Sur le plan régional, l’Observatoire des forêts d’Afrique centrale (OFAC), cellule technique et scientifique de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), vient de formuler de nouveaux indicateurs avec des thématiques émergentes pour le suivi des produits forestiers non ligneux et la gestion spéciale des forêts et de la biodiversité marine. C’est le principal résultat de l’atelier de révision organisé par la COMIFAC, du 20 au 22 février, en République du Congo. Les participants venus des dix pays membres de la COMIFAC se sont penchés sur la problématique de la coordination et la publication de prochains états des forêts et des aires protégées. Ils ont aussi examiné le processus d’optimisation de collecte des données institutionnelles et opérationnelles de la COMIFAC incluant les bases de données de l’OFAC.
En tant qu’instrument de mise en œuvre du plan de convergence afin de capter l’ensemble des informations nécessaires à la gestion durable des écosystèmes forestiers du bassin du Congo, l’OFAC fournit les informations officielles consensuelles sur les forêts d’Afrique centrale et sur leur gestion, pays par pays et à l’international. Les premiers indicateurs de l’OFAC ont été publiés en 2008, puis en 2012. Il était donc temps, quatre ans après, de passer à leur actualisation en tenant en compte des thématiques émergentes. Il s’agit de mieux répondre aux attentes des États notamment en lien avec les engagements internationaux. Sous cet angle, la disponibilité d’une information exhaustive sur la qualité et le système de suivi est indispensable à la prise de décisions éclairées pour une gestion durable des écosystèmes forestiers.
Le pavé de Greenpeace
Entre-temps, l’ONG Greenpeace s’est insurgée contre la réattribution des 3 concessions forestières à deux compagnies d’exploitation chinoises (FODECO et SOMIFOR) en République démocratique du Congo. Elle dénonce en fait la violation du moratoire de 2002. Selon cette ONG, l’expansion de l’exploitation forestière dans deux de ces trois concessions est une « grande menace » sur les 145 000 km² de tourbières récemment découvertes et risque d’avoir des « conséquences néfastes » sur le changement climatique. Greenpeace demande au gouvernement de la RDC d’« annuler la décision » (arrêté du ministre en charge de l’environnement) et d’en « sanctionner les auteurs ».
En s’installant en Afrique, Greenpeace bat campagne de lutte contre les changements climatiques (Afrique du Sud), la déforestation (RDC) et la surpêche (Dakar). S’agissant de la protection des forêts tropicales, l’industrie du bois menace les forêts tropicales du bassin du Congo et les communautés qui en dépendent. D’après cette ONG, ces forêts jouent un rôle crucial dans la régulation du climat dans le monde. Si les coupes forestières se poursuivent au rythme actuel, la RDC risque de perdre 40 % de ses forêts dans les 40 prochaines années.
Ainsi, Greenpeace plaide pour l’adoption de mécanismes financiers « forêts pour le climat » qui permettraient aux forêts du bassin du Congo de conserver plus de valeur économique. Voilà pourquoi Greenpeace a ouvert un bureau à Kinshasa en 2008 pour attirer l’attention sur la destruction des forêts tropicales ainsi que sur le rôle des forêts dans la lutte contre les changements climatiques.
Selon la responsable de Greenpeace en RDC, Irène Wabiwa Betoko, la décision gouvernementale re-autorisant l’exploitation de 650 000 ha de forêts par des entreprises chinoises, suspendue en 2006, viole et la loi et surtout le moratoire. Qui concerne et l’attribution des nouveaux titres et la réhabilitation des anciens. D’après Irène Wabiwa, Greenpeace s’inquiète des répercussions environnementales que peuvent engendrer l’exploitation de ces concessions forestières, notamment dans une zone des tourbières (145 000 km²). « Sur les plans environnementaux et écologiques, la réalisation de ces trois titres forestiers posent problème par le fait que six concessions empiètent la superficie couverte par des tourbières qui ont été récemment découvertes dans notre pays. Les tourbières consacrent près de 30 milliards de tonnes de carbone, elles ne peuvent rendre ce service à l’environnement que quand elles sont gardées humides et intactes », a expliqué à la presse Wabiwa.
La réponse du berger à la bergère
La réaction du gouvernement a été rapide. Pour le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Amy Ambatobe Nyongolo, ce sont des concessions déjà attribuées, il y a mauvaise lecture de la loi ou des textes réglementaires, il y a eu des recours… et au finish, la concession n’est pas concernée par le moratoire. Quant aux conséquences sur l’environnement, il n’y en aura pas, l’exploitation industrielle du bois est légale, et même encouragée dans le respect des normes.
Pour rappel, en août 2016, le ministre de l’Environnement, Robert Bopolo, avait annulé l’attribution de ces trois concessions sur instruction du 1ER Ministre de l’époque, Augustin Matata Ponyo. Avant d’être réallouées le 1er février. Deux concessions empiètent sur la zone des tourbières qui pourraient contenir plus de 30 milliards de tonnes de carbone.
Le directeur exécutif de la Rainforest Foundation, Simon Counsell, pense que l’attribution de nouvelles concessions forestières est un « signal clair » à la communauté internationale. D’après lui, le gouvernement met une croix sur toute ambition de réduire les émissions liées à la déforestation ou à la dégradation des forêts. Comme il le dit, « toute opération d’exploitation forestière à grande échelle, en particulier dans les tourbières, est susceptible de causer des émissions massives de gaz à effet de serre ». Les donateurs, comme la Norvège ou la Banque mondiale, vont devoir réévaluer les programmes REDD en RDC et juger de l’opportunité ou non de continuer à les financer.
Profiter des avantages des forêts
D’aucuns estiment qu’il faut profiter des avantages des forêts. Ils encouragent le gouvernement à mettre l’accent sur les recettes fiscales que tire l’État des activités forestières et insistent sur le partage, voulu par la loi, de ces recettes avec les collectivités territoriales et provinciales. D’après eux, le cadre juridique et politique pour une gestion durable des forêts a été fortement amélioré. Les droits des communautés locales et des peuples indigènes vivant dans des concessions forestières ou à proximité des forêts ont été renforcés. Dans ce contexte, il est important de veiller à ce que les pauvres ruraux bénéficient de l’amélioration de la gestion des forêts, par exemple en recevant le produit de taxes sur les concessions forestières et par la création d’une infrastructure sociale (écoles, dispensaires, routes desservant les marchés) par les concessionnaires.
Selon des experts, il y a eu de « gros progrès » dans la déclaration au fisc des revenus des compagnies forestières, ces dernières années. Mais il y a encore à faire pour maîtriser les exportations illégales de bois scié non déclaré vers des pays voisins de la région des Grands lacs. La RDC est à l’avant-garde de l’atténuation du changement climatique et est l’un des membres du groupe de pays qui sont en pointe par l’adoption officielle de sa Proposition pour la préparation (R-PP) à la Réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD). Les autorités pouvaient se centrer sur l’exécution d’un programme de 25 millions de dollars qui a été mis en place pour la réalisation de la proposition R-PP et générer des crédits carbones dans le cadre du système REDD.