La barre symbolique de 500 000 hl d’eaux de table pourrait être atteinte en décembre, selon des experts du ministère de l’Industrie. Mais la Direction générale des douanes et accises (DGDA) table plutôt sur une production minimale de 460 807 hl des eaux de table et 3 058 485 hl des limonades et jus pour lesquelles elle (DGDA) compte percevoir 16.3 milliards de francs, soit environ 15 millions de dollars des droits d’accises. Les mêmes produits mais importés ne devraient rapporter que moins de 2 millions de dollars à la douane.
De par leurs étiquettes, des eaux de table et des jus vendus sur le marché local rappellent le Canada, les États-Unis, l’Egypte, etc. Et pourtant, tous ces produits ou presque sont fabriqués à Kingabwa, le quartier industriel de la commune de Limete ou encore des produits des petites et moyennes entreprises (PME) installées dans le Kongo-Central, aux bordures de la nationale n°1, axe Matadi-Kinshasa.
Une affaire d’expats
En 2016, la DGDA a perçu plus de 12,7 milliards de francs sur des assignations de 21 milliards de francs contre un petit milliard de francs sur les eaux de table, jus et limonades importés. En 2015, la production locale a rapporté à la douane 12.6 milliards de francs et 13,3 milliards de francs en 2014. Par ailleurs, le ministère en charge des Ressources hydrauliques chiffre à près de 2.5 milliards de francs, environ 2 millions de dollars, la redevance 2017 sur les auto-producteurs des eaux naturelles, minérales et thermales. En 2016, la redevance qui est, en pratique, perçue par la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), a été captée à plus de 2.961 %, soit plus de 1.3 milliard de francs sur des attentes d’environ 46 millions.
L’industrie des eaux de table et produits connexes reste concentrée entre les mains des expatriés (Aqua Cool, Aqua rim, Abeer, Canadian, American, Alpina…) généralement indopokistanais et libanais. Certains nationaux financés par le Fonds de promotion de l’industrie (FPI), se sont aussi lancés dans l’aventure.
C’est le cas de l’eau de table estampillée « Ma vie » produite au Kongo-Central. Son promoteur aurait reçu, sans appel d’offre officiel, la distribution exclusive dans les institutions publiques dont la primature. Ce contrôleur de la DGRAD fait aussi remarquer que les eaux de table produites par des indopakistanais, par exemple, ne sont distribuées que dans des magasins et restaurants tenus par des indopakistanais, il en est de même pour des Libanais. «Vous ne verrez jamais Aqua cool servi dans un resto des Libanais. Ou encore Canadian dans un restaurant pakistanais ou indien. Il en est de même pour ce qui est des jus », poursuit-il. Le ministère en charge des Ressources hydrauliques et la DGRAD comptent percevoir plus de 222.3 millions de francs cette année, au titre de la redevance sur les eaux minérales et minéralisées, commercialisées ainsi que les eaux thermales. Selon le ministère de l’Industrie, des eaux de table se distinguent, en effet, de par leurs sources. Ainsi, pour l’exercice 2017, l’autorisation d’exploitation des eaux naturelles de surface ou souterraines devrait rapporter au bas mot 128,3millions de francs alors que l’autorisation de recherche des eaux naturelles, minérales et thermales, quelque 9.3 millions.
Cependant, pour des observateurs avertis, nombre de fabricants d’eaux de table ne recourent qu’à l’eau distribuée par la REGIDESO à laquelle ils ajoutent des purifiants d’eau. Le tour est joué.
Scepticisme mondial
Les eaux minérales sont censées être des eaux qui possèdent des caractéristiques chimiques stables de nature à apporter ses propriétés favorables à la santé. Mais de l’avis des experts de l’Association pour un contrat mondial de l’eau (ACME), les opérations de marketing priment sur les normes EDCH (Eaux destinées à la consommation humaine). Les eaux de table, d’après l’ACME, sont généralement beaucoup trop minéralisées pour être consommées à longueur de journée ou même obtenir l’appellation « Eau potable ». D’après l’ACME, l’eau en bouteille n’est pas plus protégée de la pollution que l’eau du robinet. Membre de l’ACME, Jean-Luc Tanly parle du « mythe de la pureté de l’eau en bouteille! ». Et l’Association pour un contrat mondial de l’eau, « boire une eau minérale à sa source, et boire la même eau stockée en bouteille, présentent autant de différences qu’admirer un animal sauvage, évoluant librement dans son milieu naturel, et même, empaillée dans une vitrine du Museum d’Histoire Naturelle ». Pour l’ACME, une eau minérale en bouteille n’apporte rien de ce qui faisait la valeur originelle de la source mais au contraire entartre l’organisme au niveau des articulations et des muscles.
L’organisme n’a en effet besoin de minéraux et d’oligoéléments qu’en très petites quantités et une consommation d’eau minérale toute la journée l’obligera à puiser dans ses réserves énergétiques pour éliminer le surplus, avec un risque d’épuisement des organes filtres (reins notamment). « Utilisées à dose journalière comme eaux de table, les eaux minérales conduisent à des sulfatages des milieux intérieurs et préparent le terrain d’affections lourdes », atteste l’ACME pour un contrat mondial de l’eau. Et de poursuivre : « Boire ces eaux là, c’est aller dans le sens contraire de la vie, se laisser glisser sur les terrains des maladies et de dégénérescence […] c’est l’abaissement insidieux et silencieux des énergies cellulaires micro-vibratoires ». Selon le site Bioddict.fr, une enquête menée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), juge 22 % des eaux minérales non conformes aux teneurs indiquées ou aux normes en vigueur. Des concentrations anormales de baryum, manganèse… ont été répertoriées parmi ces eaux embouteillées en France et dans l’Union européenne. L’enquête note aussi des déficits en minéraux par rapport aux teneurs indiquées. « Sur 21 eaux minérales testées par le magazine Que Choisir en juillet 2014, seules 5 étaient inférieure à la limite des 1500 mg /l évoquée par le corps médical comme étant la limite à ne pas dépasser (alors que les naturopathes évoquent plutôt la limite des 200 mg/l et les bioélectroniciens 50 mg/l!)).
Enfin, une enquête menée en 2015 aux États-Unis a révélé que certaines marques d’eau embouteillée renfermaient les mêmes contaminants que l’eau du robinet (Environmental Working Group, Drinking Water – Bottled Water Quality Investigation : 10 Major Brands, 38 Pollutants). Et pour cause: 40 % de l’eau distribuée en bouteille dans le monde serait en fait de l’eau du robinet à laquelle ont été rajoutés des minéraux!