En annonçant le 30 juin la mise en circulation d’une nouvelle série de coupures de franc congolais, la Banque Centrale du Congo (BCC) a voulu jouer sur le symbole. Celui de faire coïncider la date de l’accession du pays à la souveraineté internationale et nationale avec l’émission de la première série de billets du franc congolais depuis près de 20 ans et de la deuxième série depuis 6 ans. Selon l’Institut d’émission, les anciennes coupures de 500, 1000 et 5 000 CDF ne sont pas démonétisées. Elles resteront en circulation malgré la présence de nouvelles coupures de même valeur faciale.
La Banque Centrale du Congo (BCC) explique que la mise en circulation de nouvelles coupures à partir d’août 2018 est la première étape d’« une vaste opération de révision fiduciaire de la monnaie nationale ». La seconde étape consistera à la mise en circulation d’autres séries de remplacement échelonnée sur l’année 2019. Outre la sécurité de la monnaie nationale, explique-t-on, l’opération jugée « très sensible » entre dans le cadre de la stabilisation du cadre macro-économique.
En effet, l’opération intervient au moment où dans la capitale la méfiance est encore perceptible vis-à-vis des coupures de 20 000, 10 000 et surtout 5 000 CDF. Cette méfiance est née du moment où on avait signalé dans la circulation des faux billets de ces coupures. Cette situation « déplorable » a affecté la coupure de 5 000 CDF au cours du premier trimestre de 2017, précise la BCC, malgré le démenti formel de l’autorité monétaire. Par ailleurs, la BCC dénonce « la multiplication des attaques des contrefacteurs contre la monnaie nationale ».
Selon des observateurs, il faut de la baraka dans un contexte préélectoral. La surenchère politique risque de compromettre cette opération en durcissant la méfiance de la population vis-à-vis de nouvelles coupures. Après une relative période (2012-2015) de relative stabilité macroéconomique et monétaire, consécutive à l’embellie des cours des matières premières, dont le cuivre, et dans la réduction du poids de la dette extérieure sur les finances publiques, de 14 milliards de dollars sous Mobutu à pratiquement 4 milliards de dollars en 2009, le franc a entamé une courbe descendante.
En 2012, le taux de change entre le dollar et le franc se situait à près de 960 FC pour 1 dollar (CDF/USD = 960) au niveau de la Banque centrale et autour de 985 FC (CDF/USD = 985) au niveau des banques commerciales. Selon les projections de la BCC, l’inflation devrait rester à environ 3 % en 2016. Mais ce pari n’a pas été gagné au regard du comportement de la monnaie nationale face au dollar. La parité sur le marché est actuellement de 1 640 FC pour 1 dollar (CDF/USD = 1640) après avoir frôlé la barre de 1 800 FC pour 1 dollar au premier trimestre de 2017. Entre le taux officiel et le taux parallèle, l’écart est moindre.
Le taux de change d’une monnaie est son cours ou son prix par rapport à une autre (devise). Il est fixe ou flottant. Il est constant par rapport à une monnaie de référence, le dollar ou l’euro, sur décision de l’État qui émet cette monnaie. Autrement dit, il ne peut être modifié que par une décision étatique de dévaluation ou de réévaluation. C’est notamment le cas du franc CFA (1 euro = 650 FCFA).
Tandis que le taux de change est flottant quand il est déterminé à chaque transaction par l’équilibre entre l’offre et la demande sur les marchés des changes. C’est, par exemple, le cas du franc congolais par rapport au dollar. Il s’agit d’un marché mondial interbancaire des monnaies, de moins en moins centralisé sur des lieux spécifiques de cotation et d’échanges, car reposant sur des liaisons informatiques entre banques. L’inflation est donc l’expression de la perte du pouvoir d’achat de la monnaie, qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix.
Ainsi, suite à la dépréciation du franc, les prix de principaux produits de consommation courante flambent sur le marché. Dans les marchés, la valse des étiquettes est quasiment quotidienne, surtout pour les produits alimentaires importés…
D’habitude, la BCC mesure l’inflation deux fois par semaine à travers l’indice des prix à la consommation, lui-même calculé sur la base de la tarification d’un panier de biens et services (440 articles) sur 7 principaux marchés de la ville de Kinshasa. Les réserves de change de la RDC étaient de 1,32 milliard de dollars, couvrant plus d’un mois d’importations, avant la crise des cours des matières premières. Actuellement, elles ont retrouvé ce niveau après avoir piqué du nez, en se situant en-deçà de 800 millions de dollars.
Produit de la vente des matières premières (cuivre, cobalt, pétrole, etc.), les réserves de change permettent de soutenir le franc et encouragent l’afflux de capitaux étrangers. Quand les cours des matières premières chutent, les réserves de change périclitent.
Régimes de change
Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), les régimes de change en Afrique subsaharienne influent, depuis 1980, sur l’inflation, la croissance économique et sa volatilité (résultats macroéconomiques) ainsi que sur les résultats budgétaires, comparés à ceux d’autres pays émergents et en développement. Comme ailleurs, les régimes de change varient considérablement, même si cette région se distingue par la nette prépondérance des régimes d’ancrage du taux de change, qu’appliquaient près de 60 % des pays en 2014. Au fil du temps, des pays qui appliquaient des régimes plus flexibles ont migré vers des régimes moins flexibles, en particulier après la crise financière mondiale de 2008.
Dans le cas des pays d’Afrique subsaharienne, souligne le FMI, cela semble tenir au fait qu’un grand nombre de pays exportateurs de produits de base se sont efforcés de contrer l’appréciation nominale de leur monnaie face à l’afflux de devises lorsque les cours de ces produits étaient élevés. Comme l’ancrage de la monnaie va de pair avec la discipline monétaire et la crédibilité qui en découle, les pays d’Afrique subsaharienne à régime de change fixe ont connu une inflation plus modérée que les pays ayant des régimes plus flexibles. De surcroît, les régimes d’ancrage du taux de change ont servi à assurer une certaine discipline en matière de politique budgétaire. Mais, sur la période la plus récente, les taux de croissance des pays qui appliquent ce régime ont aussi été inférieurs de 1 à 2 points de pourcentage à ceux des pays appliquant des régimes plus flexibles.
Pour le FMI, des politiques d’accompagnement sont donc nécessaires pour tirer profit au maximum de chaque régime. Il recommande notamment de procéder à des réformes structurelles pour renforcer la croissance et la compétitivité dans les pays à régime d’ancrage du taux de change, et à un ajustement budgétaire qui ne nuise pas à la croissance dans plusieurs de ces pays où, à l’heure actuelle, le bas niveau des cours des produits de base a sensiblement amputé les recettes d’exportation et les recettes budgétaires.
Dans les pays à régime de change plus flexible, la mise en place de cadres de politique monétaire reposant expressément sur un mandat de stabilité des prix peut soutenir le régime de change, de même que l’application de politiques budgétaire et monétaire suffisamment restrictives pour contenir les tensions inflationnistes engendrées par la dépréciation de la monnaie.