recettes sur les ventes pour l’État et à un financement privé supplémentaire. Ainsi, Le Caire a organisé la vente aux enchères de plusieurs terrains reconvertis, qui ont ajouté 10 % au budget de la ville. Celle-ci a également accordé à des infrastructures privées des permis de construire sur des terrains publics. Pour les grandes villes de Chine, la location de terrains est la méthode habituelle pour mobiliser des ressources, de même qu’à Mumbai et à Bangalore en Inde.
Dans 11 pays africains, la mise en place d’un système d’adressage des rues dans les principales municipalités a permis à celles-ci d’augmenter de près de 50 % leur facture fiscale, avec un taux de recouvrement de 90 %. Au Burkina Faso, en
Mauritanie et au Togo, l’adressage des rues a aidé à recenser la base fiscale locale et à appliquer la taxation résidentielle. Au Bénin, la gestion décentralisée a permis une hausse de 82 % des recettes municipales à Cotonou, de 131 % à Parakou et de 148 % à Porto Novo, avec également une amélioration des taux de recouvrement. Dans les zones rurales, ce sont les transferts complétés par des fonds centralisés qui prévalent. Beaucoup de pays ont essayé de financer l’investissement rural en introduisant des mécanismes de financement centralisés pour attirer vers l’infrastructure rurale des fonds d’affectation spéciale de l’État ainsi que des ressources des donateurs.
Ces mécanismes comprennent des fonds pour l’alimentation en eau en milieu rural (90 % des pays), pour l’électrification rurale (76 %), et pour les télécommunications rurales (29 %). Pour l’électricité, les fonds ruraux accélèrent l’expansion de la couverture de la population rurale : on observe une croissance annuelle de 0,72 % dans les pays où ces fonds existent, par rapport à la contraction annuelle de -0,05 % dans les autres. Pour les fonds destinés à l’eau et aux TIC ruraux, on n’observe pas de différence significative dans les taux d’expansion.
Les fonds de l’État central peuvent aussi soutenir la maintenance de l’infrastructure rurale. Pour surmonter les problèmes liés à l’inadéquation de l’entretien, beaucoup de pays allouent une partie des fonds recueillis pour les routes nationales à la maintenance du réseau rural (60 % des pays). Cette décision peut s’avérer une bonne stratégie : les pays qui consacrent aux routes rurales au moins 0,015 dollar par litre de leurs taxes sur les carburants ont une proportion de routes rurales en bon état bien supérieure à ceux qui en allouent moins (36 % contre 21 %).