Des livres et des contes pour apprendre aux enfants à protéger le magnifique patrimoine naturel et culturel du pays

En ce moment, l’Espace Culturel Texaf Bilembo s’est transformé en un laboratoire de découverte des merveilles de la biodiversité de la RDC aux élèves mais aussi faire d’eux des défenseurs de ce riche patrimoine naturel. Au total, six écoles participent à ce projet réalisé en partenariat avec la délégation de l’Union européenne.

Comment, en ce matin de mardi 8 décembre, malgré la pluie qui s’est abattue sur la capitale, ne pas être ébloui par la performance des élèves de 6è primaire des écoles Lisanga (Gombe) et Minzoto (Mont Ngafula). Une belle prestation sur les tréteaux de l’Espace Culturel Texaf Bilembo qui va marquer la success story d’un projet de sensibilisation des enfants aux enjeux conçu sous forme de quatre ateliers, chacun de 2h30, à l’intention des élèves de six écoles. Ce jour-là, en guise de présentation (scénette ou saynète), c’était une brillante restitution du conte « Village en danger » devant  Alexis Thambwe Mwamba, l’ordonnateur national délégué du FED (Fonds européen pour le développement), et Virginie Miadi Yabo, la gestionnaire de projets coordination. 

Résumé du conte : « Aux abords d’une forêt en survie, la population d’un village s’inquiète. Chaque soir, un hibou hulule tristement. La femme du chef rappelle aux habitants que les Anciens avaient des animaux protecteurs. Il faudrait rappeler ces animaux emblématiques pour comprendre ce que signifie le présage. Chimpanzé, calao et perroquet arrivent un beau matin et dressent le constat: mauvaise gouvernance et déforestation ont pour conséquence une grande famine. Les solutions proposées par les animaux permettront alors aux hommes de redresser la situation: forêt protégée et biodiversité retrouvée; potagers sédentaires, cultures pour l’alimentation quotidienne et agriculture produisant des revenus. Le village voit son économie redémarrer et des écoles peuvent se construire. De nouveaux métiers orientés vers la connaissance de la forêt sont valorisés. » 

« C’est le fruit de la formation de 10h aux enjeux environnementaux que ces élèves ont reçu, et à l’issue de laquelle chacun d’eux a reçu le livre SOS Planète Congo. Ils deviennent dès lors des porteurs de message auprès de leurs familles et des autres élèves dans leurs écoles. Les professeurs, très motivés, ont reçu également leur exemplaire, qui devient un manuel de formateur. En 2021 des séances de formations seront organisées pour renforcer les acquis », explique Chantal Tombu, la directrice et commissaire d’exposition de l’Espace Culturel Texaf Bilembo.

L’événement de ce mardi 8 décembre n’est qu’un détail. Le projet est un tout : « C’est un partenariat avec l’Union européenne (UE), validé par la Cellule d’appui technique à l’ordonnateur national du FED (COFED), qui permet aux élèves d’assister aux ateliers et de repartir chacun avec une publication. Six  écoles sont retenues pour ce beau projet. Il s’agit de Lisanga, Liziba, Minzoto Righini à Lemba, Minzoto à Mont Ngafula, EPA 1 Sainte Marie, et Source de Vie à Royal. Les classes ciblées sont celles de sixième année primaire. Soit au total 500 bénéficiaires, qui seront eux-mêmes des porteurs de message au sein des familles et des écoles. » L’initiation dans le cadre de ces ateliers de formation se fonde sur le livre SOS Planète Congo : Contes de la Forêt et de Dame la Lune pour les Bana Congo et leurs parents. « C’est un livre de 240 pages, illustré et documenté, à la fois poétique et scientifique. C’est le manuel de formateur des professeurs mais aussi le cadeau que chaque élève reçoit à l’issue de 10h de formation environnementale. » Les quatre chapitres du livre sont construits autour des enjeux environnementaux d’aujourd’hui en République démocratique du Congo et sensibilisent à travers quatre histoires sur des patrimoines naturels et culturels oubliés et en péril. 

