Dans le Kasaï oriental, la relance de la Minière de Bakwanga (MIBA) est une intention de prière quotidienne. La société spécialisée dans l’exploitation et la commercialisation du diamant industriel est au bord de la faillite depuis plusieurs années. Elle accuse une dette sociale de 150 millions de dollars. Plusieurs plans de redressement ont été envisagés et appliqués pour la reprise optimale des activités minières dans cette entreprise parapublique. Mais ils se sont soldés par un résultat négatif. Pour EDS, le redressement de la Minière de Bakwanga passe par un démembrement grâce auquel plusieurs entreprises minières, plutôt compétitives, naîtraient avec des projets de développement social.
L’ancien président-administrateur délégué de la MIBA, feu Gustave Luabeya Tshitala, avait mûri aussi un tel projet. Mais il n’a pas eu le temps de le concrétiser parce qu’évincé de son poste par le ministre du Portefeuille, Jeannine Mabunda. Depuis, la Minière de Bakwanga a connu une succession des comités de gestion qui, tous, se caractérisaient par une gestion plutôt trouble. Dans l’un de ses rapports, l’ancien ministre du Portefeuille, Louise Munga, déplorait, au sujet de la Minière de Bakwanga, des « actions disparates », la « navigation à vue ». La MIBA était donc dans la nécessité de se doter d’« un plan de relance réaliste en vue d’obtenir les financements nécessaires susceptibles d’assurer le développement durable de la MIBA ». On le sait, la Minière accuse une certaine instabilité de ses cadres dirigeants. Plus de six comités de gestion se sont succédé depuis dix ans. Celui qui est en place actuellement a juste une année de travail. Le trio (Adalbert Otshomapita, Agnès Kabongo et Octavie Mulaya) à la tête de l’entreprise regrette cependant que la proposition de la société américaine EDS ne soit pas assortie d’un montage financier qu’elle compte mettre en œuvre pour la relance de la MIBA.
Recapitalisation
Contrairement à Mwana Africa, l’actionnaire minoritaire de la Minière dont les propositions ont été balayées par le gouvernement Matata. Pour le Premier ministre, Samy Badibanga Ntita, la MIBA doit être redressée et jouir de son impact économique et social d’antan. Pour ce faire, Badibanga encourage la participation des Congolais à l’actionnariat de cette entreprise minière. « L’essentiel, ici, est de faire en sorte que nos ressources naturelles contribuent pleinement à notre développement économique et à notre progrès social, dans le respect et la protection de notre environnement », a déclaré à l’Assemblée nationale, le Premier ministre. Pourtant, l’offre d’une recapitalisation de la MIBA proposée par un investisseur congolais, se heurte voilà dix ans au veto de Kinshasa.
Plus d’une fois, les quelque 3 400 agents de la MIBA se sont, en effet, prononcés et ont soutenu Mwana Africa, dirigé par un fils du terroir. Kalaa Mpinga, le fils de l’ancien dignitaire du régime Mobutu, Mpinga Kasenda. En janvier 2001, Kalaa aurait tenté, en vain, d’amadouer Robert Mugabe pour le faire adouber le chef de l’État dans la suite des incertitudes inhérentes à l’assassinat de M’zee Kabila. Depuis, l’homme est présenté, à tort ou à raison, comme personna non grata en RDC. Officiellement, l’ État n’a jamais décidé du bannissement du fils Mpinga Kasenda, ancien Premier ministre sous Mobutu. Mwana Africa a, en effet, racheté, en 2006, la SIBEKA, actionnaire minoritaire avec 20 % des parts dans la MIBA. L’État, actionnaire majoritaire à 80%, n’a jamais été mis au courant de cette transaction. Depuis, la SIBEKA propose à l’État un montage financier pour la relance de la MIBA, selon un rapport conjoint rédigé par l’ancienne ministre du Portefeuille, Louise Munga, et son collègue des Mines, Martin Kabuelulu.
Mais l’offre de la SIBEKA est assortie des préalables que les deux ministres jugent… « irrévérencieux » vis-à-vis de l’État. « À notre avis, poursuivent les deux ministres, il n’est pas approprié de fonder les rapports contractuels sur la base de « la stratégie du couteau sous la gorge ». « Je constate, écrit l’alors ministre du Portefeuille à Matata Ponyo, que la plupart des exigences exprimées par la SIBEKA ne donnent pas d’ouverture à la reprise d’une relation harmonieuse. Aussi, je propose que la reprise de contact avec SIBEKA ne puisse se faire qu’après que le gouvernement se soit prononcé sur les exigences de la SIBEKA ». Mwana Africa/SIBEKA exige que la gestion de la MIBA soit cédée, pour une période de 3 ans, à une société spécialisée sélectionnée sur base d’un appel d’offres international auquel Mwana Africa/SIBEKA aura le droit de soumissionner. Conditionnalité rejetée par la ministre du Portefeuille qui a soutenu que durant une dizaine d’années, toute la gestion de la MIBA était concentrée à Bruxelles : les approvisionnements, la commercialisation et même les finances. Alors que la MIBA affichait des résultats négatifs, la SIBEKA se retrouvait respectivement dans les approvisionnements et la vente de diamant. Le prix de vente officiel négocié par la SIBEKA oscillait entre 7,00 dollars et 11,00 dollars le carat alors que, sur le marché, le diamant brut coûtait entre 25 dollars et 35 le carat.
Cette opacité a continué même à l’époque où SIBEKA assumait le poste d’administrateur-délégué général. Elle était donc au centre de toutes les décisions jusqu’à l’arrêt de leur participation, en avril 2009, coïncidant avec l’absence de production de diamant par la MIBA.
Emprunts à la Rawbank
Le gouvernement devrait apprécier s’il est souhaitable de donner la direction générale de la société à la SIBEKA dont nous déplorons quelques années de gestion calamiteuse ou à une société tierce. Et voilà la SIBEKA qui offre sa version révisée des statuts de la MIBA dans lesquels elle insère, selon la ministre du Portefeuille, diverses règles nouvelles visant essentiellement à renforcer sa position d’actionnaire minoritaire au sein de la société et son contrôle sur le quorum et le mode décisionnel au sein des organes sociaux. SIBEKA tiendrait à désigner seule l’ADG de la MIBA.
Emprunts à la Rawbank
Elle préfère la nomination d’un seul administrateur indépendant alors que l’État avait déjà suggéré la désignation d’au moins deux administrateurs indépendants, l’un par lui et l’autre par SIBEKA. Mwana Africa/SIBEKA s’oppose également à la proposition du gouvernement d’incorporer aux fonds propres de la MIBA toutes les interventions financières faites par l’État à la MIBA. Il s’agit notamment de 10 millions de dollars, présentés initialement comme un don du chef de l’État, puis requalifiés d’emprunt par le gouvernement Matata. Ou encore de 11 millions de dollars obtenus, mi-2007, auprès de la Rawbank, au taux d’intérêt de 10 % l’an. La MIBA aurait de nouveau obtenu de la Rawbank un emprunt additionnel de 85 millions de dollars. Pour Mwana Africa/SIBEKA, les appuis financiers de l’État ne peuvent nullement être considérés comme des dettes contractées par la MIBA. D’autant plus qu’ils n’ont guère contribué à la relance de la Minière de Bakwanga.
L’une des conditions posées par Mwana Africa/SIBEKA pour la relance de la Minière est l’introduction de la MIBA, 4 ans après sa reprise, en bourse.