Ainsi, le juge condamne l’État par défaut en faisant valoir le certificat d’enregistrement ou l’acte de cession, faux soit-il, que le spoliateur lui présente sans en vérifier l’authenticité ni s’appesantir sur l’historique du certificat, le mode et la régularité du transfert de propriété. Les exemples sont légion ! Par exemple, le cas de l’hôpital de Kintambo : une dame s’était réclamée propriétaire de la parcelle contiguë sur base d’une ordonnance soi-disant signée par le président Mobutu. Ayant obtenu les faveurs de la justice, elle a été néanmoins confondue après vérification de l’acte de cession auprès du Journal Officiel.
Le code foncier bafoué
Ces jugements prononcés contre toute rationalité et toute légalité s’appuyant le plus souvent sur l’article 227 du code foncier, font souvent que l’État propriétaire soit débouté au motif qu’il n’a pas de certificat d’enregistrement face au spoliateur qui en détient un. Or, aux termes des articles 208 à 215 du code foncier, l’État congolais est propriétaire exclusif de tous les immeubles affectés à un usage où à un service public et de ceux de son domaine privé. Et donc l’État n’a pas besoin pour faire valoir ses droits de justifier d’un certificat d’enregistrement.
L’initiative du ministre Sakombi est vivement saluée pour peu qu’elle produise les effets escomptés. En effet, l’État ne peut pas laisser l’incurie demeurer. Dans l’opinion, on réclame des sanctions à l’encontre de tous les agents et cadres de l’administration de l’Urbanisme et de l’Habitat, ceux des ministères des Affaires foncières, de la Justice ainsi que contre les agents des forces de sécurité, de l’armée et de la police qui sont impliqués dans cette dérive. C’est question de rétablir l’autorité de l’État dans ce secteur.
Pour préserver le patrimoine immobilier de l’État, des actions ont été initiées, notamment l’identification des immeubles, appartements et villas du domaine privé de l’État dans la ville de Kinshasa par arrêté ministériel n°CAB/MIN-ATUHITPR/020/2013 du 24 septembre 2013 portant identification du patrimoine immobilier du domaine privé de l’État et l’arrêté ministériel n°CAB/MIN-ATUHITPR/001/2014 du 14 janvier 2014 complétant l’arrêté ministériel précédent. Les listes contenues dans ces deux arrêtés n’étaient pas limitatives et devaient faire l’objet des compléments. Après Kinshasa, l’identification devait se poursuivre dans les provinces.
Le transfert du domaine privé au domaine public de certains immeubles en état de délabrement ou menacés de spoliation. C’est le cas des immeubles de la place Le Royal et ceux attribués à certains services publics. En outre, quelques mesures sont nécessaires pour assurer la protection du patrimoine immobilier de l’État.
En 2016 et 2017, on a assisté à une vaste manœuvre de détournement des biens publics. Le patrimoine du domaine privé de l’État a été bradé sans froid aux yeux : des appartements, des immeubles, des maisons et des villas ont été désaffectés ou illégalement vendus à des particuliers. Un cas a défrayé la chronique à Kinshasa, il s’agit de l’immeuble UAC. Évalué après expertise à quelque 1.5 million de dollars, la note de perception n’indiquait que 956 851,78 dollars, selon le procès-verbal d’expertise établi par les services du ministère des Affaires foncières.
Amender le code foncier
Un document sorti de la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD) établissait la liste « des acquéreurs suspects » des immeubles spoliés de l’État. D’après la DGRAD, la vente ou la cession à titre onéreux d’un immeuble du domaine privé de l’État est de la compétence du ministère des Affaires foncières, et en matière de gestion immobilière, la DGRAD ne se limite qu’à un seul acte : les droits de location des maisons du domaine privé de l’État.
Des experts pensent qu’il faut entreprendre la révision des dispositions de l’article 223 alinéa 2 du code foncier qui servent d’alibi aux conservateurs des titres immobiliers pour commettre des abus dans la délivrance des certificats d’enregistrement sous le prétexte qu’il s’agit des erreurs qui sont imputables à l’État. De ce fait, le conservateur engagera sa responsabilité personnelle pour toute erreur par lui commise et cela aura comme conséquence le traitement responsable et minutieux des dossiers lui soumis. Il faudra aussi penser à engager des poursuites judiciaires en matière répressive de tous les intéressés qui ont assigné l’État en justice au sujet de son patrimoine du domaine privé, pour faux et usage de faux et spoliation. Quant aux agents de l’administration publique à divers niveaux (fonctionnaires, magistrats, agents de sécurité et éléments de la police et des Forces armées) complices dans la spoliation du patrimoine immobilier de l’État, il faut envisager des poursuites judiciaires.