Des héros animaliers sont face à des périls et proposent des actions et des solutions. Les trois premiers contes préparent le quatrième : solidarité entre les animaux, solidarité des animaux envers les hommes, solidarité des arbres et des animaux et enfin solidarité de tous pour une biodiversité protégée et un avenir sociétal meilleur. Chaque conte proposé comporte un chapitre avec le conte illustré, un chapitre « Biodiversité » présentant l’animal héros et son environnement, un chapitre « Culture » présentant des objets anciens inspirés des héros animaliers, un chapitre « Quizz » avec correctif et un chapitre « Pour en savoir plus ». 

Panique dans la forêt

Dans le conte « Panique dans la forêt », un groupe de perroquets gris du Gabon découvre avec stupeur que les hommes ont déboisé et incendié une partie de leur forêt. Lorsqu’ils arrivent sous le couvert forestier, ils retrouvent avec soulagement la fraîcheur des arbres et la compagnie paisible des antilopes et d’un caméléon. Soudain, le doyen des perroquets sonne l’alerte du haut de la canopée. Les braconniers ont tué un des derniers bébés Bongo. Ils ont enfreint la loi de la CITES, cette Convention internationale qui protège en RDC les animaux du braconnage. Désemparés, les animaux n’ont comme seule solution que de fuir le monde des hommes. Ils se sauvent dans la grande cuvette, guidés par Tsetsi, une petite antilope qui représente traditionnellement le courage et l’astuce. Tsetsi va transporter sur son dos le caméléon, trop lent. La morale de ce conte est la solidarité entre les animaux et leur rejet du monde des hommes. 

« Nous voici au cœur d’une merveilleuse aventure : le premier atelier permet aux élèves de s’immerger dans la forêt du grand Fleuve, d’entendre les bruits de l’eau, du vent, des animaux. Mais aussi la tronçonneuse, les coups de feu, le souffle du feu… 

Ensuite le conte Panique dans la Forêt évoque le premier drame : le braconnage intensif et la perte massive de biodiversité animale, ainsi que la destruction de la forêt. 

Les guides expliquent à partir d’images projetées et de jeux les concepts d’espèce umbrella, clef de voute, chaîne alimentaire, zoochorie et animaux jardiniers. Des jeux sont proposés afin de replacer au bon endroit des plaquettes en bois représentant les animaux emblématiques sur une grande carte du pays qui répertorie les réserves et parcs principaux. Un autre jeu aborde les différents écosystèmes du pays tandis qu’une projection et des extraits de camera permettent au public d’observer les animaux sauvages dans leur habitat naturel : éléphants, bongos, gorilles, oryctéropes, pangolins, chimpanzés, hippopotames, calaos… »

Sous le grand ficus, le guide crée une autre ambiance : c’est alors un voyage dans les racines culturelles du passé, avec la découverte de l’école traditionnelle de la mukanda et de la science des Anciens au niveau de leur environnement : masques, objets culturels racontent leurs secrets et valorisent les savoirs et savoir-faire d’autrefois. Ce sont des codes secrets qui assuraient la cohésion de la communauté, la solidarité et la responsabilité. Au terme de cette initiation les enfants  jouent à un jeu de cartes Quizz et prennent conscience des méfaits du braconnage, de la déforestation et de l’agriculture sur brûlis. Ils replacent les séquences du conte dans le bon ordre et fixent la logique du conte. 

Village en danger

Le deuxième atelier autour du conte « Village en danger » plonge les élèves dans un village qui a détruit sa forêt et est aujourd’hui menacé par la famine. Un parcours dans la nature et autour d’objets culturels sensibilisent les enfants à l’importance de la forêt pour la vie rurale, à sa richesse en biodiversité. Deux jeux (le jeu du chimpanzé et Batela Mboka) et un documentaire permettent de comprendre pourquoi l’agriculture itinérante sur brûlis, le braconnage et la déforestation sont dangereux pour le présent et l’avenir de la nation et comment on peut protéger durablement la forêt, en pratiquant des jachères vertes et une agriculture sédentaire.  Le conte met l’accent sur le rôle des animaux jardiniers, qui sont les garants d’une forêt en bonne santé. 

