POUR MARQUER la première décennie de son existence d’une empreinte spéciale, le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF) a prévu une série d’événements régionaux en Afrique pendant l’année. En juillet, Rabat au Maroc et Lomé au Togo ont accueilli deux importantes réunions de l’ATAF. Les événements visent à mettre en évidence les travaux de l’organisation et les réalisations, mais aussi de tourner le regard vers l’avenir, en traçant la voie des 10 prochaines années de l’ATAF. Créé en 2009 à Kampala, l’ATAF est une plateforme internationale d’adhésion des autorités fiscales africaines, qui vise à l’amélioration des systèmes fiscaux en Afrique à travers l’échange d’informations et la contribution active à l’agenda fiscal régional et mondial.
À l’heure du bilan, des observateurs notent que l’organisation joue un rôle significatif dans le développement de la fiscalité en Afrique. Tenez : avec le concours de l’ATAF, par exemple, la Zambie et le Botswana ont engagé la réforme des règles de prix de transfert. Le Botswana a mis en place de nouvelles règles relatives à la déductibilité des intérêts selon l’approche prônée par l’ATAF. En juin 2018, l’Organisation des Nations Unies pour la coopération et le développement économique (OCDE) a renouvelé l’accord de coopération avec le Forum de l’administration fiscale africaine qui court jusqu’en juin 2023. Cette coopération porte sur « les incitations fiscales en faveur de l’investissement, les prix de transfert, l’échange de renseignements, l’éducation des contribuables, le recueil de statistiques sur les recettes publiques des pays africains et l’appui à l’initiative proposée par Inspecteurs des impôts sans frontières (IISF) ».
L’ATAF est également à l’origine de la création de la Tax Administration Library (TAL), une plateforme qui centralise la publication des bonnes pratiques, les expériences et les connaissances en matière fiscale par les membres de l’organisation. L’ATAF publie aussi des analyses dont la Note technique sur les défis fiscaux posés en Afrique par l’économie numérique. Alors, cette année, à Rabat, les membres ont remis sur la table des discussions la problématique de la performance fiscale. C’est une question préoccupante en RDC, où les recettes mobilisées sont largement en dessous du potentiel fiscal. Selon les experts, la performance fiscale est non seulement liée au facteur activité économique, mais aussi à d’autres, difficilement quantifiables, comme les exemptions fiscales, les dépenses fiscales, l’évasion fiscale, la bonne gouvernance fiscale, la gestion de l’administration fiscale…
Pour une plateforme d’échange de renseignements fiscaux entre les administrations africaines. L’idée fait du chemin. En tout cas, un large consensus prend corps à travers les administrations fiscales africaines autour de la nécessité des échanges de renseignements pour optimiser la mobilisation des recettes dans un écosystème caractérisé par l’accroissement des besoins des États. « Aujourd’hui, aucune administration ne peut évoluer seule », a déclaré Essowavana Adoyi, commissaire des impôts à l’Office togolais des recettes (OTR). Nécessité de coopération entre les administrations fiscales africaines. La question était d’actualité lors de la 3è réunion consultative du Forum de l’administration fiscale africaine qui vient de se tenir à Lomé au Togo.
La réunion de Lomé a permis de revoir la stratégie pour favoriser les échanges de renseignements fiscaux entre les pays membres, car aucun revenu ne devrait échapper à l’administration fiscale, sauf en cas d’exonération. Si les administrations fiscales en Afrique ne coopèrent pas comme il se doit échanger le maximum de renseignements fiscaux, c’est clair que plusieurs opérations susceptibles d’être imposées pourraient leur échapper.
Une ère nouvelle s’ouvre
Nombre d’observateurs estiment que l’ATAF est le passage obligé pour une plus grande autonomie, une croissance renforcée et pour un développement social accru en Afrique. En effet, expliquent-ils, dans les pays africains, le rôle essentiel du fisc est une réalité d’évidence. « Nous savons tous que le fisc prélève les financements nécessaires aux services vitaux, mais on oublie souvent qu’il renforce les institutions publiques, favorise la bonne gouvernance et stimule le développement économique », fait remarquer Hilaire Otoni, un fiscaliste.
Pour bien des experts, seule une administration fiscale efficace, efficiente et compétente est à même de mobiliser davantage de ressources budgétaires nationales et fournir au gouvernement des recettes durables et générées à l’interne. Ce qui permet de réduire la trop grande dépendance aux investissements directs de l’étranger (IDE) et à l’aide (publique) au développement (APD). C’est donc grâce à une administration fiscale forte que les États africains peuvent avoir une marge de manœuvre budgétaire suffisante et nécessaire pour déterminer les dépenses prioritaires, en fonction des objectifs et besoins socioéconomiques propres de développement national.