La production de cette plante, principale culture vivrière du pays et source de revenus pour des millions de Congolais en milieu rural et périurbain, est en baisse. C’est pourquoi des structures paysannes essayent de la relancer et de lui donner de la valeur ajoutée.
«La consommation du manioc est très élevée en RDC. Un Congolais consomme en moyenne 453 kg de tubercules de manioc par an, soit l’équivalent de 145 kg de farine de manioc. Les feuilles de manioc sont placées à l’avant-plan de tous les légumes à feuilles au pays et à Kinshasa, en particulier. Dans un ménage de 10 personnes, 7 à 8 d’entre elles consomment environ 4 kg de manioc par semaine », indique un rapport publié par une Organisation non-gouvernementale suédoise en 2013. En dépit de cette importance significative dans les habitudes alimentaires des Congolais, « la production de manioc est en régression ces dernières années », selon les experts de l’Institut international d’agriculture tropicale (IISTA). « Elle est passée de 18, 5 millions en 1995 à 14, 5 millions en 2012. Il faudrait à la RDC 3,5 milliards de mètres de boutures de manioc de bonne qualité pour arriver à augmenter cette production », précise la même source.
L’engagement des ONG
Conscientes de cette situation, de nombreuses ONG de développement du secteur agricole, notamment dans la filière manioc, multiplient des initiatives dans l’encadrement des paysans et développent diverses stratégies pour améliorer les techniques culturales en vue d’augmenter la productivité du manioc. Certaines tentent d’imprimer un vent de modernité en mettant en place, hormis l’utilisation des méthodes traditionnelles, des unités semi-industrielles ou industrielles pour assurer la transformation du manioc en divers produits à valeur ajoutée. La Confédération paysanne du Congo (Copaco) et l’Association des producteurs et transformateurs de manioc (APTM) sont parmi les plus actives. Des efforts intenses sont dans ce sens. Créée depuis 1998, la Copaco s’occupe entre autres de la production de manioc ainsi que d’autres cultures associées. Outre son rôle de défenseur des droits des paysans, elle milite aussi pour la coordination et la promotion de l’agriculture paysanne et familiale, ainsi que pour préservation des emplois de nombreux paysans. Cette structure regroupe actuellement plus de 290 000 familles paysannes réparties en 452 organisations de petits producteurs agricoles et en 13 coordinations provinciales. Grâce à son partenariat avec la FAO, « la Copaco intervient en faveur de ses membres en termes de renforcement des capacités et par des appuis divers, notamment dans la distribution des matériels aratoires (brouettes, houes, machettes) et des semences améliorées en vue de leur permettre d’accroître la productivité de leurs champs », d’après Macaire Ngwasi Mayele, directeur de l’Académie paysanne.
Recours à la traction animale
Depuis quelques années, avec le soutien de Vétérinaires sans frontières (VSF), cette organisation d’encadrement des paysans a introduit dans les pratiques l’utilisation de la traction animale, en lieu et place de la main d’œuvre humaine. Cette nouvelle technologie pour labourer les champs est expérimentée au plateau des Bateke, situé à une centaine de kilomètres de Kinshasa. Cela permet aux paysans d’augmenter leur espace cultural. Ngwasi Mayele estime que « chaque famille peut avoir la possibilité de produire 15 tonnes de manioc par hectare, toutes les conditions étant réunies ». Sachant que cette confédération est composée de plus de 290 000 familles, la production attendue est estimée à 4 500 000 tonnes de manioc par an. Pour parvenir à ces résultats, le soutien de l’État au secteur agricole est important compte tenu de son importance dans l’économie du pays. L’agriculture contribue pour 36 % au Produit intérieur brut (PIB) total du pays et génère quelque 4 500 000 emplois, soit 75 % de tous les emplois en RDC et au moins 10 % des emplois dans 9 des 11 provinces lui sont attribuables.
Le manioc, principale culture vivrière, cultivé sur la moitié de la superficie culturale du pays, soit à 70% par les populations paysannes, doit occuper une place très prépondérante pour que la RDC reprenne sa place d’antan de premier producteur mondial de manioc(en 1995) qu’occupe actuellement la Thaïlande avec ses 18 millions de tonnes par an.
« Les organisations paysannes recours encore à la culture extensive ponctuée des périodes de jachères de 4 ans jusqu’à ces jours. L’Etat congolais ne met plus à leur disposition des moniteurs agricoles comme cela se faisait dans le passé. Le programme agricole date des années de la colonisation belge. Or, les conditions climatiques ont changé et l’on doit y tenir compte. Le peu de subsides ou de financement qui se trouve dans ce secteur proviennent des organisations partenaires », constate un observateur.
Des technologies de transformation
L’Association des producteurs et transformateurs du manioc (APTM) est un des acteurs clés évoluant dans le secteur de la transformation du manioc. C’est un regroupement constitué de plusieurs coopératives agricoles de producteurs de manioc exerçant la grande partie de leurs activités sur le plateau des Bateke. Leur objectif c’est d’encadrer des producteurs et des petits exploitants de la filière, de diffuser des technologies et des techniques de transformation du manioc en vue d’encourager la valeur ajoutée des produits dérivés du manioc. L’APTM a installé deux centres de collecte et de traitement du manioc sur le plateau des Bateke. Selon l’un des responsables, « ces deux centres sont encore insuffisants pour répondre aux exigences de la collecte et du transport du manioc frais pour assurer le traitement de la farine de manioc ». Grâce aux unités de transformation, constituées de râpes à manioc, de presses et de moulins, il est possible de produire, aujourd’hui, des micro-cossettes et la farine de manioc en trois jours au lieu de sept par la méthode traditionnelle, selon un des agronomes.