Jeudi 2 février, dans un entretien, à bâtons rompus, dans son bureau de travail, sur le boulevard du 30 Juin, sur la situation actuelle de la société dont il est aux commandes, Désiré Balazire esquisse en quelque sorte un pré-bilan de son action. Tout à son honneur pour le climat social apaisé qui règne au sein de Congo Airways en dépit de récentes mesures qui revoient à la baisse les salaires. Ailleurs, cela aurait pu donner lieu à des remous. Comment le personnel a-t-il accueilli les dernières « mesures drastiques » prises par l’employeur, visant notamment la réduction des salaires de 17 %, selon la note de service du 30 janvier actualisée ? Pour faire passer son message, Désiré Balazire a sans doute dû puiser dans son expertise en négociations, organisation administrative et gestion des ressources humaines, formation en gestion et en leadership. « J’ai parlé avec toutes les catégories d’agents et les cadres. J’ai leur ai donné des exemples à travers le monde, en leur montrant que certains pays ont fait le choix de donner de gros salaires aux gens mais sans assurance d’avoir un travail sur la durée, tandis que d’autres préfèrent payer des salaires décents mais qui maintiennent les travailleurs dans la durée », explique le directeur général de Congo Airways. « Face à la situation de leur société, les agents devaient faire un choix à un moment. Je les ai donc sensibilisés à considérer que la vie est faite des choix et des décisions. Et puisque nous sommes dans la phase de redressement de la société, il faut consentir des sacrifices pour atteindre cet objectif. Sinon à quoi bon d’avoir des salaires élevés que la société ne pourra pas garantir dans la durée ? Ils ont tous accueilli favorablement cette mesure de réduire les charges de l’entreprise, dont les salaires, afin qu’ensemble nous puissions bâtir la société », fait remarquer Désiré Balazire.
«En effet, dans ce secteur, la norme internationalement admise est d’environ 35 employés par avion. Mais avec les défis de développement qui sont les nôtres à Congo Airways, par exemple, pour vendre les billets, nous devons avoir une agence, des gens qui comptent et encaissent manuellement … alors qu’ailleurs, tout se fait électroniquement et la sous-traitance est très développée et à des coûts abordables. Ailleurs, le gros du personnel est constitué des navigants qui sont dans les avions tandis que l’administration est tenue par un personnel vraiment réduit. Par contre, chez nous, on peut se permettre d’avoir le double…»
Initialement, cette mesure devait entrer en application en janvier, mais les agents ont sollicité un report d’un mois, comme ils avaient déjà pris des engagements pour le mois de janvier. « J’ai consenti à leur demande et j’en ai informé la présidente du conseil d’administration », confirme le Dg de la CGA. La mesure va donc entrer en vigueur dès ce mois de février. En fait, les « mesures drastiques » prises par le conseil d’administration en vue de « comprimer les charges d’exploitation et pérenniser ainsi la compagnie et la majorité des emplois qu’elle a générés » découlent du plan d’action du comité de gestion pour l’exercice 2017.
Quand Désiré Balazire a pris les commandes de Congo Airways en avril 2016, le gouvernement – donc l’État qui est l’actionnaire majoritaire de la société – lui a assigné une mission bien précise : améliorer la gestion de Congo Airways. Par amélioration de la gestion, il lui a été demandé clairement de « réduire les dépenses ou les charges de la société et de revoir les dossiers du personnel ». Désiré Balazire a hérité d’un personnel pléthorique, 426 agents, pour une jeune compagnie aérienne qui a démarré avec seulement deux avions en exploitation. Les deux autres avions sont arrivés bien après, en mai 2016 et c’est à ce moment que Congo Airways a lancé les vols commerciaux avec ses modules Q 400.
Redresser la compagnie signifiait qu’il ne fallait plus recruter. En effet, dans ce secteur, la norme internationalement admise est d’environ 35 employés par avion. « Mais avec les défis de développement qui sont les nôtres à Congo Airways, par exemple, pour vendre les billets, nous devons avoir une agence, des gens qui comptent et encaissent manuellement … alors qu’ailleurs, tout se fait électroniquement et la sous-traitance est très développée et à des coûts abordables. Ailleurs, le gros du personnel est constitué des navigants qui sont dans les avions tandis que l’administration est tenue par un personnel vraiment réduit. Par contre, chez nous, on peut se permettre d’avoir le double compte tenu de ce que je viens d’évoquer », déclare Balazire.