« Dans le jardin de Texaf Bilembo, les élèves mesurent la circonférence des arbres, touchent des litières sous les cacaoyers, identifient des lianes de vanille, différencient des feuillages, l’humus, la canopée et observent l’effet purifiant de certaines plantes sur l’eau… Ils expérimentent le toucher, l’odorat et le goût et palpent la nature. Avec le jeu Batela Mboka (Protège ton village), les élèves sont confrontés à des photographies rurales prises dans le pays. Selon les thèmes représentés, ils gagnent ou perdent des points et doivent retirer dans une tour les briquettes qui correspondent aux ressources. Ils se rendent compte ainsi que les ressources sont liées, s’épuisent et que nos actions ont un impact sur l’environnement et sur le paysage climatique. Trois tables avec des pions leur permettent de prendre conscience de l’augmentation de la démographie en quelques décennies. » 

Un silence inquiétant 

C’est au tour des oiseaux familiers des jardins de s’inquiéter de l’avenir de leur forêt. Eux qui ont l’habitude d’effectuer des va et vient entre les arbres du jardin et les arbres de la forêt, s’inquiètent du silence de celle-ci. Que se passe-t-il donc ? Les héros de ce conte partent interroger les arbres. Ceux-ci racontent aux oiseaux le départ de leurs jardiniers. 

« Le troisième atelier s’attarde sur les multiples rôles de l’arbre et stimule les 5 sens : quatre tables présentent graines et semences, tissu en fibres et en écorce, pharmacie naturelle, produits de transformation et une mini collection de bois du pays, différents tant au niveau de leur densité que de leur couleur. 

À nouveau un film et des jeux permettent un apprentissage ludique. Une réflexion sur le recyclage introduit l’usage de briquettes réalisées à partir de déchets urbains comme combustible et moyen d’épargner les forêts. » 

La quête des Bana Congo

Dans « La  quête des Bana Congo », Dame La Lune s’inquiète de l’avenir de la Planète Congo. Elle envoie ses jumeaux chéris enquêter auprès des animaux qui vivent dans les aires protégées. 

D’animaux en animaux, des lieux en lieux, les Bana Congo identifient les actions humaines sur l’environnement et les bienfaits d’une biodiversité protégée. Le merveilleux illumine ce conte, tragique et empli d’espoir. C’est un animal paradoxal, le pangolin, qui fournira aux enfants le mode d’emploi d’un avenir meilleur.

« Le quatrième atelier est une synthèse. Le conte émerveille et fascine. Il permet aux élèves de faire les points sur les périls qui menacent les aires protégées et sur les solutions proposées aux hommes qui vivent près des parcs. Des projets récents et réussis sont proposés comme modèles. L’oryctérope et le pangolin,  animaux issus de la mythologie congolaise expliquent aux enfants combien il est temps de réagir pour mieux vivre. Des figurines en 3D sont placées par les enfants dans les parcs principaux. Ils décrivent en quelques mots les différents écosystèmes qui sont leurs habitats. » 

Des concepts comme la REDD et le stockage de carbone par les arbres sont abordés. Un dernier jeu sensibilise les élèves à la protection de la forêt primaire par la plantation d’un bouclier d’arbres à chenilles, d’arbres fruitiers, d’agrumes et d’acacias autour de la forêt. Ce jeu est une synthèse qui aborde les terroirs différents, l’importance des chenilles comme source d’alimentation, le rôle de l’arbre contre les érosions et pour attirer la pluie, la variété des espèces et leur complémentarité. En finale, le quizz permet des débats et de fixer les enjeux.

Bien entendu, le projet ne se réduit pas à ces quatre ateliers de formation à la sensibilisation aux enjeux environnementaux en RDC. En 2021, l’équipe de l’Espace Culturel Texaf Bilembo assurera d’autres des formations pour les formateurs et des évaluations du projet seront menées dans ces écoles.