Des prête-noms dans le petit commerce

La vente au détail, exclusivement réservée aux Congolais, continue d’être entre les mains de commerçants expatriés, qui changent parfois le nom de l’établissement pour ne pas être inquiétés.

Jean-Paul Nemoyato, ministre de l’économie et du Commerce.
Jean-Paul Nemoyato, ministre de l’économie et du Commerce. (DR)

La présence à foison d’expatriés dans le monde des affaires en RDC n’épargne pas le petit commerce, domaine exclusivement réservé aux nationaux, selon la loi de 1979. Depuis l’arrivée massive des Chinois dans le secteur des infrastructures, le commerce congolais a connu la même affluence. Résultat : le petit commerce est également envahi par des ressortissants chinois, en majorité. Cette présence que d’aucuns qualifient de déviation de la mission première de la convention RDC-Entreprises chinoises, se fait de façon irrégulière aujourd’hui. Bon nombre d’expatriés ayant des magasins à travers la ville contournent la loi. Il n’y a pas longtemps, le gouvernement avait tenté d’assainir le secteur à la suite de pressions des petits commerçants locaux. Curieusement, certains magasins appartenant à des Chinois ont changé de noms. Un exemple : Lin Shi, un établissement chinois, exerce ses activités sous une nouvelle appellation : « Aimé Shop ». Dans ce magasin, les articles sont vendus au détail comme dans toutes les épiceries kinoises, y compris des tongs. « Il ne faut pas chercher à aller loin, la loi a déjà tracé les bornes entre le commerce de détail et de gros. Il suffit d’observer ce qui se passe pour se demander quel type de commerce les propriétaires de ces magasins exercent », déclare un vendeur dans un magasin chinois. Pour lui, les propriétaires préfèrent utiliser des noms français ou congolais pour ne pas être démasqués. Comme c’est le cas pour l’établissement Mamie Kakonde, détenu également par des Chinois. « Pour ouvrir un magasin et vendre au détail, il faut avoir les documents nécessaires, notamment le registre de commerce et être de nationalité congolaise. Or, cela n’est pas toujours le cas pour quelques Chinois chez qui nous travaillons », déplore un agent de livraison dans un magasin à Delvaux, dans la commune de Ngaliema.

Les employés mal payés      

Trésor Tshovu, 25 ans, travaille dans un commerce depuis près de trois ans. Pour lui, le problème des commerçants chinois ne se situe pas seulement au niveau de leur présence dans le petit commerce, mais aussi à celui du traitement que certains d’entre eux réservent aux travailleurs congolais. « J’ai travaillé pendant plusieurs mois chez l’un d’eux, mais je ne suis pas rémunéré comme il se doit », se plaint-t-il. Cinquante dollars, c’est le montant qu’il touche chaque mois. Il indique que certains de ses collègues qui ont fait plus de 4 ans ont 60 dollars, voire 120 selon l’employeur. Et affirme qu’il lui est difficile de joindre les deux bouts avec cette rémunération. « J’ai pris la décision d’aller travailler là-bas et je pensais quitter le toit familial et me prendre en charge. Je réalise que c’est impossible», regrette-t-il.

Des plaintes auprès du gouvernement       

Les commerçants congolais ne cessent de regretter cette concurrence déloyale. Mais les Chinois ne sont pas les seuls à avoir violé la loi. D’autres commerçants étrangers, notamment des Libanais et des Indo-Pakistanais, vendent parfois au détail. Du côté des acheteurs, cette situation paraît moins préoccupante : « J’achète auprès de ceux qui vendent les produits à un prix abordable, peu importe la nationalité du commerçant », déclare une dame. Par ailleurs, le Syndicat national des vendeurs du Congo (SNVC) estime que le gouvernement ne fournit pas assez d’efforts pour faire respecter la loi. Les expatriés qui ne doivent œuvrer que dans le commerce de gros et de demi-gros se sont impunément installés dans le petit commerce.