En Afrique, les véhicules d’occasion sont les rois de la route

Selon un rapport publié le lundi 26 octobre dernier, entre 2015 et 2018, quelque 14 millions de véhicules légers d’occasion ont été exportés dans le monde. Environ 70 % de ces exportations ont été effectuées vers des pays en voie de développement, dont plus de la moitié vers l’Afrique.

ELLES VIENNENT de l’Occident mais aussi du Japon et de Dubaï. Elles sont prisées pour leur moindre coût. Les voitures d’occasion s’arrachent comme des petits morceaux de pains. Mais force est de constater que ces engins qui servent plus d’un sont à la base d’une grande destruction de l’environnement et de la couche d’ozone. Les Occidentaux qui en ont déjà fait usage, s’en débarrassent et les engins sont acheminés sur l’Afrique. L’on se demande si l’Afrique est le dépotoir de l’Occident. Pourquoi les Africains acceptent si fièrement de prendre les restes des Occidentaux ? Chacun y va de son commentaire et de son avis. 

Alors que certains chefs d’État mènent une bataille pour mettre fin à l’importation des véhicules déjà utilisés, plusieurs personnes fustigent leur décision. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, les 2 chefs d’État ont décidé de la limitation d’importation des véhicules d’occasion. Pendant ce temps, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) vient de faire sortir un rapport accablant sur les véhicules importés. 

Une menace ?

Vieilles, polluantes et dangereuses, les voitures d’occasion exportées par millions représentent une menace pour les pays en développement, faute de normes suffisantes. L’Union européenne (UE), le Japon et les États-Unis ont exporté environ trois millions de voitures particulières par an entre 2015 et 2018, dont 70 % vers des pays en développement. Les pays européens, qui représentent plus de la moitié des exportations, envoient leurs vieilles voitures notamment vers l’Est, mais aussi au Nigeria et en Libye, depuis les ports d’Anvers ou du Havre. Le Japon les envoie au Moyen-Orient et en Afrique australe, et les États-Unis au Mexique et aux Émirats arabes unis.  

« Ce n’est pas beau à voir. La plupart de ces véhicules sont très vieux, polluants, énergivores et dangereux », a souligné Rob de Jong, qui dirige l’unité Mobilités durables du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). « Les pays développés doivent arrêter d’exporter des véhicules qui échouent aux tests de sécurité et de pollution et qui ne pourraient plus rouler dans leur pays d’origine. Les pays importateurs devraient, de leur côté, adopter des normes de qualité plus sévères », at-il averti.

En Côte d’Ivoire, le décret portant la limite d’âge des voitures exportées est entré en vigueur le 1er juillet 2018. Une mesure vivement contestée par les importateurs. Le décret  fixe l’âge limite des véhicules d’occasion importés en fonction du type et du poids de l’automobile. Cinq ans pour les taxis, 7 ans pour les minicars de 9 à 34 places, 7 ans pour les camionnettes pesant jusqu’à 5 tonnes, 10 ans pour les cars de plus de 34 places, 10 ans pour les camions de 5 à 10 tonnes, 10 ans pour les camions de plus de 10 tonnes et l’âge limite des véhicules de tourismes d’occasion importés est fixé à 5 ans, à compter de la date de leur première mise en circulation à l’étranger. Le gouvernement a pris toutes les dispositions pour faire respecter cette mesure. Ainsi selon Samou Diawara le chargé de communication du ministère des Transports, « il n’y a plus d’embarquement des types de véhicules concernés par cette décision depuis l’étranger. Généralement, les dédouanements se font depuis le pays d’origine de ces véhicules. L’État ivoirien ayant des démembrements dans certains de ces pays, les services compétents sont mobilisés pour l’application de la décision du gouvernement. Cette mesure n’est pas du goût des des transporteurs. Ils demandent un accompagnement de la part du gouvernement ». « Le décret portant interdiction de l’importation des véhicules d’un certain âge est bel et bien appliqué. C’est un décret qui fait très mal aux importateurs, c’est pourquoi nous avons demandé lors d’une réunion du comité paritaire, les mesures d’accompagnement prévues par le gouvernement. Le ministre des Transports nous a dit que nous allons réfléchir ensemble en fonction de l’évolution de la mise en œuvre de cette mesure et faire des propositions », a fait savoir Henri Konan, le président de la Fédération des importateurs de véhicules de Côte d’Ivoire. Au Sénégal, l’État a également pris cette décision de la limite d’âge des véhicules d’occasion importés. Cela a suscité la grogne chez les transporteurs.  Face à ces mécontentements, Oumar Youm, le ministre des Transports, répond ceci : « En 2021, aucun véhicule de plus de 40 ans ne va faire de transport public au Sénégal. De même, un camion de plus de 40 ans ne va plus y circuler. Le décret d’application est déjà prêt parce qu’une loi est un ordre général et s’applique à tout le monde et il faut que les gens acceptent la réglementation. Car, ce sont les surcharges qui sont sources de nombreux accidents et font vieillir rapidement les véhicules ». L’État sénégalais a mis en place un dispositif pour remplacer tous les véhicules de transport en commun vieillissant. Les voitures sont au nombre 45 000 et elles sont toutes neuves.

Situation en RDC

En République démocratique du Congo, le décret d’Augustin Matata Ponyo, alors 1ER Ministre, interdisait l’entrée des véhicules d’occasion de plus de dix ans après leur sortie de l’usine. Depuis que cette mesure est entrée en application, le mécontentement a été général, notamment à Boma et Matadi. Ces deux principales villes de la province du Kongo-Central dépendent majoritairement de l’activité économique au port. Or il se fait que c’est le marché d’occasions (bilokos), essentiellement les véhicules qui fait tourner à plein régime les deux ports, et donc fait vivre la grande partie de la population.

Cela ne pouvait pas durer. La Banque centrale du Congo, la douane, le fisc, la Société commerciale des transports et des ports (SCTP) avaient critiqué ce décret qui impactait les activités à Boma. Pour sa part, Freddy Nkumu, le président national des importateurs de véhicules en RDC, estimait que ce décret était un « suicide collectif ». Finalement, Samy Badibanga Ntita qui a succédé à Matata Ponyo, a annulé ce décret en 2017. 

En 2015, le gouvernement s’est engagé à implanter une usine de montage des véhicules à Kinshasa. Par ailleurs, la législation congolaise a établi une dizaine de taxes et autres droits pour importer un véhicule. Pour un véhicule d’occasion acheté à 1 000 euros en Europe, il va falloir payer 4 000 dollars à la douane, sans compter les sempiternels pourboires.