Qui rappelle qu’il avait reçu carte blanche ou l’autorisation du vice-Premier ministre et ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale pour pouvoir licencier 199 agents. À ce jour, seulement 51 agents ont été licenciés. Et les 148 autres ? « Nous allons les enlever de Congo Airways pour les mettre dans les trois filiales que nous allons créer », a précisé le Dg de Congo Airways. Il s’agit d’une filiale handling, une filiale pour la sûreté et une filiale de maintenance des avions. C’est un projet d’avenir, a-t-il expliqué. Avant d’annoncer qu’actuellement, 18 jeunes ingénieurs congolais suivent une formation assurée par Air France Industrie et aussi des cours de certification pour devenir des mécaniciens reconnus internationalement, comme ça se passe ailleurs. « Pour arriver à maintenir un avion, il faut avoir la certification reconnue mondialement. C’est la tâche à laquelle nous nous attelons également. Quand nous aurons notre atelier de maintenance, généralement appelé MRO, nous allons maintenir nos propres avions mais aussi les avions d’autres compagnies. Les filiales que nous allons créer seront également des unités génératrices de profits pour la société, en ce sens qu’elles vont nous rendre service mais aussi à des tiers », renchérit le Dg de CGA.
«Les discussions sont déjà engagées avec des constructeurs, notamment Boeing et Airbus, pour acquérir des avions long courrier », souligne-t-il. Avec des avions long courrier, Congo Airways sera en mesure d’aller en Asie, notamment à Dubaï et en Chine, et aussi en Europe. Pourquoi pas ? « Nous avons déjà obtenu notre certificat de transporteur aérien. Pour l’instant, nous attendons que l’OACI valide le processus par lequel Congo Airways a été certifié par l’Autorité de l’aviation civile congolaise ». Mais indépendamment, nous dit le Dg Balazire, Congo Airways attend l’audit IOSA requis par l’IATA. Une fois cette étape franchie, note-t-il, sa compagnie sera alors reconnue par l’IATA.
Apparemment, maître de son sujet. Quoi de plus normal ! Cet ancien conseiller principal à la primature, en charge du collège contrôle, portefeuille et gouvernance, de mai 2012 à avril 2016, prépare un diplôme d’études approfondies en aviation civile de l’Université de Genève en collaboration avec l’IATA. Ceux qui ont étudié ou travaillé avec lui, témoignent de son intelligence et de sa moralité excellente. Des atouts que Désiré Balazire met à la disposition de la compagnie qu’il dirige. « J’ai commencé à revisiter les contrats, c’est-à-dire annuler ceux qui ne se justifiaient pas et renégocier les différents contrats. C’est le travail que je fais depuis que je suis là. Cela nous a permis de réduire sensiblement les charges de la société », confie-t-il. Tout en reconnaissant que le dossier des ressources humaines est une priorité, il met un bémol en soulignant que le plus important, pour lui, c’est de savoir d’abord par où commencer.
Le moment est donc venu pour rogner dans les salaires : « Quand je suis arrivé à Congo Airways, j’ai trouvé que le salaire de mon prédécesseur, y compris les avantages, était plus élevé par rapport à la taille de la société. Il m’a été appliqué une réduction de 30 %, tout comme les émoluments des autres membres du conseil d’administration ont été revus à la baisse pour servir d’exemple. » Congo Airways n’a pas perdu le cap. Bien au contraire, la situation est sous contrôle. En commandant de bord, le capitaine et son équipe travaillent : « Que les gens sachent que Congo Airways est une société jeune qui a de l’avenir devant elle. Pour cela, il faut consentir un minimum des sacrifices si on veut aller de l’avant ».
Mais comment aller de l’avant avec seulement une flotte de 4 avions ? « Pour le moment, cela suffit pour couvrir la demande. Nous exploitons actuellement dix villes et nous allons bientôt ouvrir d’autres lignes sur d’autres villes, à condition que les aéroports soient dans les normes et qu’il y ait des véhicules anti-incendie pour que nous nous y rendions. Sinon, jusque-là, nous sommes en capacité de transporter tout le monde. D’ailleurs, dans certaines villes où nous nous rendons, il n’y a pas de passagers. En tout cas, nous sommes la seule compagnie qui ait des avions plus jeunes. », répond Balazire. Avec une moyenne d’âge de 7 ans, les avions de CGA sont modernes et permettent de voyager dans un très bon confort. « Nous voulons que les gens soient transportés dignement. C’est d’ailleurs ce qui a été exigé par l’initiateur de ce projet, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, dans le cadre de sa vision axée sur la Révolution de la modernité. Il faut des actes concrets et Congo Airways est un acte concret de la Révolution de la modernité », rappelle-t-il. Sinon, poursuit-il, comment nous allons faire pour que la République démocratique du Congo devienne un pays à revenu intermédiaire, puis être un pays émergent, sans projets concrets comme celui-ci », interpelle-t-il.
D’après lui, une compagnie aérienne rend service à la population, certes ; mais il y a aussi d’autres services qui gravitent autour, notamment les agences de voyage et les sous-traitants… Elles créent donc d’emplois et de revenus, ce qui permet aux gens de se développer. Conscient que les ressources des actionnaires sont limitées, Désiré Balazire et son comité de gestion travaillent actuellement avec des banques et des institutions financières internationales afin de mobiliser les fonds pour l’acquisition de nouveaux appareils. « Les discussions sont déjà engagées avec des constructeurs, notamment Boeing et Airbus, pour acquérir des avions long courrier », souligne-t-il. Avec des avions long courrier, Congo Airways sera en mesure d’aller en Asie, notamment à Dubaï et en Chine, et aussi en Europe. Pourquoi pas ? « Nous avons déjà obtenu notre certificat de transporteur aérien. Pour l’instant, nous attendons que l’OACI valide le processus par lequel Congo Airways a été certifié par l’Autorité de l’aviation civile congolaise ». Mais indépendamment, nous dit le Dg Balazire, Congo Airways attend l’audit IOSA requis par l’IATA. Une fois cette étape franchie, note-t-il, sa compagnie sera alors reconnue par l’IATA. D’ailleurs, Congo Airways a déjà deux codes IATA et trois autres codes pour pouvoir préparer les LTA pour les cargos… « Ce qui reste pour l’instant, c’est d’être reconnu comme membre de l’IATA avant la fin de cette année et préparer la certification FCO (Fed Country Operator), sorte de sésame qui ouvre vers le ciel de l’Europe.
C’est dire que Congo Airways est très ambitieux, comme l’est son directeur général : « Nous n’irons pas vers ces marchés avec des avions qui ne sont pas à même de faire la différence. Nous voulons aller vers le marché européen avec des avions neufs et un service de qualité ». C’est une question de fierté, nous déclare Désiré Balazire. Qui tient à montrer que « le Congo est un grand pays, un pays dynamique ». Un pays qui avait déjà fait son histoire avec Air Zaïre par le passé, mais surtout montrer un Congo qui revient. « Tout est là pour que nous puissions réussir et que cette compagnie puisse se développer ». À court terme, Congo Airways va étendre ses ailes sur le plan domestique, mais également aller en régional et à l’international. « Nous allons ouvrir quelques lignes intérieures au courant de ce premier trimestre de 2017 et nous envisagerons les vols régionaux au cours des prochains trimestres ». Quant aux vols internationaux, ça sera très certainement dès l’année 2019, rassure Balazire. Juste le temps d’acquérir de nouveaux avions. « On n’acquiert pas les avions comme on achète une paire de chaussures dans une boutique. Pour un avion, il faut configurer selon la demande du client, le confort que l’on veut assurer, selon ce que l’on veut présenter en first class et en business class, etc. »
Foi dans le futur, Désiré Balazire apaise les esprits en soulignant que les difficultés de Congo Airways ne sont que conjoncturelles. Il n’est pas de l’avis de ceux qui avancent que les problèmes de transport aérien dans beaucoup de pays africains, dont la RDC, sont avant tout structurels. Dans ce cas, il est difficile de faire de la croissance. En aviation, pose-t-il comme principe, aucune compagnie, même si elle a des ressources très importantes, ne peut arriver à réaliser des marges au cours des trois premières années de son existence. Et même s’il y a des niches des revenus, aucune compagnie, alors aucune, ne pourra réaliser des bénéfices pendant les trois premières années. D’après lui, il est tout à fait normal qu’à ses débuts une compagnie aérienne subisse des pertes et finisse par faire des profits. Ce qu’il faut retenir, les marges sont toujours très faibles pour les compagnies aériennes, mais cela ne veut pas dire qu’elles sont négatives. Au contraire.
D’ailleurs, au niveau mondial, elles suivent une courbe ascendante, c’est-à-dire la tendance est à la hausse. D’où les compagnies aériennes passent régulièrement des commandes aux avionneurs. Si elles ne faisaient pas des bénéfices, elles ne le feraient pas. Et puis, argumente-t-il, il y a tout un environnement qui accompagne les compagnies aériennes dans leur travail, ce qui permet de dégager leur contribution dans la formation du Produit intérieur brut (PIB). « Souvent, les compagnies débutantes se constituent un fonds de roulement suffisant qu’elles vont devoir consommer en attendant de générer des bénéfices. En tout cas, nous croyons que les problèmes auxquels nous faisons face ne sont que conjoncturels. Et nous sommes là justement pour les gérer. J’ai été nommé à la tête de cette entreprise pour apporter des solutions innovantes afin de la faire décoller. Maintenant, nous sommes dans la phase de croissance et nous devons avoir d’abord des bases très solides pour pouvoir embrasser d’autres projets », conclut Désiré Balazire.